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ENTRETIENS 26 avril 2024

Philippe Boesmans, prince du Palais Garnier

Après les retentissants succès de la Ronde et Julie, le compositeur belge Philippe Boesmans poursuit dans la veine opératique avec un nouvel ouvrage lyrique chanté cette fois en français. S'inspirant de la pièce caustique de Witold Gombrowicz, Yvonne princesse de Bourgogne promet un déconcertant cocktail de rires et de larmes.
 

Le 24/01/2009
Propos recueillis par Laurent VILAREM
 



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  • Comment ĂŞtes-vous venu Ă  composer un opĂ©ra d'après une pièce de l'Ă©crivain polonais Witold Gombrowicz ?

    J'avais lu Gombrowicz avant de penser Ă  l'opĂ©ra. Yvonne, princesse de Bourgogne est un texte de jeunesse. Et c'est lors de la gĂ©nĂ©rale de Julie, mon prĂ©cĂ©dent opĂ©ra au festival d'Aix, que Luc Bondy, le metteur en scène, m'a demandĂ© : « Pourquoi ne ferait-on pas Yvonne ? Â». C'Ă©tait un dĂ©fi difficile pourtant de crĂ©er un opĂ©ra Ă  partir de cette Ĺ“uvre littĂ©raire.

     

    Qu'est-ce qui vous a intéressé dans Yvonne, princesse de Bourgogne ?

    Déjà, je crois que même jouée par de mauvais comédiens, c'est une pièce qui fonctionne. Et puis, c'est une pièce sur le désir. Le dégoût comme le désir sont de le même famille. Quand on est dans un lieu public, dans un restaurant par exemple, avez-vous remarqué comment l'arrivée d'une personne brûlée engendre du trouble, comment nul n'ose et en même temps ne cherche à la regarder ?

    Aussi, quand Yvonne, décrite comme une femme très laide, apparaît, j'ai voulu que la musique l'auréole de sainteté. Je n'ai pas cherché à écrire une musique grotesque ou ironiquement laide, avec des contrebasses ou je ne sais quoi encore.

     

    Quels sont les différents éléments de votre opéra ?

    L'orchestre, le Klangforum Wien dirigé par Sylvain Cambreling, est composé de quarante musiciens. Il y aura un petit chœur, les Jeunes Solistes. Comme elle ne parle pas de toute la pièce, Yvonne sera interprétée par une comédienne. Le décor de Richard Peduzzi est très imposant, on se croirait dans un palais en Roumanie.

    C'est une comédie tragique, avec un côté bouffe. Il y a une scène de fou rire, stylisée, un grand air de bel canto. Ce qui me plaisait, c'était l'aspect Grand opéra. Le titre, Yvonne, princesse de Bourgogne, sonne un peu comme Marie Stuart. Mon opéra se sert d'archétypes. Il y a un roi, une reine soprano lyrique, un chambellan basse obséquieuse, un prince jeune premier ténor lyrique, mais très vite on bascule vers l'absurde.

    Gombrowicz n'aimait pas qu'on dise de lui qu'il Ă©tait un prĂ©curseur du théâtre de l'absurde. « Je n'ai rien Ă  voir avec ces gens-lĂ  Â», aimait-il Ă  dire. Mais l'apparition d'Yvonne dans ce monde convenable va agir un peu Ă  la manière de MĂ©lisande ou du personnage de Terence Stamp dans ThĂ©orème de Pasolini.

     

    Vos précédents opéras, la Ronde, Wintermärchen et Julie, étaient chantés en allemand. Pourquoi celui-ci l'est en français ?

    Quand Gerard Mortier m'a demandé d'écrire un ouvrage pour l'Opéra de Paris, je ne pouvais que l'écrire en français. L'allemand fonctionne mieux pour un personnage réaliste comme l'était la Julie de Strindberg. Mais le français apporte une plus grande souplesse, les personnages deviennent plus quotidiens. Le grand danger était de reproduire la prosodie de Pelléas ou de faire du Offenbach.

    Avec la langue, la musique devient brusquement française. En allemand, on se dirige toujours vers la fin des mots ou des phrases. Le français implique beaucoup d'apparitions plus solistiques. Et puis Yvonne convient très bien pour le français. C'est la langue idéale pour une comédie qui joue avec élégance d'archétypes. Sylvain Cambreling m'a parfois donné des conseils pour la prosodie, m’a expliqué comment faire musicalement un mot, en déplaçant une note.

     

    Vous travaillez une nouvelle fois avec le metteur en scène Luc Bondy et Gerard Mortier qui vous avait commandé il y a presque vint ans la Ronde lors de son mandat à la Monnaie de Bruxelles.

    J'ai toujours travaillé avec Luc Bondy et je connais Gerard Mortier depuis 1981. C'est un homme qui pense bien l'opéra. La façon dont il choisit les chanteurs me paraît pertinente : il ne choisit pas des voix mais des personnages. Quand on n’a que des grandes voix, et quand on ne vient que pour elles, cela en devient parfois presque monstrueux. Pour Luc Bondy également, il est également nécessaire de voir acteurs. Il improvise durant les répétitions et fait en fonction des êtres humains qu'il a devant lui.

     

    Vos opéras traitent souvent du désir et de la pulsion de vie. L'opéra est-il le lieu idéal pour aborder de tels sujets ?

    L'opéra a influencé ma musique, l'a changée. La langue dans laquelle j'ai commencé était post-sérielle. Gerard m'a demandé un opéra en 1979, alors que j'avais 45 ans. Puis on m'en a demandé un deuxième, et je suis devenu alors compositeur d'opéras.

    En faisant de l'opéra, j'ai appris le devoir d'être expressif. D'exprimer des sentiments comme la joie ou la tristesse. Ma musique est devenue narrative. Écrire permet de raconter. Avec des ruptures, des tensions et des détentes.

    La pièce de Gombrowicz est vive, pleine de légèreté. Il y a des éléments de grotesque, mais le grotesque n'existe que s’il est confronté au sublime. Je crois qu'il n'y a de la vie que quand il y a de la contradiction. Il est vrai que tous mes opéras parlent du désir. Certains ont même un côté hyper-érotisé.




    À voir :
    Yvonne, princesse de Bourgogne, Palais Garnier, jusqu’au 8 février.

     

    Le 24/01/2009
    Laurent VILAREM


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