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ENTRETIENS 20 avril 2024

Charline Giezendanner,
la scène comme libération

Dans le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris, Charline Giezendanner affirme une forte personnalité tant dans le répertoire contemporain que dans le classique. Elle est à deux doigts d’accéder aux grands rôles de soliste. Rencontre avec une jeune ballerine rayonnante et enthousiaste.
 

Le 13/11/2009
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Comment ĂŞtes-vous venue Ă  la danse ?

    Presque par hasard. J’aimais bouger, danser, comme beaucoup de petites filles. Nous habitions Besançon et mes parents ont songé à m’inscrire dans une école de danse. J’ai tout de suite aimé cela. On a dit à mes parents que je semblais douée et qu’il fallait que je tente l’École de danse de l’Opéra de Paris. Je ne savais pas trop de quoi il s’agissait ni si je voulais être danseuse. Je n’avais que 9 ou 10 ans, mais on m’a emmenée voir des spectacles à l’Opéra. Petrouchka d’abord, qui m’a beaucoup plu, mais surtout Giselle avec Isabelle Guérin et Laurent Hilaire. Là, j’ai vraiment été séduite.

    J’ai accepté de me présenter à l’École où j’ai été admise. Une fois prise dans l’engrenage, j’ai continué. J’ai naturellement tout découvert peu à peu ce qu’était le travail professionnel de la danse et cela me plaisait. Je n’avais pas vraiment encore d’idée précise sur les capacités artistiques.

    Et puis, quand John Neumeier est venu monter Yondering pour nous, il m’a choisie pour l’un des deux principaux rôles. J’étais en troisième division et il m’avait préférée à des élèves de première. Ce fut un tournant décisif. Pour avoir été remarquée par ce grand chorégraphe, d’abord, et puis parce que je me suis retrouvée sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées où avait lieu le spectacle. Toute seule en scène quelques instants, avec les lumières, le public, l’impression était si forte que j’ai compris que tout été désormais joué pour moi.

     

    Étiez-vous une grosse travailleuse ?

    Au tout début, pas vraiment. Quand je suis entrée à l’École, danser, c’était improviser sur la musique, bouger librement. Je n’imaginais pas que cela demandait tant de travail. En sixième division, la plus basse, les professeurs trouvaient que je ne travaillais pas assez et je suis montée dernière en cinquième. Je ne m’y attendais pas et ce fut le choc. Je ne savais plus très bien quoi faire. C’est alors Madame Scouarnec qui m’a donné le goût du travail. Elle était patiente et très ferme en même temps. Elle a su me faire comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un amusement sans contraintes.

    Une autre vision de la danse s’est ouverte à moi, et j’ai fini les dernières classes systématiquement première. J’ai même dansé Coppélia au spectacle annuel, un vrai rôle de soliste. À 17 ans, je suis entrée dans le Corps de ballet. Et là, nouvelle adaptation à une vie encore différente. Il me fallait désormais assumer à la fois mon indépendance à Paris, trouver ma place dans la compagnie, mais en deux ans, tout s’est stabilisé. J’ai recommencé à travailler avec Francesca Zumbo qui était mon professeur en seconde division à l’École.

    Nous avons entrepris un vrai travail de fond. Je lui dois beaucoup. Je suis montĂ©e CoryphĂ©e Ă  mon troisième concours, mais j’ai dĂ» en attendre cinq autres pour monter Sujet, en 2008 ! Cela m’a paru long. J’étais toujours bien classĂ©e, mais toujours « au pied du podium Â» comme disent les sportifs. L’an dernier, il n’y avait pourtant qu’une place et elle fut cette fois pour moi. J’avais commencĂ© Ă  travailler aussi avec Elisabeth Maurin qui m’a beaucoup apportĂ©.

    J’avais beaucoup dansé comme Coryphée, aussi bien le couple principal dans Artifact de Forsythe que la Demoiselle d’honneur dans Don Quichotte ou Desdémone et Rigolette dans les Enfants du paradis. Mais être Sujet est déjà une très grande ouverture.

    Une autre expérience qui m’a fait progresser et ouvert de nouveaux horizons fut de participer à la création de Nicolas Paul pour le spectacle des Jeunes chorégraphes. C’est naturellement tout autre chose que de reprendre des rôles de répertoire dont l’interprétation est forcément jugée par rapport à ce d’autres ont fait avant vous.

     

    Avant de monter Sujet, qu’est-ce qui motive une jeune Coryphée pour la pousser à travailler toujours plus ?

    Il faut bien reconnaître que la motivation principale, dès que vous êtes dans le Corps de ballet, c’est de monter au concours annuel avec toujours l’espoir d’arriver un jour au sommet de la pyramide, mais aussi de se faire remarquer par les chorégraphes invités qui viennent créer des ballets ou remonter certaines de leurs œuvres.

    Ils vous voient au cours ou organisent des auditions et avec eux, les problèmes de hiérarchie comptent moins. Ils vous apprécient selon leurs critères à eux qui ne sont pas toujours ceux de l’Opéra car ils savent quel type de danseurs ils veulent pour cette pièce-là. Si vous correspondez à leur idée, ils peuvent vous confier un rôle important quel que soit votre grade. C’est toujours une occasion de sortir du lot.

     

    Ces confrontations avec la création contemporaine ne sont-elles pas déroutantes pour une jeune ballerine formée essentiellement au classique ?

    Pas vraiment. J’ai été contente de ce que j’ai fait tant en classique qu’en contemporain. J’aime autant l’un que l’autre. L’essentiel reste de soigner le travail quotidien de base, tous les jours à la barre, pour que la technique soit disponible, même si le plus passionnant est de travailler un rôle. Je commence toujours par réfléchir au personnage, à la signification des pas, sachant que la base technique est là.

    En scène, il faut pouvoir oublier la technique pour pouvoir raconter quelque chose aux spectateurs. Il n’y a cette année qu’une place de Première Danseuse au concours. Je présente comme variation libre celle du premier acte de Giselle et pour moi, avant d’être une démonstration technique avec les célèbres diagonales sur pointes, cela raconte un moment unique dans la vie de Giselle, celui où elle aura été le plus heureuse. Elle se livre à sa passion, la danse, devant sa mère qui l’a autorisée à le faire, devant tous ses amis et son amoureux. C’est un sommet pour elle. Après tout va se déliter, et courir vers le désastre.

    C’est cela que je veux essayer de raconter plus que de montrer ce que peux faire sur les pointes. De même, dans le pas de deux des vendangeurs que je viens de danser dans la série des Giselle de la rentrée, Elisabeth Maurin m’a expliqué qu’il pouvait ne pas s’agir seulement d’un divertissement pour la Princesse ni d’une démonstration de virtuosité, mais que cela montrait l’union et la joie d’un couple, ce que Giselle ne connaîtrait jamais. Cela peut donner une tout autre portée à ce passage et en faire une des moments dramatiquement forts du ballet.

     

    Quel type de carrière aimeriez-vous faire ?

    Comme la majorité d’entre nous, je rêve bien sûr d’arriver un jour à être danseuse Étoile. J’admire beaucoup de danseuses, mais je ne peux pas dire qu’il y en ait une dont je voudrais exactement faire la carrière. Quelqu’un comme Laetitia Pujol m’a beaucoup apporté en tous domaines. La voir danser me donne une énergie énorme. Elle m’a fait travailler, mais il me suffit de la regarder pour apprendre et me sentir stimulée.

    Mais pour avancer, je crois qu’il faut surtout être soi-même et en phase avec ce que l’on a à faire à un moment précis. Il peut y avoir des carrières qui nous semblent magnifiques mais que la ballerine n’a pas forcément toujours bien vécue elle-même. Pour l’instant, je suis heureuse dès que je suis en scène. J’y suis généralement bien meilleure qu’au cours. Être en scène est pour moi une libération. Je pense que c’est de la salle pendant un spectacle que l’on juge le mieux un danseur. Je préfère toujours cela à un jugement porté en studio ou depuis les coulisses.

     

    Quel rĂ´le la musique joue-t-elle dans votre vie personnelle et professionnelle ?

    J’ai fait du piano, du solfège, de la flûte. J’écoute beaucoup de musique, souvent guidée par mon ami, qui est danseur aussi, et qui écoute toutes sortes de musiques, classiques ou non. Personnellement, j’aime beaucoup l’opéra. Pour la danse, je ne peux pas danser contre la musique et elle m’aide si je l’aime. Si je ne l’aime pas, je parviens quand même à m’appuyer sur elle en essayant de ne pas la trahir.

     

    Que faites-vous pour vous détendre ?

    Je suis assez cinéphile, mais pas très fascinée par la technologie contemporaine, comme l’Internet, l’IPhone et tout ce qui s’en suit, contrairement à beaucoup de gens de ma génération. J’aime aussi beaucoup visiter des expositions, alors que le shopping n’est pas non plus mon fort. J’achète vite car je n’aime pas traîner dans les boutiques, passer des heures à essayer…

     

    Quel grands ballets, quel grand chorégraphes vous attirent a priori le plus ?

    Je suis forcément attirée par la plupart des grands ballets du répertoire. Parmi les chorégraphes actuels, ce sont sans doute Kylian et Roland Petit, Mats Ek aussi, qui m’attireraient le plus. Mais le personnage auquel je m’identifie le plus est sûrement Juliette, surtout dans la version Noureev.

     

    Le 13/11/2009
    GĂ©rard MANNONI


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