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ENTRETIENS 08 mai 2024

Jean-Claude Pennetier, la confidence au bout des doigts

Un temps chef d'orchestre très actif dans le répertoire contemporain, Jean-Claude Pennetier a aujourd'hui choisi de confier ses secrets les plus intimes au piano de Schubert, Haydn, Mozart, Schumann et Brahms. Altamusica a quand même essayé de lui en soutirer quelques-uns.
 

Le 03/07/2000
Propos recueillis par Antoine Livio (1931-2001)
 



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  • Par-devers votre notoriété de pianiste, on sait moins que vous avez dirigé l'Ensemble InterContemporain, 2e2m, les orchestres de Radio France et même dirigé artistiquement La Péniche Opéra ou certains festivals. Que vous reste-t-il de ces expériences ?

    Ce que vous dites, il faut le mettre au passé. Je veux bien l'assumer puisque je l'ai fait et même si j'ai désormais tout concentré sur mon activité de pianiste, j'ai toujours eu finalement la sensation de toujours faire la même chose : de parler avec la musique ou de faire parler la musique. Quand on a soif de s'exprimer, ça peut être par le concert, par l'enseignement, par le théâtre, par énormément de choses, mais je suis devenu plus sage. Est-ce l'âge ? je me concentre sur les concerts, ce qui me procure les plus grandes joies.

     
    Pourquoi avez-vous décidé de devenir pianiste ?

    Ce n'est pas moi qui ai pris cet engagement. C'est ma mère et curieusement avant ma naissance. Paraît-il même avant que je n'aie été conçu ! Ce fut réellement du conditionnement : je devais être musicien. Peut-être est-ce une des raisons qui fait que j'ai toujours essayé de ne pas être enfermé dans une seule chose qui, finalement, avait été voulue avant ma naissance. Même à trente ans, je me suis demandé si je ne voulais pas être peintre, ou comédien. Finalement, j'ai repris ce métier de musicien à mon propre compte. Enfant, je voulais en fait être organiste. C'était mon rêve, mais on m'opposa qu'il fallait d'abord apprendre le piano. Après mon premier prix au Conservatoire, je suis revenu à mon idée première d'être organiste, mais on m'a fait savoir qu'un premier prix n'était rien d'autre qu'une espèce de baccalauréat. Il fallait poursuivre. J'ai donc passé des concours, j'en ai réussi certains, brillamment paraît-il, mais comme je poursuivais mon idée fixe, on m'a fait comprendre que ce serait ridicule, " avec tout ce que tu peux faire avec un piano " J'ai alors compris que je m'étais fait avoir ! Tant et si bien qu'à trente ans je rêvais encore d'être organiste. Aujourd'hui je dois reconnaître qu'à l'exception de quelques orgues baroques très translucides, l'orgue ne me tente plus du tout. La vie n'est donc pas trop mal faite.

     
    Pourquoi votre mère voulait-elle que vous soyez musicien ?

    En amateur, elle avait fait de l'orchestre et du quatuor. Elle a mis dans cette activité toutes ses insatisfactions d'une vie qui ne fut pas toujours celle qu'elle aurait aimé vivre. Ainsi nous ne nous sommes pas très bien compris, car elle envisageait - et il y a beaucoup de gens qui vivent avec cette idée - tout ce qui est artistique comme une échappatoire. L'art devrait aider à vivre hors du monde ! je pense bien au contraire que l'art est une manière d'exprimer son être profond dans le monde. Et de vivre deux fois plus intensément.

     
    Enfant, aimiez-vous arrêter de jouer pour vous asseoir au piano ?

    C'était encore jouer ! J'aimais ça. Je n'ai pas choisi la musique, mais je l'ai immédiatement acceptée et aimée. Tout ce qui était doux et relevait du rêve faisait mon bonheur. J'étais un enfant gai, mais rêveur.

     
    Quel est le professeur qui vous a le plus marqué ?

    Tous m'ont beaucoup apporté, à une exception près : Marguerite Long dont j'ai suivi les cours avant et après mon prix ; elle m'a fait réellement douter de moi. Elle avait une approche du piano qui ne me correspondait absolument pas. En revanche Lucette Descaves fut un très bon guide. Il n'est pas très gentil d'avouer que son enseignement n'était pas exceptionnel, mais en revanche, elle m'a ouvert à énormément de chose : à l'opéra, à la musique de notre temps. Mais j'ai eu un grand professeur, dont le nom malheureusement n'est pas connu, sauf de ceux qui furent ses élèves et qui, comme moi l'ont beaucoup aimée, Louise Clavius-Marius. Elle m'a donné le sens d'un certain artisanat ; Car dans mon monde de musique, de composition, tout ce qui me semblait bassement technique ou matériel, me paraissait indigne de ma volonté artistique. Ainsi m'a-t-elle fait comprendre le sens artisanal du piano, c'est-à-dire que même la technique doit être belle.

     
    Qu'est-ce qui fut le plus difficile dans votre carrière ?

    Comprendre que sa vie entière va se passer devant un piano ! N'être que pianiste, alors qu'il y a tant de choses qui me tentent et me passionnent. Le monde est si vaste. Et songer que toute sa vie d'homme ne sera que jouer avec mes dix doigts ! Ce fut très long à accepter et très dur. Maintenant j'ai changé. Peu à peu les oeuvres que j'aime jouer m'ont fait sentir que toute ma vie pouvait s'inscrire en elles. Il y a tant de choses qu'on peut faire, qu'on peut dire avec ces touches blanches et ces touches noires, face à cette grande bête qu'est un piano.

     
    Mais vous aimez beaucoup la musique de chambre.

    Pour moi, il y a deux choses primordiales dans la vie : être entre amis et être entre amis avec la musique. Les deux sont une même et grande joie.

     
    A vous écoutez au piano, en concert ou sur les disques, on a l'impression que vous vous sentez bien en compagnie des compositeurs romantiques, alors que vous avez beaucoup donné à la musique d'aujourd'hui.

    Entre 1968 et je ne sais plus quand, oui, j'ai eu une période où j'ai dû créer ou participer à la création d'une cinquantaine d'oeuvres. J'ai beaucoup donné, comme vous dites. Il m'arrive encore de créer des oeuvres et j'en suis fier. À une certaine époque, en qualité de chef d'orchestre, j'ai consacré énormément de temps à la musique contemporaine. Aujourd'hui, j'ai un peu moins de courage. Et il y a tant d'oeuvres anciennes que j'ai envie de jouer et qui correspondent à une vue humaniste que j'ai sur notre art. C'est vrai que Schubert, Haydn, Mozart, Schumann, Brahms m'ont un peu happé pour me prouver qu'ils étaient encore de la musique actuelle !

     
    Travaillez-vous beaucoup votre piano ?

    Environ quatre heures en moyenne, chaque jour. Ce sont des heures que j'apprécie beaucoup. Il y a la technique, certes, Mais il y a aussi les oeuvres qu'il faut monter, se mettre dans les doigts, dans la tête et dans le coeur aussi ! Or je monte beaucoup d'oeuvres et ça demande du temps. Car il faut toujours un certain temps face à son instrument pour qu'il fasse corps avec vous. Il faut que l'âme soit dans les doigts. Ce contact charnel est essentiel. Il n'y a pas que l'apprentissage et la technique. Il y a ce contact et ça, il faut le nourrir et ça vous nourrit.


    On peut écouter Jean Claude Pennetier cet été dans les festivals de Prades (4,5,7,11 août), la Roque d'Anthéron (11 août) et Sceaux (10 septembre).

     

    Le 03/07/2000
    Antoine Livio (1931-2001)


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