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ENTRETIENS 20 avril 2024

Jérôme Deschamps, faire bouger l’Opéra Comique

Voilà l’Opéra Comique nouvelle formule à la fin de sa première saison. Jérôme Deschamps vient d’annoncer la programmation 2008-2009, soit, avec le même budget, huit nouvelles productions contre seulement cinq cette année. Le patron de la salle Favart fait pour Altamusica un point plus sous forme d’une photo de la situation que d’un bilan.
 

Le 13/05/2008
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Au moment oĂą le travail a dĂ©jĂ  commencĂ© sur Porgy and Bess qui clĂ´turera votre première saison en juin, que retirez-vous du travail effectuĂ© depuis la rĂ©ouverture de Favart ?

    L’enjeu de cette saison de rĂ©ouverture Ă©tait considĂ©rable. Il fallait que la salle Favart retrouve le vrai fonctionnement d’une maison d’opĂ©ra. Elle avait un système plus théâtral, avec de longues sĂ©ries. Assumer les productions ainsi que les petits spectacles annexes que nous avons appelĂ©s les « rumeurs Â» a Ă©tĂ© difficile.

     

    Le public de l’Opéra Comique n’a-t-il pas été déboussolé ?

    Nous avons des indications favorables sur les retrouvailles entre le public et le répertoire, une adéquation très touchante. Les spectateurs ont l’air de se retrouver en famille. Nous venons d’annoncer la nouvelle saison et nous avons des retours très chaleureux. Voilà qui s’annonce plutôt bien.

     

    Qu’en est-il du budget, des subventions, des recettes ?

    Nous avons un budget de quinze millions d’euros dont sept millions de charges fixes. La subvention de l’État est de dix millions. Le reste, ce sont les recettes propres et les mécènes. La fréquentation est au-dessus de 80%. L’Opéra Comique est, par fauteuil, le moins subventionné de France. Notre équipe est petite : quatre-vingt-dix personnes. Nous ne sommes pas étouffés, comme beaucoup de grandes maisons, par le fonctionnement.

     

    Quel est le spectacle qui a le mieux marché cette saison ?

    En terme de recette l’Étoile de Chabrier, parce que les prix des places étaient les plus élevés. En terme de fréquentation absolue Cadmus et Hermione de Lully. Quant à Zampa, il a assuré un taux de remplissage de 85%.

     

    Dans l’ensemble, les critiques n’ont pas été très tendres avec vos premières productions.

    C’est la règle du jeu. On a écrit beaucoup de bien à mon arrivée et je me suis dit que je risquais de le payer. Le constat est toutefois terrible pour la presse écrite, car les réactions négatives n’ont eu aucune incidence sur la venue du public ! L’opinion ne se fait plus ainsi. Je ne m’en réjouis d’ailleurs pas. Il y a d’autres forces en présence, l’Internet notamment et ces blogs qui se multiplient. Mais au fond, moi, ce qui m’importe, c’est que la maison tourne !

     

    Parlez-nous un peu des « rumeurs Â».

    Ce sont des « autours de spectacles » très importants, qui offrent l’occasion de mieux comprendre le rĂ©pertoire. Évidemment, cela est nouveau et inhabituel. Il faut que nous restions entĂŞtĂ©s lĂ -dessus. Pour Momo le clown, nous avons refusĂ© du monde. La parodie de Zampa a très bien marchĂ© aussi. Les colloques savants sur la naissance de l’opĂ©ra français pendant les week-ends Ă©galement. Je sens un mouvement. Dans les premières rĂ©ponses des abonnĂ©s, on s’aperçoit que la demande sur les « rumeurs Â» s’amplifie.

     

    Comment avez-vous composé la saison prochaine ?

    Je l’ai construite autour de deux thèmes : asseoir un répertoire et poursuivre des fidélités artistiques avec notamment William Christie. C’est pour cela que je reprends Zampa, qui sera d’ailleurs l’objet d’une captation vidéo. Zampa a fait découvrir le jeune chef Jonathan Cohen qui, assistant de Christie, n’avait jamais dirigé en France. Bill ouvrira aussi la saison avec Didon et Enée de Purcell, dans une production des Wiener Festwochen que la metteure en scène Deborah Warner adaptera à la salle Favart. Ensuite, Fra Diavolo d’Auber mettra le spectateur au cœur du répertoire historique de l’Opéra Comique. Il sera accompagné dans la série des Jardins de l’Opéra Comique par la diffusion du film que Hal Roach en avait tiré en 1933 avec Laurel et Hardy. La saison aura également une couleur anglaise avec Albert Herring d’après la nouvelle de Maupassant le Rosier de Madame Husson que Benjamin Britten a transposée à l’époque victorienne.

     

    Albert Herring est une coproduction. Comptez-vous Ă©tendre ce principe ?

    Il s’agit en effet d’une coproduction avec Lyon comme Lady Sarashina de Peter Eötvös créé en mars 2008 dans cette même ville. Nous ferons rebelote avec Lyon pour le Roi malgré lui de Chabrier. Nous fonctionnons beaucoup ainsi. Didon et Enée se fait avec Vienne, Zampa avec Caen, Fra Diavolo avec Liège, Zoroastre avec Drottingholm et Amsterdam. Quant à Carmen, on la réalise avec La Monnaie de Bruxelles, le Grand Théâtre de Luxembourg ainsi que le Festival de Grenade.

     

    Carmen sera confiée à John Eliot Gardiner, qu’on attendait pas vraiment dans ce répertoire.

    Il en rêvait depuis longtemps. Il devait même le faire au Châtelet. John Eliot est un grand musicien et un chef qui a des convictions profondes sur l’interprétation. Il n’en démord pas facilement. Il amène coûte que coûte les chanteurs à ses idées. C’est parfois un sport difficile. Il n’est pas dans le compromis.

     

    Vous travaillez avec des personnalités très affirmées comme Deborah Warner, Sasha Waltz, William Christie, John Eliot Gardiner. Comment arrivez-vous à les apprivoiser ?

    Je gère en amont. Ce qui me soucie, c’est l’harmonie de l’équipe artistique. Je suis Ă  l’écoute des suggestions pour que soient mises en place les bonnes forces. Je ne veux pas que naissent des conflits qui font dĂ©penser une Ă©nergie inutile. Il est dĂ©jĂ  assez difficile de monter des productions en quelques semaines, alors on n’a pas le temps de se disputer. En tant que directeur, je dis mon point de vue mais je ne suis pas interventionniste. Je reste solidaire, j’assume ce qui se passe. Les artistes sont lĂ  pour exprimer leurs rĂŞves, leur poĂ©tique et leur talent. On doit accueillir cela avec bienveillance tant qu’il y a un vrai projet artistique. Je m’occupe aussi de l’amĂ©lioration des rouages mais je suis, comme disait Michel Guy, « l’ami des artistes Â».

     

    L’an prochain, pourquoi ne faites-vous qu’une seule mise en scène, celle de Fra Diavolo ? Le costume de directeur d’opéra est-il trop lourd ?

    Je ne ferai qu’une mise en scène pour la simple et bonne raison que je veux en laisser aux autres ! Je ne tiens pas à avoir le monopole. Une institution comme l’Opéra Comique n’est pas une compagnie théâtrale. Mais je ne trouve pas pour autant le rôle de directeur d’opéra écrasant. Cette maison permet un artisanat que j’adore. Certes, il y a des règles, des hiérarchies mais c’est une machine à provoquer du bonheur. Je ne pensais pas jamais devenir un jour directeur d’une institution comme celle-ci. On m’avait parlé de Chaillot, de Bobigny. Ce n’est pas la même histoire. Il y a ici une identité à trouver. Il fallait redonner à cette maison, parent pauvre des théâtres, la considération qui lui était due. Ce qui m’a intéressé, c’est de la faire bouger. Pour l’avenir, je rêve de cette belle humeur qui se répand et puis surtout d’amplifier le goût pour le chant français.

     

    Le 13/05/2008
    Nicole DUAULT


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