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ENTRETIENS 29 mars 2024

Sophie Koch, cantatrice malgré elle

Dernière Zerline en date à l'Opéra Bastille, Sophie Koch connaît malgré tout une carrière en demi-teinte en France alors qu'elle est très appréciée à l'étranger ; notamment à Londres, Vienne et Berlin où elle incarne régulièrement des rôles de premier plan. Son excellent disque Fauré- Chausson- Respighi vient pourtant d'apporter la confirmation de son authentique talent. Rencontre.
 

Le 26/06/2000
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Beaucoup de cantatrices ont eu des vocations précoces et réalisent un rêve d'enfance en faisant carrière à l'opéra. Votre histoire n'est-elle pas assez différente ?

    Elle est surtout longue et compliquée car je n'étais pas du tout destinée à faire du chant. J'ai suivi un cursus classique, en pratiquant la musique, mais sans aucune idée d'en faire un métier. C'est une série d'échecs qui m'ont conduite au chant. Je voulais poursuivre mes études. Une hypokhâgne, une tentative ratée pour entrer à Sciences Po, un DEUG de communication, une tentative ratée pour intégrer les choeurs de la Sorbonne, un DEUG de musicologie, un passage par l'Ecole de l'Opéra mais un échec au concours, et je me retrouve au Conservatoire National Supérieur de Paris dans la classe Jane Berbié. C'est elle qui m'a tout appris depuis et m'a donné la sécurité de la technique.

     
    Vous vous êtes retrouvée cantatrice malgré vous ?

    Je voulais faire de la musique et le piano, que j'avais pratiqué quinze ans, n'était pas le mode d'expression qui me convenait. J'adorais çà, mais j'étais émotionnellement incapable d'assumer un concert devant un public, alors que je n'ai jamais connu ce problème avec le chant dès ma première audition. Un an avant d'obtenir mon premier prix au Conservatoire, j'ai remporté le concours de Hertogenbsoch en Hollande, qui avait couronné notamment Yvonne Minton et Elly Ameling. J'ai pu alors entrer chez un agent, mais les choix n'étaient pas simples pour autant. Troupe ou pas troupe ? Des auditions, des propositions pour Kiel et pour Bâle, mais finalement j'ai commencé en province comme tout le monde. À un moment où çà ne marchait pas trop bien, j'ai eu l'occasion d'auditionner pour Covent Garden. Passée la dernière après des gens qui avaient l'air beaucoup plus expérimentés que moi, j'ai chanté Cosi fan Tutte, Cenerentola et le Compositeur. À ma grande surprise j'ai été engagée pour les trois rôles. Puis ce furent Vienne, Dresde, le bouche à oreille, un spectacle en entraînant un autre.

     
    L'aspect scénique, théâtral, du métier était-il un attrait particulier pour vous ?

    J'ai toujours adoré le théâtre. Petite, je mettais en scène ma famille, j'organisais des spectacles pour Noël, j'écrivais des sketches. Certains metteurs en scène ont su aujourd'hui développer ce goût qui était sûrement en moi. Je pense en particulier à Jean-Claude Auvray, un peu oublié en France, mais qui fait remarquablement travailler les chanteurs. Il est très exigeant mais vous donne une rigueur et une précision inestimable. Un bon metteur en scène est celui qui vous amène à découvrir ce que vous ignorez de vous-même et ne se contente pas d'exploiter votre capital évident. Avec des personnalités comme Grüber ou Achim Freier, qui ne sont pas faciles, on souffre un peu au départ et finalement on se retrouve enrichi. Musicalement, il est en revanche très difficile d'avoir un vrai contact sur la distance avec les chefs d'orchestre. Je rêvais de ces équipes formées jadis autour de maîtres comme De Sabata, Serafin, Walter, Böhm, Karajan, Bernstein. Cela n'existe plus guère. Je devais faire Don Giovanni à Salzbourg avec Maazel. J'avais eu un très bon contact avec lui, mais c'est finalement Gergiev qui le remplace. Je dois rencontrer Norrington, Ozawa. J'en attends beaucoup, mais pour l'instant, je suis encore sur ma faim en ce domaine. Ceux qui m'ont apporté le plus en servant de lien avec la tradition ont été des chefs de chant, des gens de l'ombre, mais très savants, très efficaces et très généreux. Jane Berbié aussi est de très bon conseil, car elle connaît tout le monde et sait comment il faut se diriger pour faire évoluer une carrière, franchir des étapes. Je vais ainsi abandonner Zerline, pour aller vers d'autres emplois. Il faut avancer, prudemment, mais avancer quand même.

    © Eric Sebbag

     
    Comment voyez-vous justement l'évolution de votre voix et de votre carrière ?

    Une fois que l'on a fait des débuts remarqués, il faut passer à une deuxième phase, celle où l'on confirme et où l'on évolue. C'est là qu'il ne faut pas se tromper. Prendre des risques mesurés, mais les bons ! Quand on m'a proposé de faire Le chevalier à la rose à Vienne avec deux jours de répétitions, j'ai accepté sur les conseils de Jane Berbié et j'ai été immédiatement réengagée pour le rôle. C'était donc le bon choix, mais j'avais très peur. À l'avenir, je pense me diriger beaucoup vers le répertoire français, Damnation de Faust, Werther. Ma grande passion est le répertoire allemand, mais je ne peux pas ajouter pour l'instant beaucoup de rôles à ceux que je chante déjà comme Octavian et le Compositeur. Peut-être Chrysothémis à 45 ans, peut être aussi certains Wagner. Les Italiens me tentent également, mais pas les mezzo graves comme Azucena ou Ulrica, plutôt Adalgise, Eboli et certains Donizetti comme la Favorite. Ce ne sont pas les perspectives qui manquent. Et sans oublier Mozart et Rossini, car il faut aussi s'amuser. Quant à la mélodie, elle me passionne car on peut exprimer mille sentiments en peu de temps, aborder mille univers. C'est d'une richesse inimaginable. Je suis très sensible à la peinture et la mélodie ouvre un monde où les couleurs sont omniprésentes et multiples. Faire du récital est un bonheur immense.

     
    Avez-vous conscience d'appartenir à une génération qui aborde avec une sensibilité nouvelle, l'héritage de la tradition ?

    Je n'en suis pas consciente car je suis très admirative devant cette tradition dont j'ai, avec les autres, mission de porter l'héritage vers un public nouveau et différent. Néanmoins, je pense que même si nous respectons nos maîtres et tâchons de les imiter, nous sommes forcément toujours un peu plus " modernes " qu'eux. D'une certaine manière, les grandes cantatrices des années cinquante-soixante que j'admire tant et à qui je n'ose me comparer, étaient plus modernes alors que leurs professeurs ou que les grands noms qui les avaient précédées. Schwarzkopf était plus moderne à l'époque qu'Elisabeth Schumann et Christa Ludwig plus que sa propre mère. Si nous vivons dans notre temps, nous sommes forcément un lien entre la tradition et le futur et c'est une des plus importantes responsabilités que nous ayons à assumer.


    Lire la critique du dernier disque de Sophie Koch

     

    Le 26/06/2000
    Gérard MANNONI


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