altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 11 mai 2024

Marc Monnet revitalise le Printemps des arts
© Albertine Monnet

Monaco et musique contemporaine, voici une alchimie détonante. Rien ne paraît plus éloigné de la richesse étalée de Monaco que les sonorités décapantes des créateurs d’aujourd’hui. Et pourtant, cette mayonnaise aux ingrédients insolites, fouettée par Marc Monnet, a pris, sur un terroir façonné en profondeur, voilà plus de cent ans, par les Ballets russes.
 

Le 08/04/2009
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • JĂ©rĂ´me Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumĂ©

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Quelle rĂ©ussite inattendue que celle du compositeur Marc Monnet ! Jusque lĂ , le Printemps des Arts de Monaco ressemblait Ă  un rassemblement mondain et huppĂ© de stars internationales de la musique. Certaines y furent dĂ©couvertes comme le baryton Thomas Quasthoff. D’autres y ont pris leur envol, comme Cecilia Bartoli, Vadim Repin ou Maxim Vengerov.

    Mais avec sa nouvelle formule, Monnet a pris le public à rebrousse-poil, lui imposant des innovations et vingt-sept créations en cinq ans. Il n’avait rien à perdre. Il a tout gagné. Après une désaffection momentanée, le public est revenu plus curieux, plus motivé, plus enthousiaste. Il est constitué de spectateurs issus de toute la Côte d’Azur. Avec des places peu chères, des programme créatifs, Marc Monnet change l’image de la manifestation et crée un festival hors normes où, pour la première fois, il présente ses propres créations.


    Il s’explique…

     

    Quelles règles ? Quelles missions ?

    J’ai pensé qu’il fallait casser les a priori. Il était important de donner une autre image du festival, plus moderne, plus fraîche, plus ouverte avec, par exemple, des concerts monographiques consacrés à de grands musiciens dont on propose des œuvres peu connues, telles les sonates pour mandoline de Beethoven.

    J’ai imaginé aussi des formes différentes. Ainsi, le voyage surprise entraîne toute une journée en autobus les spectateurs pour des œuvres et des interprètes qu’ils ne connaissent pas plus à l’avance que les lieux où on les emmène. J’ai constaté que ce qui fonctionne également le mieux à la location, ce sont les formes originales comme le voyage surprise dimanche prochain, mais aussi la nuit du violoncelle, la veille au musée océanographique, ou encore un concert Stockhausen le 17 avril sur le parking des pêcheurs.

    Cela prouve que le public d’aujourd’hui a besoin d’autres formes pour écouter la musique que celles du concert traditionnel hérité du XIXe siècle. Il faut faire bouger les formes tout en restant sans concession, c’est-à-dire qu’il faut faire entendre des œuvres difficiles. En cinq ans, nous avons passé trente-deux commandes. Et je m’aperçois que le public n’en a pas peur.

     

    Les points forts du Printemps des arts 2009 ?

    Le festival dans son entier. Je programme chaque année des portraits de compositeurs en un voyage à travers le temps. Cette année, c’est Schubert que j’ai associé à Kurtag. Le lien entre eux fonctionne très bien. Mais un point fort particulier, ce fut ces jours derniers le chef et pianiste Christoph Eschenbach accompagnant le baryton Matthias Goerne.

     

    Pour la première fois, vous programmez vos œuvres, des créations.

    Jean-Christophe Maillot, directeur et chorégraphe du Ballet de Monte-Carlo, m’a commandé une pièce. Elle sera créée en juillet. Pas encore de titre. Pour moi : c’est Épaule cousue, bouche ouverte, cœur fendu. C’est une pièce pour un ensemble de vingt-quatre musiciens, électronique et violon solo. J’ai voulu la faire entendre aujourd’hui, avant qu’elle ne soit mise en ballet dans quelques mois. De toute façon, un chorégraphe a besoin de la musique pour travailler. J’ai pris ce prétexte pour faire écouter au public de Monaco quelques autres œuvres représentatives de mon travail dans un autoportrait.

     

    Compositeur, comment travaillez-vous ? Avec du papier et un crayon ? Avec un piano ? Avez-vous besoin d’écouter ?

    Non. Je n’ai pas besoin d’écouter, cela me gênerait plutôt. Je travaille sur ordinateur, avec un Word musical qui marche très bien et qui est d’une extraordinaire souplesse. On peut recommencer comme on veut, sans raturer. Mais c’est anecdotique, une affaire d’outil. Je peux écrire avec un papier et un crayon mais j’ai trouvé l’outil informatique attachant.

     

    Écrit-on différemment pour un orchestre et pour un ballet ?

    Je ne crois pas écrire différemment et je dis même surtout pas. Toutes les œuvres écrites pour un ballet qui veulent s’adapter aux rythmes du corps, de même que les musiques de films qui veulent coller à l’image, sont à mon avis des erreurs. Les grandes musiques de films comme celles de Prokofiev ou de Chostakovitch ne se sont pas adaptées à l’image. Elles ont inventé quelque chose de musical par rapport à l’image. Elles ne se sont pas soumises à elle.

     

    Que voulez-vous transmettre Ă  votre public ?

    La musique est intime. Chacun y entre à sa façon.

     

    En début de festival, vous avez donné des concerts hors les murs et même en appartement.

    Monaco est une ville de 30 000 habitants et, en France, aucune cité de cette dimension n’a un opéra, un orchestre et une compagnie de ballet comme Monaco. La musique ne change pas. Mais les formes changent le public. On ne s’habille pas comme il y a trente ans. Les voitures n’ont pas la même structure. Avec les concerts en appartement, nous n’avons rien inventé. C’est la musique de chambre de jadis. On a réintroduit la convivialité physique dans le rapprochement entre le public et les musiciens. On est dans une société où on sépare tant les choses. Là, les gens voient les musiciens chez eux.

     

    Beaucoup de demandes pour les concerts en appartement ?

    On n’a pas pu répondre à toutes les propositions. C’est très lourd. Il faut faire un repérage, transporter les instruments. On a limité le nombre des concerts. Je suis pour la stratégie de la fourmi. En cinq ans, on a fait cinquante concerts en appartement avec de vingt à trente personnes à chaque concert. Cette année, j’ai réuni tous les spectateurs qui y ont assisté pour relancer cette relation.

     

    Combien cela coûte-t-il ?

    Nous prenons en charge les musiciens. En échange, les hôtes invitent au moins dix personnes et achètent une place pour chacun de leurs invités à un autre concert du Printemps des arts. Certains hôtes inventent des animations. Cette semaine, nous sommes allés chez des gens qui avaient organisé un concours musical auprès de leurs invités : les gagnants bénéficiaient de places au Printemps des arts. C’était fort sympathique.

     

    Vous renouvelez à Monaco la forme du concert traditionnel. Avez-vous une idée pour réformer les traditionnelles manifestations parisiennes ?

    Aujourd’hui, on doit justifier de rentabilité, mais les formes ont nécessairement besoin de changer. On ne peut se contenter de programmer un concert de musique contemporaine que je défends fortement, un autre de musique baroque, un troisième de musique symphonique. Tout cela a besoin de bouger, de se transformer, de se rencontrer.

    Le public n’en a rien à faire de ces formes de spécialisation sclérosée. Pourquoi ne pas entendre dans un même concert un soliste, un ensemble baroque, un orchestre symphonique. Il faudrait une réorganisation profonde de l’administration de la musique. Les orchestres ont-ils besoin d’être permanents ? Les ensembles baroques anglais qui sont au top de la qualité fonctionnent la moitié de l’année. Le reste du temps, les musiciens vivent leur vie.

    Est-il normal que les opéras ne donnent pas davantage de créations ? L’opéra doit vivre de créations. Les opéras doivent jouer également dans des lieux nouveaux : il ne s’agit pas de poursuivre la sauvegarde patrimoniale de l’institution. Elle doit rayonner en se renouvelant.




    À voir :
    Le Printemps des arts, Monaco, jusqu’au 18 avril.

     

    Le 08/04/2009
    Nicole DUAULT


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com