altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 02 mai 2024

Allister Madin,
la passion du travail

Coryphée dans le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris, Allister Madin est à 22 ans une des personnalités marquantes de sa génération. Il sera à nouveau le naïf Alain dans la Fille mal gardée à l’affiche du Palais Garnier à partir du 29 juin. Rencontre avec un jeune artiste intelligent, au vrai talent, à l’orée d’une carrière qui devrait être belle.
 

Le 08/06/2009
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • Jérôme Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumé

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Question que l’on ne peut éviter de poser à un jeune d’aujourd’hui : pourquoi et comment avez-vous commencé la danse ?

    J’ai commencé par hasard, comme beaucoup, en accompagnant ma sœur au cours de la mère de Carole Arbo à Biarritz. Elle a trouvé que j’avais des dispositions et à conseillé à ma mère de me faire continuer. Ma sœur a arrêté, pas moi. De 7 à 13 ans, j’ai travaillé régulièrement, j’ai fait des stages, car j’y avais vraiment pris goût et je me suis présenté à l’École de Danse de l’Opéra.

    J’ai trouvé magnifique d’être mêlé à plein de gens formidables qui avaient la même passion que moi. Mon parcours a été particulier. Je suis entré en cinquième division, que j’ai redoublée, puis je suis passé directement en troisième division, que j’ai également redoublée. Après, tout a été normal ! En fait, j’étais assez petit. Madame Bessy avait hésité à me prendre car je n‘avais pas la taille imposée. Cela m’inquiétait beaucoup. J’ai grandi après et je mesure maintenant 1m80. Ensuite, je suis entré dans la compagnie.

     

    Quel souvenir gardez-vous de l’École de Danse ? Galère ou plaisir ?

    Un peu des deux ! Le travail était rigoureux et souvent dur, ce qui est normal dans notre métier, mais pas toujours facile à accepter à cet âge. J’adorais pourtant cette impression d’apprendre et de progresser dans ce qui était ma passion. J’avais aussi un effort à fournir car je continuais mes études pour passer mon bac. Pas très bon en littérature, j’ai donc passé un bac scientifique, ce qui demandait pas mal de travail parallèle. Mais cela m’a aussi ouvert d’autres horizons.

     

    Qu’est-ce que vous aimez dans la danse ?

    J’aime transmettre des émotions, celles que je ressens a l‘écoute de la musique, et j’aime le faire avec mon corps. J’aime le travail technique qui permet d’arriver à réussir des choses que tout le monde ne peut pas faire et à s’en servir pour exprimer des sentiments, des sensations. C’est un mode d’expression qui me correspond tout à fait. Elle est quasiment indissociable pour moi de la musique.

    Danser dans le silence est une expérience intéressante car elle oblige à imaginer une musique intérieure, mais pour moi la musique est primordiale. J’en écoute beaucoup, du classique, du rock, de la pop, toutes les musiques. Je fonctionne au coup de cœur. Quand j’ai dansé le Papillon remonté par Pierre Lacotte pour le dernier spectacle Jeunes Danseurs, j’ai beaucoup aimé la musique d’Offenbach.

    En revanche, quand j’ai dansé le rôle d’Alain dans la Fille mal gardée, rôle que je reprends maintenant pour six spectacles, c’est surtout la danse et la pantomime qui m’ont motivé, plus que la musique. L’idéal est de danser une belle chorégraphie sur une très belle musique !

     

    Une fois dans le Corps de ballet, parcours normal cette fois ?

    Pas complètement, dans la mesure où je suis resté d’abord deux ans surnuméraire. La première année était assez dure car je ne suis pratiquement pas allé en scène. Mais l’année suivante, j’ai été titularisé trois mois avant le concours où je suis monté directement Coryphée. J’ai en quelque sorte sauté encore une classe après être resté deux ans dans la même ! Mais j’avais déjà dansé le rôle d’Alain.

     

    Entrer dans une compagnie aussi réputée que celle-ci et dans une institution aussi vénérable que l’Opéra national de Paris, est-ce plutôt exaltant ou plutôt paniquant ?

    Un peu les deux. La vie au sein de la compagnie est un peu stressante car il faut s’habituer à trouver sa place dans les ensembles sur scène et à accepter d’être sans cesse sous le regard des autres, en répétition, au cours. Quand j’ai quelque chose à faire seul, je me sens plus à l’aise. Je ne suis pas traqueur. Ce pourrait ne pas être facile de se trouver toujours avec les mêmes camarades depuis l’école de danse, pendant les cours, les répétitions, dans les loges, dans les avions quand on part en tournée, mais comme la compagnie est très nombreuse, on se retrouve vite par affinités et on n’est pas obligé de côtoyer ceux avec qui on a moins d’atomes crochus.

    Il faut aussi une vie à l’extérieur. J’ai beaucoup d’amis hors Opéra, c’est important mais pas évident à organiser car nous n’avons pas trop de temps libre, entre le travail, le repos les soirs où il n’y pas spectacle. J’ai besoin de m’ouvrir sur le monde, de penser à autre chose. Je fais du tennis, du flamenco. Quand je suis en vacances, je fais du cirque, du trapèze volant, de la corde. C’est compatible avec la danse car cela permet de se muscler pour les portés. C’est dangereux mais pas trop si l’on s’y prend bien.

    Je vais aussi beaucoup au cinéma et pratique volontiers les pots entre copains aux Starrbucks Coffee dont j’aime les canapés confortables qui détendent. Pour en revenir au flamenco, j’ai même songé un moment à ne faire que cela, car il y avait davantage de liberté, mais j’ai pensé que ce serait moins varié comme possibilités d’expression que la danse classique. Quand je suis allé au concours de Varna, il y a trois ans, j’ai dansé une variation flamenco que m’avait faite un danseur. Je la reprends encore en gala.

     

    Qu’est ce qui vous est facile et difficile dans le travail de la danse ?

    Je tourne plutôt bien en cours… alors qu'en scène ce n’est pas toujours pareil. Je saute plutôt bien et j’ai une bonne petite batterie. En général, ce qui est technique ne me pose pas trop de problèmes. J’ai beaucoup de choses à améliorer, à travailler et c’est un aspect du métier qui me passionne, mais je n’ai pas l’impression d’avoir un mur à franchir dans un domaine particulier. Il faut que tout continue à bien évoluer, à me mettre en place.

    Le travail de rôles aide énormément dans cette évolution. Je suis très perfectionniste, très exigeant avec moi-même. Je passe parfois pour arrogant tellement je suis concentré sur moi-même et jamais content de ce que je donne. Je suis très à l’écoute de ce qu’on me dit et je tâche de capter chez les autres ce qui peut m’aider, car il y a beaucoup de grandes personnalités dans la compagnie.

    J’aime aussi voir les autres compagnies avec des styles et un travail différents. Ici même, je m’efforce de voir un maximum de distributions différentes. C’est une manière d’apprendre les rôles en analysant ce que chacun fait en fonction de sa personnalité à partir d’une même chorégraphie. Je tâche de comprendre leur travail de réflexion.

     

    Avez-vous des modèles au sein de la compagnie ou ailleurs et vous sentez-vous plutôt contemporain ou plutôt classique ?

    Nous rêvons forcément tous de Barychnikov, mais j’admire différents aspects des uns et des autres. Dans la compagnie, c’est vrai que Manuel Legris est un peu un modèle absolu. Grâce à son travail, il arrive à faire à son âge des choses incroyables. Je crois qu’il est le seul à être parvenu à un tel résultat. Pour d’autres raisons, j’admire Nicolas Le Riche, impressionnant de virilité en scène ou Hervé Moreau, un symbole du romantisme.

    Chez les étrangers, j’adore regarder le travail de Carlos Acosta et quand Roberto Bolle est venu ici, je l’ai trouvé passionnant. Par ailleurs, je me sens beaucoup plus classique que contemporain. Pour l’instant, cela correspond à mes exigences et c’est une technique qu’on doit maîtriser jeune car on n’a plus ensuite les mêmes capacités physiques.

    Je suis néanmoins très intéressé par le contemporain car sa liberté de gestuelle rend plus facile la transmission d’émotions. J’ai adoré travailler avec Forsythe. En outre, je n’aime pas trop ces classifications. Je crois être un danseur actuel dans la mesure où je n’ai pas d’exclusives. Classifier est limitatif.

     

    Qu’avez-vous dansé jusqu’à présent ?

    A l’École de Danse j’ai dansé dans Les deux pigeons. Travailler avec Christiane Vaussard, représentante de la grande école française, était un plaisir et un honneur. J’ai aussi fait la première de Scaramouche. Dans la compagnie, j’étais de la création d’Amodeo de Millepied, première fois où j’ai vraiment eu quelque chose à danser en scène. J’ai fait aussi la création de MacGregor, Artefact de Forsythe, le pas de cinq de Suite en blanc et pour le spectacle Jeunes Danseurs, Papillon avec Pierre Lacotte, une rencontre magnifique, un homme tellement humain, amoureux de la danse, passionné, attentif aux gens. Et puis Alain, dans la Fille mal gardée, que je reprends maintenant.

     

    Comment voyez-vous votre avenir ?

    Pas facile de répondre à cette question car tout dépend de la direction, de ce qu’elle misera ou pas sur moi. Je vais seulement essayer d’être le meilleur possible pour monter rapidement et avoir accès aux rôles. J’ai choisi ce métier pour incarner des personnages, exprimer leurs émotions.

    J’ai beaucoup de respect pour ceux qui préfèrent rester dans le Corps de ballet, mais ce n’est pas ma motivation première. C’est un travail énorme et difficile que je ne me sens pas capable d’assumer toute ma vie. J’ai trop envie de sentir des choses et de les faire vivre en scène. C’est ce que j’espère pouvoir réaliser ici. Mais pour ça, il faut au minimum être Sujet, et parmi les bons !

     

    De quel rôle rêvez-vous en particulier ?

    Tous les rôles de caractère me tenteraient. En fait, et je sais que cela peut paraître étrange, j’aimerais beaucoup danser un ballet qui n’est pas au répertoire de l’Opéra : Spartacus. Le travailler au moins un jour pour voir ce que je pourrais faire. Et puis, plus conforme sans doute à ma morphologie, le Jeune homme et la mort, Abderam dans Raymonda, Solor dans la Bayadère. C’est travailler des rôles comme ceux-là qui me rendrait vraiment heureux.

     

    Quand vous ne dansez pas, qu’est que vous faîtes pour vous détendre, vous amuser ?

    Je fais de la pâtisserie ! Cela me détend beaucoup quand je suis stressé ! Sinon, des repas entre amis ; je suis très gourmand. Mais j‘adore aussi aller au théâtre.

     

    Le 08/06/2009
    Gérard MANNONI


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com