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ENTRETIENS 27 avril 2024

Adriana Kucerova,
petite renarde fulgurante

Aussi fulgurante que sa vocation a Ă©tĂ© tardive, l’ascension d’Adriana Kucerova l’a dĂ©jĂ  menĂ©e sur les plus grandes scènes, oĂą sa grâce juvĂ©nile fait merveille dans un rĂ©pertoire dĂ©jĂ  Ă©clectique. Ă€ l’OpĂ©ra Bastille, elle interprète, pour la première fois dans sa langue maternelle, le rĂ´le-titre de la Petite Renarde rusĂ©e de Janáček.
 

Le 14/06/2010
Propos recueillis par Mehdi MAHDAVI
 



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  • Comment exprimez-vous le caractère anthropomorphe de la petite renarde ?

    Le renard est un animal plein d’énergie, toujours en mouvement, très rapide, c’est pourquoi je lui prête davantage les attitudes d’une jeune fille que d’une femme. Elle n’en évolue pas moins d’une naïveté quadrupède à une maturité bipède. J’imaginais même devoir jouer la bébé renarde dans la première scène, comme cela se fait parfois, mais dans cette production, le rôle est tenu par une petite fille. La temporalité animale de sa vie est rythmée par des sentiments très humains. En deux pages, je tombe amoureuse du renard, nous faisons l’amour, je tombe enceinte, et je donne naissance à une flopée d’enfants.

     

    La petite renarde est-elle comparable à un autre rôle de votre répertoire ?

    Son caractère enjoué me rappelle Gretel, que j’ai chantée il y a deux ans à Glyndebourne dans une production éminemment ludique de Laurent Pelly. Je jouais le rôle d’une petite fille, et je retrouve ici la même énergie positive, cette joie de sauter et de courir dans tous les sens qui me plaisent tant. Les personnages ne se ressemblent pas, mais cette liberté propre à l’enfance comme à la nature les rapproche.

     

    Comment conciliez-vous cette liberté avec les difficultés de la partition ?

    Le rĂ´le que je chante est toujours celui que je prĂ©fère. J’ai besoin d’éprouver ce sentiment pour l’interprĂ©ter. Avec Norina, que j’ai abordĂ©e il y a quelques mois, le coup de foudre a Ă©tĂ© immĂ©diat. Avec la petite renarde, il m’a fallu bien plus de temps pour en arriver lĂ , alors que Janáček s’inspire du folklore et de la langue parlĂ©e, et que j’aurais dĂ» en principe me sentir chez moi.

    À présent que j’ai bien assimilé la partition, je prends beaucoup de plaisir à chanter pour la première fois dans ma langue maternelle, à pouvoir jouer avec les mots. Lorsqu’il vient voir cet opéra, le public devrait connaître un peu l’histoire, mais surtout la musique, qui n’est pas facile à apprécier dès la première écoute.

     

    Vous avez étudié au Conservatoire de Lyon, ce qui peut paraître paradoxal dans la mesure où beaucoup de chanteurs français vont se perfectionner à l’étranger.

    Je ne voulais pas changer de technique, ni même apprendre quoi que ce soit de nouveau, simplement avoir une image différente de l’enseignement. Je ne suis restée à Lyon que pendant un semestre universitaire, de novembre à janvier, avec trois semaines de vacances, chez moi en Slovaquie, pour les fêtes de Noël. Une période très brève donc, mais une bonne expérience pour moi.

     

    Qu’est-ce qui vous a amenée à l’opéra ?

    La fatalité ! J’ai mis les pieds à l’opéra pour la première fois à l’âge de 22 ans, et n’ai commencé à chanter qu’après avoir terminé ma formation d’enseignante, un an plus tard. J’ai frappé à la porte de l’école de musique et j’ai demandé si je pouvais chanter. En Slovaquie, la pop, la comédie musicale, ou le jazz ne sont pas enseignés. Je n’avais donc pas d’autre choix que le classique. Petit à petit, on m’a suggéré que je pourrais devenir professionnelle. Je suis donc allée au conservatoire, puis à l’université, et j’ai fini mes études à 28 ans.

     

    Comment a débuté votre carrière internationale ?

    À peine refermée la porte de l’université, j’ai gagné le premier prix, ainsi que cinq autres récompenses, au Concours Belvedere à Vienne, et ma vie a changé du jour au lendemain. Du Théâtre national de Bratislava, où j’avais chanté Morgana dans Alcina durant mes études, j’ai été propulsée au festival de Salzbourg. Puis à la Scala, Glyndebourne, Munich...

     

    N’était-ce pas intimidant que de voir s’ouvrir si rapidement les portes des théâtres les plus prestigieux ?

    Pour ma première production internationale, la Finta giardiniera de Mozart à Salzbourg, je me suis retrouvée face à Ivor Bolton et une pléiade de chanteurs connus. J’étais très surprise de ce qui se passait, et je prenais les choses un peu à la légère. Je ricanais en permanence, ce qui a engendré un début de conflit avec Doris Dörrie, la metteuse en scène.

    Je chantais Serpetta, que je m’étais imaginée comme une petite jeune femme charmante, soit exactement l’inverse de la fille impolie, arrogante, couverte de tatouages et de piercings que voulait Dörrie. Je ne voulais pas croire pas que ce personnage s’accordât avec une musique aussi belle. Mais elle a fini par obtenir que je roule des mécaniques en ruminant du chewing-gum. À force de larmes. J’ai compris qui était le patron, et n’ai plus pleuré depuis.

     

    Et lorsqu’enfin vous avez pris part à une production traditionnelle, vous vous êtes ennuyée…

    Je n’ai jusqu’à présent participé qu’à une seule vraie production traditionnelle, Don Pasquale à Dallas, dans une mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle. J’avais une jolie robe, une énorme perruque. J’y ai pris d’autant plus de plaisir que l’expérience est devenue très inhabituelle.

     

    Vous êtes-vous habituée à la vie de valises des chanteurs lyriques ?

    Je rentre à Bratislava pour voir ma famille et mes amis dès que j’ai quelques jours de repos. Et pourtant, j’aime ces rencontres toujours nouvelles, je crois dans ces énergies positives. Mes collègues sont en général de bonne compagnie. Car nous sommes tous sur le même bateau. Nous essayons donc de créer une bonne atmosphère. Ce qui ne m’empêche pas, parfois, de me sentir très seule.

     

    Votre vocation tardive a-t-elle été un avantage, notamment face à des chefs dont vous ne mesuriez peut-être pas le prestige ?

    Certains de mes collègues de conservatoire, qui chantent depuis l’âge de 14 ans, ont fait tellement d’effort pour réaliser leur rêve qu’ils se retrouvent tétanisés à l’idée de chanter devant tel ou tel grand chef. Lorsque j’ai commencé le chant, j’avais déjà le sens des réalités. J’ai bien conscience de l’importance, parfois même du génie de ces musiciens, mais pour moi qui ne viens pas de ce monde, ce sont aussi des êtres humains comme tout le monde.

     

    Qui vous a le plus appris, les chefs, les metteurs en scène, vos partenaires ?

    J’ai tout absorbé comme une éponge. Le public, qui a payé pour écouter des professionnels, n’a pas à subir le manque d’expérience d’une débutante à peine sortie de l’université. J’ai eu la chance d’être entourée dès le début par les meilleurs chefs, metteurs en scènes et collègues. C’est la meilleure école une fois achevé l’apprentissage académique.

    Après Ivor Bolton à Salzbourg, j’ai chanté à la Scala sous la direction de Christopher Hogwood, puis j’ai rencontré Riccardo Muti. J’ai été très impressionnée par le sens du détail de Nikolaus Harnoncourt, avec qui j’ai abordé Ann Trulove du Rake’s Progress de Stravinski. J’ai également beaucoup appris avec Vladimir Jurowski à Glyndebourne. Ma vie professionnelle est une source d’inspiration constante.




    À voir :

    La Petite Renarde rusĂ©e de Janáček, direction : Michael Schønwandt, mise en scène : AndrĂ© Engel, OpĂ©ra Bastille, du 25 juin au 12 juillet.

     

    Le 14/06/2010
    Mehdi MAHDAVI


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