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ENTRETIENS 26 avril 2024

Renaud Capuçon, le petit prince du violon

À vingt-quatre ans, Renaud Capuçon est le chef de file de toute une nouvelle génération d'instrumentistes français. Récemment partenaire de Myung-Whun Chung à Saint-Denis, il possède désormais une stature internationale grâce à sa passion du travail et à son respect des maîtres.
 

Le 07/07/2000
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Le violon est-il pour vous une vocation personnelle et précoce, une rencontre de hasard ou la conséquence d'une volonté de vos parents ?

    Je n'ai pas eu de révélation en entendant Perlmann ou Heifetz et je n'ai pas pleuré en écoutant le concerto de Tchaikovski ! Mon histoire d'amour avec le violon est à la fois étrange et très naturelle. Mes parents sont originaires d'une petite ville au-dessous des Arcs et n'étaient pas musiciens. Mais étant encore jeunes mariès, ils ont vu le Festival des Arcs se créer. Ils y sont allés et y ont développé un goût pour le concert. Ma mère, par ailleurs s'occupait beaucoup de ses enfants, de leur éducation artistique. C'est ainsi que j'ai commencé le violon, tout naturellement dans une ambiance culturelle familiale très vivante. J'ai commencé avec le Mouvement Vivaldi à quatre ans. On participait tout de suite à des concerts, même si les plus petits ne faisaient parfois que soulever leur violon et le reposer, ils avaient l'impression d'être partie prenante de l'exécution générale. Puis, je suis entré au conservatoire de Chamberry. Je suis devenu fou de violon et je ne pensais qu'à çà, en jouer et en écouter. Mes parents m'ont toujours aidé et soutenu dans cette aventure, parce que j'aimais çà, non parce qu'ils voulaient que je sois violoniste.

     
    À quatorze ans vous entrez au Conservatoire National Supérieur de Paris dans la classe de Gérard Poulet. Que gardez-vous de son enseignement ?

    C'est un grand professeur qui s'occupe énormément de ses élèves. Je l'admirais énormément et à cet âge, j'étais prêt à faire tout ce qu'il me disait. Pendant cinq ans, j'ai bu toutes ses paroles et il m'a donné une discipline de fer. Vera Reynolds mon premier professeur me parlait musique et décontraction et lui m'a " blindé " pour faire ce métier. Depuis que j'avais huit ou neuf ans, il était très clair dans mon esprit que je serais violoniste et rien d'autre. Juste avant, comme j'adorais le ski, je déclarais vouloir être skieur l'hiver et violoniste l'été ! Le violon l'a emporté ! Je croisais des musiciens sur les pistes et mes idoles étaient Dumay, Lodéon, Caussé et pas des rocks stars. Mon premier rêve était de pouvoir jouer aux Arcs.

     
    Quels ont été vos autres maîtres ?

    Essentiellement Thomas Brandis à Berlin, pendant deux ans. Avec lui, j'ai revu tout le répertoire, sans m'attacher vraiment aux problèmes techniques. J'avais une base assez solide en ce domaine, mais des lacunes de style, de jeu à la française, pas assez percutant. Il a beaucoup insisté là-dessus. De plus, pour chaque concerto, il me faisait travailler sur la partition d'orchestre et pas seulement de violon, ce qui peut paraître une évidence mais ne se pratiquait absolument pas au conservatoire. Avec Gérard Poulet, je travaillais sa partition avec ses doigtés, ce qui est un apprentissage formidable. Pourtant lorsqu'il faut passer au stade de l'interprétation et des concerts, il faut parvenir à être soi-même, en tous domaines. Brandis était formidable pour çà car il m'écoutait, me donnait son sentiment et nous bâtissions tout sur mon acquis. Berlin en outre était une occasion de rencontres magnifiques. Quelques " masters classes " avec Isaac Stern m'ont aussi été très utiles en 1995. Il était très dur, mais son apport m'a été bénéfique à bien des égards.

     
    Quelles étaient vos difficultés et vos facilités ?

    Ma principale difficulté était la crispation. J'avais une certaine facilité technique. J'étais travailleur, assez doué, mais j'ai eu besoin de lutter très longtemps contre la crispation. Je n'ai pas le tempérament très " baba-cool ". Je suis plutôt du type suractif. Il me fallait canaliser mon énergie, et comme je ne faisais pas de sport, tout était dans le violon. Je voulais tellement y mettre d'énergie que çà se transformait en crispation. Ce fut un grand travail de parvenir à ma décontraction actuelle qui permet au son de s'épanouir réellement. J'ai l'impression de juste commencer à sentir arriver le son dont je rêve, même s'il reste encore du chemin à parcourir.

     
    Il semble que la maturité puisse être très précoce chez certains instrumentistes. Comment avez-vous vécu de phénomène ?

    Certains violonistes abordente en effet le grand répertoire à un âge très précoce. Même si l'on fait exception de cas particuliers comme celui d'un Menuhin, très particulier, on voit souvent des artistes à peine entrés dans l'adolescence jouer Brahms ou Beethoven. Personnellement, j'ai toujours été très prudent en ce domaine. Au conservatoire, j'avais l'aspect d'un gamin en culottes courtes mais je jouais déjà en musique de chambre avec des gens bien plus âgés que moi. J'ai toujours été un peu décalé par rapport à ma génération, mais pour ce qui est du concerto de Brahms par exemple, je suis resté méfiant. Conseillé par Vera Reynolds qui m'indiquait ce que je pouvais jouer en fonction de ma maturité, j'ai avancé très prudemment. J'ai fait des erreurs, naturellement, mais j'ai par exemple joué la Chaconne de Bach pour la première fois il y a trois mois seulement. Je ne jouerai la Sonate à Kreutzer de Beethoven que l'année prochaine au Châtelet. En revanche, j'ai été très vite à l'aise dans le concerto de Beethoven. Je connais mes limites et je me considère en permanente évolution, même depuis que je travaille seul. De toutes manières, pour l'instant, dans le répertoire pour violon, ce sont les oeuvres avec un vrai contenu musical qui m'intéressent et retiennent mon attention. Je ne suis pas très captivé par les pièces de virtuosité pure qui font la joie de beaucoup de mes collègues. Même Paganini ne me passionne pas vraiment. Je préfère passer du temps en musique de chambre avec d'autres musiciens qu'à maîtriser les Caprices. C'est peut-être mon expérience de violon solo du Gustav Mahler Jungorchester avec Abbado qui m'a donné ce goût. Une expérience magnifique où j'ai découvert toute l'importance et toute la noblesse de cette fonction que l'on connaît et apprécie beaucoup trop peu. Cela aussi m'a permis d'évoluer, car je suis curieux de tout et toujours prêt à capter le positif de ce qui m'entoure, de ce à quoi je suis confronté.


    Repères discographiques :
    -Récital Schubert chez Virgin Classics
    -Schubert Trio op.100 et La Truite chez Erato
    -Schumann Quintette chez Deutsche Grammophon

    On peut écouter Renaud Capuçon cet été dans les festivals des Arts Jaillissants de Savoie (15 juillet), Saoû dans la Drome (16 juillet), pays d'Ans en Dordogne (19 juillet, Menton (7 août), Trégor en Bretagne (9 août), Grésivaudan en Isère (28 août) et Sceaux (2 septembre).

     

    Le 07/07/2000
    Propos recueillis par Gérard MANNONI


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