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ENTRETIENS 18 avril 2024

Elīna Garanča, la tĂŞte sur les Ă©paules
© Simon Fowler / EMI

La très belle mezzo lettonne Elīna Garanča sera en rĂ©cital le 15 novembre au Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es. Une occasion de mieux connaĂ®tre le vaste talent d’une jeune cantatrice au large rĂ©pertoire, dont la carrière est en pleine Ă©volution. Du bel canto pur Ă  la Zarzuela en passant par Carmen, un programme Ă©clectique et passionnant.
 

Le 10/11/2008
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Vous ĂŞtes nĂ©e en Lettonie, pays oĂą la tradition du chant choral est très forte. Cela eut-il une influence sur l’orientation de votre vie ?

    En fait, mes deux parents sont musiciens. La musique a donc toujours fait partie de ma vie. Toute enfant, je suis allée à l’École de musique pour apprendre le piano. Ma mère était chanteuse et mon père chef d’orchestre. J’ai grandi dans le monde des théâtres et des salles de concert. Néanmoins, il furent assez surpris que je veuille faire une carrière lyrique, mais je ne voyais pas quoi faire d’autre dans la vie !

    Au départ, quand j’étais adolescente, je rêvais plutôt d’une carrière à la Barbara Streisand. C’est normal. Dans les boîtes et les discothèques, on entend plutôt cette musique que du Wagner ou du Mozart ! Mais très vite, j’ai été fascinée par le répertoire du grand opéra. Il n’était malheureusement pas possible de travailler le chant de haut niveau à Riga. Après l’École de Musique, je suis donc allée à Vienne et aux États-Unis trouver de grands professeurs comme Irina Gavrilovici et Virginia Zeani.

     

    La nature vous a donné un timbre particulièrement riche et musical, mais qu’avez-vous eu à travailler en particulier ? Qu’est-ce qui vous fut le plus facile et le plus difficile ?

    Au départ, rien n’indiquait vraiment que j’avais une voix pour l’opéra. Dans le chœur où je chantais, personne ne l’avait remarquée et même ma mère n’y croyait pas quand elle me donna mes premières leçons. Elle pensait que je pourrais faire de la mélodie, du récital, mais pas de l’opéra. Et puis, à force de travailler tous les jours – bien qu’à ce stade tout soit difficile, le souffle, ce qu’il faut faire avec la bouche, avec le diaphragme –, certains exercices sont devenus plus faciles.

    Ce que je n’avais pas naturellement du tout, c’était les colorature. Certains chanteurs, comme Cecilia Bartoli ou Juan Diego Florez, les ont spontanément. C’est un professeur roumain qui m’a ouvert cet univers, mais je ne pense pas que ce soit dans la nature réelle de ma voix. J’ai acquis la technique, simplement.

    L’étude du chant est très périlleuse, car si vous avez un mauvais professeur, cela peut totalement gâcher la plus belle voix du monde. On a vu bien des exemples de voix somptueuses qui ont vite mal tourné parce qu’elles avaient été mal travaillées. Il ne faut jamais non plus cesser de consulter ses professeurs. La voix change parfois en un mois quand on aborde un nouveau répertoire. Je vais voir mes professeurs plusieurs fois par an. C’est indispensable.

     

    Étiez-vous a départ aussi attirée par la scène que par le chant ?

    La scène m’attirait énormément, mais toutes les petites filles veulent être actrices ! Ma mère qui était chanteuse travaillait aussi avec des acteurs et le théâtre se trouvait juste en face de mon école. En sortait de classe, je commençais par aller au théâtre et on rentrait plus tard le soir à la maison. Je connaissais tout de la vie du théâtre.

    Un de mes souvenirs les plus forts est celui d’une actrice que je voyais arriver en jean et pull-over. Et puis elle se maquillait, mettait une perruque et une grande robe de princesse, et je rêvais d’en faire autant un jour. Je suis toujours aussi fascinée par le théâtre. Quand je suis à Londres ou à New York, j’y vais tout le temps et je me dis souvent que le jour où je ne chanterai plus, je pourrai peut-être me tourner vers le théâtre dramatique, la comédie musicale ou le cinéma.

     

    Vous appartenez à la jeune génération de chanteurs qui est amenée à travailler essentiellement avec des metteurs en scène tournés vers une approche contemporaine du théâtre lyrique. Êtes-vous prête à accepter n’importe quelle proposition dramatique ?

    Je ne suis pas contre les mises en scène modernes. Je comprends très bien que l’on puisse trouver ennuyeuses ces grosses productions traditionnelles oĂą le chanteur est perdu dans un Ă©norme dĂ©cor, d’énormes costumes, d’énormes accessoires. J’ai nĂ©anmoins un problème avec les metteurs en scène que j’appelle « provocateurs Â» et qui n’ont pas d’explications cohĂ©rentes Ă  fournir pour les choses fantaisistes qu’ils montrent sur scène.

    Je peux aller loin dans l’innovation, mais si je ne comprends pas la raison de ce que je fais, je ne peux tout simplement pas le faire. Il faut que je puisse faire comprendre au public pourquoi je vais de gauche à droite ou pourquoi j’ai une cafetière sur la tête !

     

    Vous pratiquez un répertoire très vaste, avec des rôles colorature, des rôles de bel canto pur, des rôles dramatiques. Où vous sentez-vous le plus chez vous ? Chez Rossini ou Bellini ? Chez Bizet ou Berlioz ?

    J’essaie effectivement de garder un répertoire assez large pour ne pas me laisser enfermer dans certains rôles. Quand vous abordez des personnages très dramatiques comme Carmen ou Charlotte, qui ont beaucoup d’impact émotionnel sur le public, on ne vous demande très vite plus que cela. Je ne veux pas passer l’année à chanter Carmen sur toutes les scènes du monde ! Je ne veux pas me mettre déjà dans la catégorie des mezzos dramatiques ou lyriques. J’essaie de faire ce que ma voix peut faire.

    Actuellement, je reconnais que le bel canto m’attire plus car c’est un défi technique que ma voix doit relever et qui lui convient très bien. Mais, c’est vrai qu’un rôle comme Charlotte est beaucoup plus séduisant d’un point de vue dramatique que Rosine, par exemple. C’est bien plus riche et profond. Je rêve de pouvoir chanter Amnéris qui est pour moi le plus beau rôle possible car Aïda est le plus bel opéra du monde. On verra.

     

    Pourquoi avez-vous choisi un programme aussi Ă©clectique pour votre concert parisien des Grandes Voix ?

    Il y a effectivement du bel canto, des airs de Carmen, de la Zarzuela… J’ai essayé de constituer un programme qui montre ce que je peux chanter en ce moment et qui puisse aussi plaire à un public varié, plus classique ou plus populaire. La seconde partie, justement, est différente de ce que j’ai chanté sur scène à Paris jusqu’à présent.

     

    Vous chantez déjà Carmen, Charlotte, Marguerite de la Damnation de Faust sur les plus grades scènes du monde. Quels autres rôles du répertoire français vous tenteraient encore ? Dalila ?

    Le répertoire français est sans doute celui qui offre le plus de grands rôles de mezzo. J’aime la musique française et Dalila sera peut-être mon rôle ultime. J’adore Berlioz et je rêve de chanter Didon des Troyens ou Béatrice de Béatrice et Benedict. Mais il faut reconnaître qu’une grande partie du répertoire français n’est pas très populaire dans les théâtres, hormis Carmen, Charlotte ou éventuellement Marguerite. Le reste ne fait partie du répertoire courant, mais c’est un domaine que j’aimerais approfondir.

     

    Pratiquez-vous le récital de mélodies, comme le font aujourd’hui beaucoup plus souvent les chanteurs d’opéra ?

    C’est en quelque sorte une partie plus intellectuelle de notre métier. Je donne effectivement quelques récitals. J’en ai plusieurs à venir, notamment à Vienne. Ma mère chantait beaucoup de musique de chambre et, enfant, j’entendais sans cesse du Brahms, du Schumann, du Mahler.

    Quand j’ouvre aujourd’hui ces partitions, je constate souvent que je connais la musique, même si j’ai oublié les paroles. Mais c’est vrai que ce monde est un peu à part et que certains organisateurs de concerts ou de festivals sont un peu réticents à programmer des chanteurs d’opéra en récital.

    Préparer un programme de mélodies demande en outre beaucoup de temps et je dois aussi reconnaître qu’en ce moment, je préfère chanter à pleine voix avec un orchestre derrière moi. J’adore avoir à me battre avec soixante instrumentistes sur scène ! Peut-être, quand ma voix perdra en puissance ou si je me lasse de l’opéra, me tournerai-je majoritairement vers la mélodie. Je laisse la porte ouverte.

     

    Si un grand directeur d’opĂ©ra vous disait : « quel rĂ´le voulez-vous chanter ? Je vous le donne. Â» Lequel choisiriez-vous ?

    Question difficile ! Je choisirais certainement Octavian du Chevalier à la rose. La musique est somptueuse et c’est un personnage que l’on peut vraiment jouer. C’est difficile, mais j’adore ! Et puis, il y a un rôle dont je rêve, bien que je ne puisse pas le faire, mais sait-on jamais ? Si on ne rêve pas, comment vos rêves peuvent-ils se réaliser ? C’est Tosca !




    À voir :
    Récital au Théâtre des Champs-Élysées dans le cadre des Grandes voix, samedi 15 novembre.

     

    Le 10/11/2008
    GĂ©rard MANNONI


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