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ENTRETIENS 25 avril 2024

Nicholas Angelich,
un Américain à Paris

© StĂ©phane de Bourgies

Trois concerts coup sur coup à Paris au Théâtre des Champs-Élysées puis salle Pleyel et ensuite à Monaco avec Rachmaninov, Beethoven et Brahms : l’éveil du printemps est fructueux pour le pianiste américain de Paris Nicholas Angelich (39 ans), l’un des grands interprètes de sa génération. Rencontre avec un pianiste aux racines multiples qui refuse de s’enfermer dans le seul récital.
 

Le 11/03/2010
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Qu’est-ce qui vous apparaĂ®t le plus important aujourd’hui, Ă  ce stade de votre vie ?

    Avoir une exigence et aller vers les autres en sauvegardant sa sincérité, sa spontanéité. J’avance d’une manière chaotique en me lançant dans de nouvelles aventures tout en retrouvant le passé. Cette année, je rejoue, et pas parce c’est un anniversaire, du Chopin, alors que je suis plus concentré sur la musique allemande et romantique. Il est important de faire des ruptures ainsi que de chercher des complémentarités avec d’autres répertoires.

    Jouer la musique du XXe siècle apporte une lumière différente sur le classicisme et vice versa. Je crois qu’on ne peut jouer une seule sorte de musique. Les unes se nourrissent des autres. Il faut garder une curiosité. Quand on joue les œuvres pour piano de Brahms ou de Schubert, il ne faut pas s’enfermer dans du pianisme primaire, mais connaître l’ensemble de l’œuvre du compositeur.

     

    Concertiste, vous jouez beaucoup de musique de chambre.

    Elle est très importante. Je n’aime pas me spécialiser dans quoi que ce soit. J’ai joué toute la musique de chambre de Brahms, ce qui m’aide pour sa musique pour piano. Je connais ses Lieder, ses symphonies. En allant à la rencontre de tous les domaines de la production des compositeurs, on se nourrit d’autre chose que du piano. Il faut s’oxygéner.

     

    Vous parlez beaucoup du jazz.

    Les jazzmen m’impressionnent par leur liberté et leur culture. Ils ont une connaissance de la musique classique que bien des interprètes classiques ne soupçonnent pas. Ils ont une formidable ouverture d’esprit grâce à leur capacité d’improvisation. J’aime beaucoup parler avec eux.

     

    Vous êtes contre la spécialisation ?

    Oui. On vit avec des histoires, des œuvres. C’est cela qui nous fait grandir.

     

    Pourquoi votre retour Ă  Chopin ?

    Jeune, je jouais beaucoup de Chopin. Je m’en suis éloigné. Cette année Chopin est jolie. Il ne faut pas se sentir obligé d’y participer. Il faut rester libre. Chopin provoque soit un coup de foudre soit un rejet. Il est fondamental dans le développement pianistique car il a révolutionné l’écriture pour le piano.

     

    Quelle est votre nouvelle grande aventure ?

    Brahms, avec le Concerto pour piano n° 2 et les pièces de l’opus 76. Je joue aussi beaucoup de Rachmaninov.

     

    Comment composez-vous vos programmes ?

    Comme le dit Nelson Freire, il est absurde de donner des programmes très à l’avance, parfois deux ans avant. Sviatoslav Richter pouvait se permettre de ne jamais communiquer à l’avance son programme. Je n’en suis pas là. Comment peut-on savoir deux ans avant quelle sera votre sensibilité ? On comprend qu’il faut construire un programme dans la logique. C’est la règle du jeu. Mais nous sommes des artistes et pas des machines. Il faut garder une spontanéité. Chaque concert demande une approche personnelle.

     

    N’avez-vous pas envie de faire éclater ces règles ?

    Le public vient écouter des œuvres. Si vous changez le programme, il est dérouté. Quand je le fais, c’est pour de vraies raisons musicales.

     

    Vous avez enregistré le Deuxième Concerto de Brahms avec Paavo Järvi qui sera l’an prochain directeur de l’Orchestre de Paris.

    Virgin Classics m’a demandé de participer à une grande aventure sur Brahms avec sept disques. Paavo est le premier chef avec lequel j’ai fait de la musique orchestrale. J’ai trouvé un partenaire d’une sensibilité, d’une énergie, d’une exigence exceptionnelles. Je ne pouvais pas rêver mieux. Mon premier concert était à Paris avec l’Orchestre de Radio France le Deuxième Concerto de Liszt. J’ai tout de suite aimé le son qu’il donne à l’orchestre dont il respecte la personnalité. C’est un partenaire en qui on a confiance musicalement et humainement.

     

    Quels musiciens vous ont influencé ? Ciccolini évidemment ?

    Il a changé ma vie. Il m’a pris pour élève à Paris alors que j’avais 13 ans. Je l’ai ensuite quitté puis retrouvé. La vie est drôle. On se cherche. Quand on est en contact avec quelqu’un d’aussi impressionnant qu’Aldo, il faut se construire en tant que personne. Il faut être indépendant tout en sachant ce qu’il apporte.

    J’ai aussi rencontré Leon Fleisher qui m’a aidé lui aussi à me construire, ainsi qu’Yvonne Loriod, Michel Béroff et Marie-Françoise Bucquet. J’ai retrouvé Aldo à l’âge de 30 ans. J’avais de la gratitude à son égard. Sans rien de guindé ni de prétentieux, il est la simplicité. Il continue à jouer avec une énergie juvénile, ce qui m’impressionne encore plus.

     

    Combien de temps jouez-vous quotidiennement ?

    Quatre ou cinq heures, parfois pas du tout quand j’ai besoin de m’éloigner de l’instrument. La lecture est l’essentiel. J’ai besoin absolument de la fiction et de la philosophie, d’Elias Canetti à Camus que je redécouvre et que je trouve magnifique. Je reviens toujours vers la poésie et Rainer Maria Rilke. Vers certains livres on revient toujours.

     

    Vous êtes américain ?

    Oui, mais Paris, c’est chez moi. Je ne suis pas français mais presque. Je me sens aussi proche de l’Amérique que de l’Europe, c’est mon côté déraciné. Il faut que je l’assume. Cela m’enrichit. Mes origines sont d’Europe de l’Est. Ma mère est née en Russie. Son père était roumain, sa mère slovaque. Mon père est monténégrin et je me retrouve en France. C’est enrichissant mais difficile à vivre. Je suis un nomade.




    À voir :
    Sonates de Beethoven et Préludes de Rachmaninov, Théâtre des Champs-Élysées, le 13 mars
    Concerto n° 2 de Rachmaninov, Philharmonique de Radio France, direction Myung-Whun Chung, salle Pleyel, 19 mars
    Ballades et Fantaisies de Brahms, Printemps des Arts de Monte-Carlo, 20 mars
    À écouter :
    Concerto n° 2 et Klavierstücke op. 76 de Brahms, Orchestre de la Radio de Francfort, direction Paavo Järvi, CD Virgin Classics.

     

    Le 11/03/2010
    Nicole DUAULT


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