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ENTRETIENS 25 avril 2024

Yannick Bittencourt, taillé pour les rôles romantiques

Parcours atypique pour ce jeune Coryphée du Ballet de l’Opéra de Paris, qui a manqué de peu une place de Sujet lors du dernier concours de promotion. Physique de héros romantique, morphologie idéale, Yannick Bittencourt est, à 21 ans, un espoir majeur de la compagnie. Rencontre avec un danseur qui est passé par Londres et New York avant de s’installer à l’Opéra.
 

Le 21/12/2009
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Pourquoi dansez-vous ?

    Parce que j’ai été mêlé au monde de la danse dès ma petite enfance. Mes parents, qui sont brésiliens, étaient danseurs et avaient ouvert une école à Berne, en Suisse. C’est la ville où je suis né. J’ai commencé tout naturellement avec eux, car je vivais dans l’univers du ballet. Tout petit, je voyais déjà des spectacles. J’ai d’abord travaillé un an, puis ai arrêté, car ma mère m’avait juste proposé d’essayer, sans rien m’imposer. Mais en voyant mes camarades continuer, aller sur scène avec de beaux costumes, j’ai eu envie de faire comme eux. J’avais 8 ans.

    Je suis ensuite venu à Paris à l’École de danse de l’Opéra à 13 ans, mais j’ai démissionné et je suis rentré à la maison. Revenu deux ans après, en 2003, je suis encore reparti car je n’arrivais pas à m’adapter à la vie loin de chez moi ! J’ai alors passé le Concours de Lausanne qui m’a permis de partir deux ans et demi à la Royal Ballet School de Londres dont, cette fois, je ne suis pas parti.

    Au terme de ce séjour, j’ai passé des auditions et ai été engagé pour quatre mois à la compagnie junior de l’American Ballet Theatre à New York. Mais mon rêve était toujours d’entrer à l’Opéra de Paris. À la fin de mon contrat américain, je me suis donc présenté au concours externe de l’Opéra où je suis arrivé premier, ce qui m’a permis d’entrer directement dans la compagnie.

     

    Pourquoi ne pouviez-vous pas rester à l’École de danse ?

    J’étais très attaché à ma famille, à ma mère. J’avais déjà du mal à m’éloigner en colonie de vacances quand j’étais à l’école ! Mon problème n’avait rien à voir avec l’enseignement prodigué à Paris, mais avec un mal du pays endémique. Je rêvais de cette école mais ne pouvais supporter l’éloignement de mes racines que cela représentait.

    Je sais que je ne suis pas un cas d’espèce, mais la plupart de ceux qui ont eu les mêmes angoisses les ont surmontées. En outre, pour moi, retourner à la maison ne signifiait pas abandonner la danse comme cela aurait été le cas pour d’autres, mais continuer à travailler, dans le cocon familial.

     

    Qu’avez-vous appris à Londres et en Amérique ?

    Ce fut une très bonne expérience. Le travail à Londres est bien sûr tout à fait différent de celui de l’Opéra. On saute et on tourne beaucoup. J’y ai acquis de l’énergie, mais le travail « Opéra de Paris » est beaucoup subtil, soignant de multiples détails qui font que c’est tellement beau, raffiné, élégant.

    À l’American Ballet, on travaille sans arrêt. Il faut y aller, sans toujours se soucier de savoir comment, mais on y va ! J’y ai pris de l’endurance, mais sur la distance, je ne vois pas très bien où cela peut mener. Il faut danser au maximum pour faire rentrer des recettes.

    En quatre mois, nous n’avons pas arrêté de voyager, avec un souci de rendement maximum. C’est tout autre chose que le travail de construction méthodique et progressif proposé par l’École française qui permet d’évoluer, de mûrir, de se perfectionner sur la durée et qui correspond à ce que je recherche dans la danse.

     

    Une fois admis dans cette compagnie dont vous rêviez, y avez-vous trouvé ce que vous espériez ?

    Je m’y trouve très bien. J’ai d’abord été étonné par la liberté qui y règne. On dit souvent que l’Opéra est un monde très fermé. Ce n’est pas vrai, car il y passe sans cesse des chorégraphes différents, des professeurs. Et puis, même quand on est simplement Corps de ballet, on peut faire des galas hors Paris, ce qui nous permet d’expérimenter un répertoire classique et contemporain complémentaire et enrichissant.

    On a une chance incroyable à cet égard, tout comme avec ce qu’apportent toutes les Étoiles actuelles ou plus anciennes qui nous entourent continuellement. Et puis ce que l’on appelle l’École française correspond exactement à ce que je recherche dans la danse, un travail tout en longueur, en élévation. En revenant d’Amérique, j’avais les muscles contractés, mais le travail fait ici assouplit tout. On parvient au même résultat en utilisant moins de force.

     

    Le travail de Corps de ballet ne vous paraît pas fastidieux ?

    Pas de manière générale. Il y a bien sûr des ballets où on sert un peu de décor, sans trop bouger dans un beau costume, mais on peut apprendre beaucoup en regardant les solistes. C’est une manière aussi de se construire.

     

    Quand êtes-vous le plus heureux ? En travaillant au cours ? En allant en scène ?

    On me dit souvent que je suis fait pour les rôles romantiques, mais je me sens surtout bien quand je peux dépenser de l’énergie, avec des sauts, des manèges, que ce soit au cours ou en spectacle. Avec mon mètre quatre-vingt-quatre, on m’imagine toujours dans des adages de princes. J’aime ça aussi naturellement, mais c’est dans le défi de la force physique que je prends le plus de plaisir.

    J’aime d’ailleurs autant le contemporain que le classique, même si je trouve les grands ballets du répertoire d’une beauté incomparable. À la soirée Jeunes Danseurs, j’ai dansé un extrait de Sylvia. Il fallait composer un vrai personnage de théâtre et j’ai trouvé cela difficile. C’est un bon travail à faire, surtout pour les personnages qui ont une vie autre dans l’univers du spectacle.

    Des rôles comme Siegfried du Lac ou Albrecht dans Giselle, par exemple, n’ont pas d’autres références que celles que leur a données l’histoire de la danse. En revanche, Eugène Onéguine ou Armand Duval ont de multiples références dramatiques ou cinématographiques. Ils existent fortement dans l’imaginaire du public et nous devons parvenir par la seule danse à leur donner autant d’épaisseur théâtrale, autant de présence émotionnelle. C’est passionnant, mais dur.

     

    Qu’est-ce qui vous est techniquement le plus facile ?

    Tout ce qui est grand saut me ne pose pas trop de problèmes. J’aime bien me lancer et généralement cela fonctionne. En revanche il ne m’est pas facile de travailler tout le haut du corps. J’ai grandi vite, j’ai de grands bras et je dois renforcer mon buste. C’est d’ailleurs ce que j’ai spécialement travaillé pour le dernier concours avec la variation lente du Lac des cygnes. J’ai essayé de travailler sur mes difficultés, comme par défi.

     

    En dehors de la danse, la musique tient-elle une place dans votre vie ?

    J’adore la musique. Elle est très importante dans mon travail comme dans ma vie. J’ai travaillé le piano quand j’étais plus jeune. J’ai arrêté pour donner tout mon temps à la danse, mais je me suis quand même muni d’un piano électronique. Dès que je peux, je joue.

    J’adore jouer Debussy et tout ce qui est un peu lent, les adagios de sonates, ce qui permet de rêver. C’est un plaisir autant qu’une détente. De manière générale, je suis plutôt casanier, mais j’adore aussi visiter les musées. Comme tous les danseurs, c’est quand même dans les studios et sur scène que se passe l’essentiel de ma vie et que se concentre mon énergie.

     

    Le 21/12/2009
    GĂ©rard MANNONI


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