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ENTRETIENS 28 mars 2024

Elisabeth Vidal,
l’art de conserver sa voix

© ValĂ©ry d

Elle vient de chanter Lakmé à Nice devant une salle archi-comble. Elisabeth Vidal, la voix stratosphérique, est de retour. Elle s’était illustrée dans ce même rôle à l’Opéra Comique en 1996. Depuis, elle poursuit une carrière internationale qui ne passe guère par Paris. Avec une voix intacte, elle ne se consacre pas seulement à l’opéra mais aussi à la musique de chambre.
 

Le 23/03/2009
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Quatorze ans après l’OpĂ©ra Comique, vous voilĂ  revenue Ă  LakmĂ©.

    Pendant cette période, il n’y a eu en France que deux productions de Lakmé, celle de l’Opéra Comique et celle de Saint-Étienne que je viens de chanter à Nice. Il est incroyable qu’une telle œuvre ait été autant délaissée par les scènes françaises alors que le public l’adore.

     

    Le plus souvent, on estime qu’il n’y a qu’un air, celui des clochettes.

    Mais non ! Lakmé est un chef-d’œuvre. Il n’y a rien à jeter. Chaque personnage a un air qui le caractérise, un développement et un thème original. Le texte est poétique. J’ai deux autres airs magnifiques.Pourquoi dans les grands bois est adorable. Il n’y a rien de répétitif.

    Comment se fait-il qu’on donne cet opéra si rarement ? Je crois que c’est en raison du rôle principal, écrasant, que très peu de voix peuvent chanter. En France, nous ne sommes que deux, Natalie Dessay et moi. J’ai eu la chance de chanter ce rôle à l’étranger. Mais en France, on ne valorise pas notre patrimoine musical. Nous sommes de très mauvais vendeurs et de très mauvais promoteurs de notre propre culture. J’ai chanté Lakmé à Bonn, à Karlsruhe et en Autriche.

     

    Les trois Françaises qui se sont illustrées dans le rôle, avant Natalie Dessay et vous, sont Lily Pons, Mado Robin et Mady Mesplé.

    Ces trois grandes coloratures ont remis l’œuvre à l’honneur dans entre les années 1940 à 1960. Pour moi, la filiation est très claire. La première fois que j’ai chanté à l’Académie internationale d’été de Nice, j’avais 13 ans et j’avais pris un cours avec Mady Mesplé : j’ai chanté la vocalise de Lakmé. J’ai compris à cet instant que je voulais faire ce métier de chanteuse.

    J’ai un souvenir lié à Lily Pons. Ma mère est d’origine anglaise. Elle a échappé aux Allemands qui, pendant la guerre, cherchaient son père. Dans leur appartement parisien, pour se donner le courage de s’enfuir et espérant revenir, ils avaient mis sur le phonographe un disque de Lily Pons qui chantait les clochettes de Lakmé. Puis, ils se sont sauvés.

    Ils sont revenus six ans après et le disque était toujours sur le phonographe. Je suis en contact permanent avec la sœur de Lily Pons qui est toujours vivante alors que Lily est morte en 1976. Pour elle, je suis l’héritière de sa sœur. Elle m’a offert le voile que Lily portait dans Lakmé et, dimanche dernier, elle était dans la salle de l’Opéra de Nice.

     

    À part les vocalises, Lakmé est-il un opéra difficile ?

    Oui. Le rôle n’est pas seulement virtuose, il est très dramatique, même dans l’air des clochettes. La jeune première est forcée par son père à chanter pour que Gérald, l’Anglais, le colonisateur des Indes, amoureux d’elle, se dévoile en public et que le père de l’héroïne puisse le tuer. Après cet air de bravoure, il faut tenir le choc de duos graves et lyriques. Cela demande une énergie dans la voix et une excellente diction.

     

    On dit que vous avez la voix la plus haute du monde. Comment parvenez-vous à la maintenir dans ces sphères ?

    Je dirais qu’il faut gagner toujours plus de liberté laryngée. En ayant un bon soutien diphragmatique, on va libérer tous les muscles du cou, pour permettre aux cordes vocales de vibrer dans un espace souple. Ainsi, même après quarante ans, on garde sa voix. Les chanteuses qui à cet âge perdent leur aigu le perdent parce qu’elles ont maltraité leur instrument. Ce n’est pas par hasard qu’on a des nodules sur les cordes vocales. On les a parce qu’on utilise mal sa voix. Un don exceptionnel ne suffit pas. Il faut travailler dans un milieu souple, comme un sportif de haut niveau entretient son corps dans l’élasticité. Je bonifie ma voix.

    Ma grande joie, c’est qu’à la fin d’une représentation de Lakmé, ma voix est fraîche. Je ne ressens aucune fatigue. Dans ce climat de souplesse, j’enrichis ma voix en couleur et en tessiture. J’ai encore gagné dans l’aigu. Je peux faire des contre la bémol. Je peux aller plus haut, mais pas de virtuosité pour la virtuosité, seulement si cela sert l’expression.

    Je me suis amusée à chanter la Méditation de Thaïs à la même hauteur que le violon, en duo avec Olivier Charlier. C’est un vrai bonheur. Je plane sur ses notes. Ma plus grande victoire dans la vie, c’est d’avoir préservé la bonne santé de ma voix.

     

    Mais dans la pratique, comment fait-on pour garder sa voix ?

    La clé de tout, c’est la technique. On est soi-même son instrument. Il faut que le corps soit bien traité pour donner son maximum. Je ne vais pas fumer toute la nuit, boire et ne pas dormir suffisamment. Ma machine en souffrirait. Mais c’est dans le travail en souplesse, dans la conquête de l’appareil vocal et son entretien précis, en utilisant au maximum l’espace de résonance, en contrôlant les lèvres et à tout instant, en bougeant le cou dans tous les sens.

    S’il y a une fixité du cou, des bras, des épaules, des mains, cela veut dire que l’appareil vocal est utilisé en tension. Il faut encore une bonne assise et une élasticité de la colonne vertébrale ; pour cela beaucoup d’étirements dans tous les mouvements… même en faisant le ménage ou la vaisselle – ce que je fais d’ailleurs peu ! Ce qui est indispensable, c’est de vivre sainement, sans tension, sans amertume dans son esprit et dans son corps, pour que passe une fluidité énergétique.

     

    Pourquoi ne vous entend-on pas davantage Ă  Paris ?

    J’ai l’impression que c’est une chasse gardée. Je ne peux vivre dans le stress et les rivalités. Je m’expatrie et cela va beaucoup mieux. Je reviens en France quand je sens les conditions possibles. Je prépare un disque avec le pianiste Dalton Baldwin dans un répertoire espagnol, avec des œuvres de Granados, de Rodrigo mais aussi de Debussy, de Pauline Viardot.

    Je prévois aussi une tournée de chansons des Beatles avec un orchestre symphonique et une autre tournée d’airs d’opéras accompagnés par des instrumentistes solistes tels Olivier Charlier, Christian Ivaldi ou Philippe Bernold. Le succès d’un air d’opéra, ce n’est pas seulement la voix mais aussi des instruments solistes. Enfin, j’ai pour projet un récital avec le pianiste François-René Duchâble et, à la fin de l’année, une tournée avec l’Orchestre de Lyon sous la direction de Michel Plasson.

     

    Le 23/03/2009
    Nicole DUAULT


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