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ENTRETIENS 26 avril 2024

Myung-Whun Chung,
la réussite sinon rien

© Eric Mahoudeau

Le nouveau directeur musical du Philharmonique de Radio-France revient à Paris, qui est avec Rome sa deuxième patrie. Il reconnaît le travail effectué par son prédécesseur Marek Janowski mais veut conduire l'orchestre encore plus haut et mettre en place une réelle politique musicale pour les jeunes.
 

Le 19/06/2000
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Vous venez de vous produire à plusieurs reprises en musique de chambre avec de jeunes partenaires et vous avez lancé depuis 1994 un certain nombre d'actions vers le jeune public. Est-ce également un aspect futur de votre future politique avec le Philharmonique de Radio-France ?

    Une des deux conditions que j'ai posées pour accepter ce poste au Philharmonique de Radio France était l'engagement de quelqu'un pour lancer une opération " jeunes ". J'entends par là la mise en place d'un véritable plan pour utiliser à cet effet les formidables possibilités de Radio-France. Quand on émet ce type d'idées, on reçoit toujours un accueil enthousiasme de tout le monde, mais dans la pratique, il ne se passe rien. Il faut donc initier réellement ici la création d'un secteur spécial. À Londres, pour le programme " Discovery ", dix personnes travaillent à plein temps. Ici, personne. À l'Opéra, j'aurais aimé le faire, mais la première priorité était de faire fonctionner une structure nouvelle où tout était à bâtir en tous domaines. À la Radio, tout fonctionne depuis longtemps. Nous n'avons aucune excuse. Nous devons créer le programme pour les jeunes le plus ambitieux de tout le pays. Il ne faut pas se contenter d'une bonne programmation ni se laisser abattre par les difficultés administratives. Sinon, ce sera l'échec d'une des deux conditions que j'ai mises à ma venue.

     
    Quelle est votre deuxième condition ?

    C'est de faire avancer l'orchestre encore plus loin. Nous sommes dans une situation extraordinaire que je n'ai jamais vue à Paris car grâce au travail effectué avec Marek Janowski et à la relation établie avec lui, l'orchestre possède une base très solide et surtout une discipline exceptionnelle. Les musiciens ne veulent qu'une chose : faire encore mieux, sans aucune arrogance ni autosatisfaction. Ils sont venus me chercher dans ce but : faire mieux qu'avant. En cinq ans, j'avais à peine jeté à l'Opéra les bases sur lesquelles nous pouvions commencer un vrai travail. Ici, je sais que cette base existe. J'ai fini par accepter ce poste, après avoir refusé deux fois, car nous pouvons nous mettre tout de suite au travail à un haut niveau.

     
    Qu'allez-vous apporter de plus ?

    Nous allons tenter le plus difficile et très peu d'orchestres y arrivent, sans qu'on sache très bien pourquoi. Il s'agit la différence entre marcher et voler. Certains orchestres marchent bien, d'autres volent. L'Orchestre Philharmonique marche très bien et mon travail va consister à essayer le faire voler le plus haut possible. C'est la raison de ma présence et le but de mon travail, mais le résultat ne saurait être garanti car tout dépend de la manière dont nos relations vont se développer.

     
    Avec quel répertoire comptez-vous y parvenir ?

    Le problème du répertoire est toujours très délicat à la Radio en raison de l'existence de deux orchestres. L'Orchestre National et l'Orchestre Philharmonique sont plus ou moins du même niveau, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans. La répartition des tâches était alors plus facile. Pour bien jouer, tout grand orchestre doit pratiquer une certaine base de répertoire. Il ne peut se cantonner à une seule catégorie de musique. Nous avons la possibilité de faire plus de contemporain que les autres, mais nous ne pouvons pas nous y cantonner. Si l'on pouvait dire que le Philharmonique se consacre uniquement au contemporain et au mouvement jeune, ça simplifierait les choses. C'est impossible car beaucoup trop tard. L'orchestre veut garder le bénéfice de son travail passé et sa place parmi les meilleurs, une place acquise par l'acquisition du répertoire traditionnel apporté par Marek Janowski. Impossible donc de maintenir ce niveau en ne faisant que du contemporain ! Il doit donc travailler sur les mêmes terres que le National. Il faudra sûrement choisir un jour, mais plus tard, et sur la qualité. Le Philharmonique doit conserver sa couleur et mon travail principal sera d'obtenir de jouer le grand répertoire mieux que les autres. C'est beaucoup plus difficile que de mettre en place une programmation différente, marginale et médiatiquement excitante.

     
    Quand vous parlez des jeunes, entendez-vous aussi bien les jeunes interprètes que le jeune public ?

    Comme musicien, j'ai une responsabilité personnelle : aider autant que possible les jeunes qui ont du talent, car j'ai moi-même été énormément aidé par mes aînés. J'ai le devoir de faire pareil, que ce soit avec eux devant le public, ou autrement. Je ne refuse par exemple jamais d'auditionner un jeune qui le demande. Il existe mille manières d'aider les autres. J'ai beaucoup appris auprès de Giulini en assistant à ses répétitions, mais nous n'avons jamais parlé musique de manière analytique. D'autres musiciens m'ont donné des conseils. Mon rôle peut donc être multiple, pas seulement en aidant à bâtir une carrière. Je ne sais d'ailleurs pas moi-même comment on fait ! En revanche je peux être disponible de cent façons. C'est une règle absolue, même si j'y perds beaucoup de temps. Pour le jeune public, c'est plus difficile. Je ne peux pas le faire tout seul. Etablir un plan pour faire avancer l'éducation musicale nécessite une équipe. Même pour programmer une série de concerts pour les jeunes il faut savoir comment s'y prendre. C'est différent pour chaque pays. J'attends donc la mise en place des moyens nécessaires mais toute action va dépendre de cette future organisation.

     
    Depuis quelques années vous avez multiplié les responsabilités para musicales comme d'être Ambassadeur des Nations Unis dans le programme de lutte contre la drogue ou d'être nommé " homme de l'année " par l'Unesco en 1995. Cela fait-il nécessairement partie de votre tâche ?

    Je pense que j'ai eu tort d'accepter si tôt ces responsabilités qui portent sur l'image publique. En Corée j'étais pratiquement obligé de le faire parce que je suis le seul chef de ce niveau. La musique classique est chez nous relativement jeune et je suis un des plus anciens à la pratiquer professionnellement de cette manière. Tous les jeunes me regardent comme un exemple et j'ai dû accepter ce rôle très public. Quand les Nations Unies m'ont sollicité pour le programme anti-drogue, elles voulaient s'attaquer plus précisément à la question en Asie. Je voyais mal comment refuser puisque je suis asiatique. Mais de manière générale, je crois qu'il vaut mieux ne pas multiplier ce genre de responsabilités. Et puis c'est aussi une question d'âge. À quarante ans, on peut sans doute se permettre davantage de choses. L'équilibre de la vie change et l'on commence à voir ce que l'on va faire du reste de son existence, quel équilibre on va trouver car le temps de l'apprentissage est terminé. En outre, j'ai été reçu par le Pape à Rome et au moment où je le quittais, il m'a rappelé pour insister : " N'oubliez pas que vous avez une mission : aider les autres ". Je ne l'ai pas oublié.

     

    Le 19/06/2000
    Gérard MANNONI


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