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ENTRETIENS 25 avril 2024

Emmanuel Pahud,
la flûte enchantée

© Emi Classics

Flûte solo de la Philharmonie de Berlin depuis septembre 1993, Emmanuel Pahud (40 ans) poursuit une carrière de soliste international. Avec sa flûte en or, il joue tous les répertoires : baroque, classique et contemporain. Il vient de publier un disque d’arrangements d’airs d’opéra. Ce mercredi, il est au Théâtre des Champs-Élysées avec l’Orchestre de Rotterdam.
 

Le 19/05/2010
Propos recueillis par Nicole DUAULT
 



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  • Comment ĂŞtes-vous entrĂ© Ă  la Philharmonie de Berlin ?

    Par un concours de recrutement où Claudio Abbado, comme aujourd’hui Simon Rattle, mettait un point d’honneur à être présent. Les musiciens et l’orchestre discutent avec le chef après un premier tour où l’on joue Mozart. Cent cinquante dossiers arrivent, une cinquantaine sont retenus et une trentaine de candidats se présentent. Ce jour-là, la délibération n’a pas été très longue.

     

    La Philharmonie est-elle plus ouverte qu’autrefois aux musiciens étrangers ?

    L’orchestre compte 121 musiciens, 74 allemands et 47 étrangers. Leur nombre n’a jamais été aussi élevé. L’internationalisation est plus importante qu’avant mais elle est dans la tradition de cette formation.

     

    Pourquoi cet orchestre fascine-t-il autant ?

    Je pourrais vivre de mes projets de soliste, mais j’ai fait le choix de rester, preuve que moi aussi, les Berliner me fascinent. Il y a un engagement individuel et collectif qui est plus fort que tout ce que l’on peut connaître ailleurs.

     

    Quelle est la vraie particularité de cette formation ?

    Elle a un effet tsunami. Une vague, une lame de fond traverse tout l’orchestre d’une manière organique. Cela se passe rarement en répétition mais toujours en concert, une forme d’engagement, de force de la nature supérieure à nous tous. Cette ferveur, cette intensité date depuis toujours, d’avant Abbado, d’avant Karajan.

     

    Vous avez connu Abbado et Rattle.

    Ils incarnent deux mondes différents. On ne peut pas résumer les choses au fait qu’Abbado soit italien et Rattle anglais. Pour moi, Français expatrié, je sais combien on peut ressentir de complexes en entrant dans cet orchestre. Plus encore pour eux. Ils ont essayé comme de beaux diables de dominer le répertoire allemand. Ils ont deux approches très différentes.

    Abbado est très peu discipliné dans les répétitions, mais au concert, il fédère tout le monde et libère une énergie remarquable. Rattle prépare tout au millimètre près lors des répétitions et attend de nous le même engagement intense au moment du concert. Cela donne selon le répertoire et le style des résultats très différents d’un chef à l’autre.

    En musique française, les résultats ont été très bons avec Rattle ces dernières années. La période de la lune de miel passée, c’est-à-dire après trois ou quatre ans, l’intensité du travail a provoqué quelques coincements parfois entre le chef et les musiciens. Le dernier concert parisien l’a montré, nous avons passé un tournant, la confiance a été retrouvée.

     

    Avez-vous participé au Ring d’Aix-en-Provence ?

    En partie. J’ai fait deux productions à Aix et les autres à Salzbourg en alternance. Jouer Wagner, même si pour les flûtistes ce n’est pas insurmontable, nécessite beaucoup de patience. Cela fait plaisir d’être assis au milieu de l’orchestre et d’écouter. Quand on parle de vague musicale, là, elle est impressionnante.

     

    Vous publiez un disque d’arrangements et de transcriptions d’opéras pour flûte.

    La plupart des transcriptions sont des musiques de salon du tournant du siècle. À l’époque, le disque n’existait pas et, quand on allait à l’opéra, la seule façon de réécouter les mélodies qu’on aimait était de les jouer en arrangements. La flûte avait la vedette et permettait de jouer un répertoire formidable.

    J’ai commencé la musique en écoutant de l’opéra. C’est comme cela que j’ai appris plusieurs langues, en lisant les livrets qui accompagnent les enregistrements de disques. Certes, l’allemand de Wagner n’est pas celui que l’on pratique tous les jours ! J’ai toutes ces mélodies en moi et j’ai voulu leur redonner vie à travers la flûte. Mon projet s’est conclu quand j’ai rencontré le chef québécois Yannick Nézet-Seguin qui dirige l’orchestre de Rotterdam.

     

    Vous avez découvert la musique à Rome ?

    Je suis Parisien de cœur. J’ai grandi à Genève et beaucoup à l’étranger. Mon père travaillait pour une boîte américaine. À Rome, au-dessus de notre appartement vivait une famille franco-suisse. Il y avait quatre enfants et j’entendais de la flûte, du piano et du violoncelle. J’ai été très attiré par la flûte. Le père jouait de la flûte et l’un des fils travaillait pour son diplôme tous les jours les concertos de Mozart. Cela m’a plu. J’avais 5 ans.

    Quand j’ai demandé à mes parents ce que mon voisin jouait le plus souvent, ils m’ont répondu le Concerto n° 1 de Mozart, celui en sol majeur. Je me suis juré de l’interpréter. Je suis têtu. Dix ans plus tard, je le jouais avec l’Orchestre de Belgique après avoir gagné le concours. C’était mon premier concerto. Dix ans plus tard, à 25 ans, je l’enregistrais sous la direction de Claudio Abbado avec la Philharmonie de Berlin. Dans cette musique, je me sens chez moi. Elle donne un désir d’élévation et d’aspiration à un monde meilleur.

     

    Rattle donne beaucoup de musique du XXe siècle et de musique contemporaine.

    Voilà huit ans, à ses débuts à la Philharmonie, cela a suscité des critiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais cette année, on a donné beaucoup de Sibelius, de Schumann et de Brahms. La saison prochaine, la programmation est dans le grand répertoire allemand et on prépare le centenaire de Mahler. Rattle a été prolongé jusqu’en 2018.

     

    Jouez-vous tous les répertoires sur le même instrument ?

    J’ai plusieurs flûtes, mais je joue toujours sur la même. Elle est en or ; je l’ai achetée en 1988 après avoir gagné des concours. Elle a une richesse de couleurs et de profondeur supérieure aux flûtes en bois ou en argent. Il faut trouver un instrument suffisamment flexible et ouvert pour pouvoir approcher les sons différents. Le mien me permet de naviguer à travers les styles. La palette de l’instrument baroque est à l’intérieur de l’instrument moderne.




    À voir :
    Fantaisie sur le Freischütz de Taffanel et Fantaisie sur Rigoletto de Doppler, Emmanuel Pahud, Orchestre philharmonique de Rotterdam, dir. : Yannick Nézet-Séguin, Théâtre des Champs-Élysées, mercredi 19 mai 2010.

    À écouter :

    Fantasy – A Night at the Opera
    Airs d’opéras arrangés pour la flûte. Emmanuel Pahud, Orchestre philharmonique de Rotterdam, dir. : Yannick Nézet-Séguin, CD EMI Classics.

     

    Le 19/05/2010
    Nicole DUAULT


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