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ENTRETIENS 09 mai 2024

Nathalie Stutzmann Ă  la baguette
© Jean-François Leclercq

Voilà qui n’est pas banal : une contralto devenue chef d’orchestre. Avec sa carrure athlétique, Nathalie Stutzmann avait deux rêves. Tout en continuant sa carrière de chanteuse, elle prend avec succès les rênes d’une formation qu’elle a créée, Orfeo 55. Et rêve, à long terme, de collaborer avec de grands orchestres.
 

Le 02/02/2010
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Pourquoi avez-vous appelĂ© votre ensemble Orfeo 55 ?

    Orfeo s’est imposé avec évidence. C’est le plus beau symbole que je pouvais imaginer, un rôle mythique pour une voix de contralto. Et puis il est le dieu de la musique qui arrive à séduire même le dieu des Enfers. C’est un défi à relever. Et 55 car le 5 est un chiffre qui me suit depuis des années. J’avais envie de sortir des noms fleuris de tous les ensembles existants. Et si j’ai mis un deuxième 5, c’est parce qu’on m’a dit qu’avec un seul, cela faisait trop Chanel n° 5 !

     

    Parlez-nous un peu de cet ensemble.

    Il est à géométrie variable à partir d’une base de douze musiciens, chefs de pupitres. Il s’agrandit selon la programmation. Je les ai tous recrutés sur audition. Je voulais des musiciens qui pratiquent à la fois les instruments baroques et les instruments modernes, ce qui n’est pas facile. J’aime les éclectiques. Je suis très exigeante.

     

    Qu’est-ce qui vous a amenée à fonder votre propre ensemble ?

    J’ai eu des rêves : le premier était de chanter. Je l’ai réalisé et je continue. Le deuxième était d’être chef d’orchestre. Et puis, parallèlement à ce désir, j’avais celui de revenir vocalement et d’associer le vocal à la direction d’orchestre. Cela n’a jamais été fait avant. Pendant le même concert, je dirige des œuvres pour orchestre seul puis je chante des cantates, des airs d’opéra et tout le répertoire écrit pour des voix d’alto et qui a été un peu délaissé.

     

    Cela répondait donc à une nécessité intérieur.

    Dans ma vie, j’ai toujours suivi mon instinct et mon épanouissement. Je ne me suis jamais autant régalée à chanter. Mais quand on est instrumentiste, arrive le jour où l’on a envie de dépasser l’instrument, un désir de relever un autre défi. Quand on est chanteuse, on ne vous parle que de votre voix. On est réduite aux qualités vocales. Or, je me suis toujours considérée comme une musicienne qui utilise sa voix comme un instrument.

     

    Comment en êtes-vous concrètement venue à diriger ?

    Quand j’étais jeune, on m’a forcée à jouer des instruments à cordes alors que je n’étais pas du tout faite pour cela. Je n’avais aucun talent alors que je sentais en avoir pour la direction d’orchestre. Je ne voulais pas me lancer pour être un mauvais chef. Deux chefs m’ont donné envie d’avancer : Seiji Ozawa et le Finlandais Jorma Panula, grand mentor de la direction qui a formé notamment Simon Rattle et Esa-Pekka Salonen.

    Je suis allée voir Panula incognito pour me tester. J’ai auditionné en dirigeant, avec l’Orchestre de l’Académie Sibelius, une symphonie de Brahms et il m’a sélectionnée. Il m’a dit que j’étais faite pour ça. Ozawa m’a donné ma première chance en m’engageant avec son orchestre de chambre. Cela m’a donné le coup de pied pour oser me lancer.

     

    Comment situez-vous la direction d’orchestre par rapport à la voix ?

    La réponse est simple. Quoi de plus beau et de plus riche que la voix humaine ? Pour moi, c’est l’orchestre. On dispose de toutes les couleurs et d’une palette sonore incomparable, aussi riche que celle d’un peintre ! On travaille la musique dans sa globalité. L’orchestre est le plus bel instrument du monde. Les musiciens d’orchestre disent toujours qu’ils essaient d’imiter la voix humaine et moi j’essaie de transmettre à l’orchestre le legato et l’intensité qui sont vocalement ma marque de fabrique.

     

    Vous êtes avec votre orchestre en résidence à Metz.

    Orfeo 55 est en résidence pour les trois années à venir à l’Arsenal. C’est l’une des plus belles salles d’Europe.

     

    Comment passe-t-on au sein d’un même concert du chant à la direction ?

    Cela demande beaucoup d’énergie. Il faut gérer la respiration. Quand on dirige, on a le cœur qui bat très vite. Quand on chante, il faut se calmer et respirer d’une autre manière. Cela demande un autre effort physique. Quand je fais des cantates, je passe de l’un à l’autre d’une manière naturelle comme si l’orchestre était le prolongement de ma voix. C’est ce qui m’intéresse : former un tout.

     

    Envisagez-vous de diriger des orchestres symphoniques ?

    Oui, des concerts où je ne chanterais pas. J’ai un physique, une carrure, je dégage beaucoup d’énergie et les musiciens me disent que les orchestres sonnent beaucoup avec moi. C’est une qualité qui ne se travaille pas. On l’a ou on ne l’a pas. Ozawa et Panula m’ont encouragée à interpréter le grand répertoire : Brahms et Beethoven qui nourrissent ma vie. À partir de 2011, je commence à Milan à diriger un programme Mozart, Beethoven Schönberg, puis l’Orchestre de Metz, celui de Montpellier.

     

    N’y a-t-il pas un gros problème pour les femmes à la tête des orchestres ?

    J’ai la chance d’obtenir instinctivement le respect de la part des musiciens. Je n’ai pas besoin de les convaincre d’une manière autoritaire. Cela se dégage de moi naturellement. L’autorité, c’est d’être archi prêt dès la première répétition. On doit savoir ce qu’on veut dès la première note. Quand les musiciens vous voient arriver, immédiatement, ils savent tout de suite si le chef est convaincant, s’il a une vision.

    Il faut un talent pour la battue, être claire dans ses mouvements et savoir transmettre par le geste ses idées musicales. C’est une préparation technique impeccable qui permet d’obtenir le respect. En tant que femme, il faut diriger un orchestre comme une entreprise et être les meilleures. Des musiciens que j’ai dirigés m’ont dit qu’au bout de trois minutes, ils avaient complètement oublié que j’étais une femme. J’ai pris cela comme un compliment.

     

    Quel serait votre plus grand rĂŞve de chef ?

    Diriger les symphonies de Brahms à la tête de l’un de ces orchestres qui sont des Rolls, comme la Philharmonie de Berlin avec laquelle je chante régulièrement. On ne vit pas sans rêves.




    À voir :
    Vivaldi, Haendel, Ensemble Orfeo 55 sous la direction de Nathalie Stutzmann, 4 février, salle Gaveau, Paris.

     

    Le 02/02/2010
    Nicole DUAULT


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