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ENTRETIENS 26 avril 2024

Michel Plasson, l'Astérix de la baguette
© Capitole de Toulouse

Cela fait plus de trois décennies que Michel Plasson a élevé la ville de Toulouse au rang de capitale musicale des Gaules. Le renouveau de l'Orchestre du Capitole ? C'est à lui qu'on le doit. La défense du patrimoine musical de l'Hexagone ? Il en est l'incontestable chevalier, portant la bonne note française bien au-delà des limites de notre pays.

 

Le 04/07/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • VĂ©hĂ©ment, passionnĂ©, le chef français se bat aujourd'hui comme un diable pour que son " instrument " toulousain trouve de nouveaux moyens, afin de mieux assurer le rayonnement de la culture française. Après le Théâtre du Châtelet, qui l'a vu triompher dans Louise de Charpentier et Hamlet de Thomas, Michel Plasson sera au Théâtre antique d'Orange pour Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach, dans une mise en scène de JĂ©rĂ´me Savary, les 12 et 15 juillet.

     
    Vous avez tout récemment présenté Louise de Charpentier et Hamlet de Thomas au Châtelet, avec vos troupes toulousaines. Avez-vous le sentiment que ce répertoire, si longtemps décrié, corresponde aujourd'hui à de nouvelles attentes d'un public plus curieux et plus ouvert qu'il ne l'était il y a un peu ?

    Depuis quelques années déjà, je vois poindre distinctement un désir pour la musique française très clairement balisé dans l'âme des Français. Une double raison en est à l'origine, selon moi : une envie de musique nationale de plus en plus accrue et une volonté de calmer une sorte de sentiment de frustration né de la privation de ces musiques pendant trop longtemps, d'autant que l'étendue des répertoires hexagonaux possèdent une diversité de couleurs incomparable.
    Dommage que subsiste encore ce vieux syndrome national, qui veut que les Français défendent moins leur musique que leur littérature ou leur peinture. Heureusement, les compositeurs auront toujours le droit, tôt ou tard, à une gloire posthume ; c'est le sens que j'ai voulu donner à ma vie de musicien.

     
    Que répondriez-vous à ceux qui continuent de penser que ces partitions sont d'une telle désuétude qu'elles ne méritent pas vraiment d'être inscrites aujourd'hui à l'affiche de nos théâtres ?

    Ce qui est grave, ce n'est pas tant le désamour d'une esthétique que la méconnaissance que l'on peut en avoir, et c'est en général le cas avec les Français. Je vous le concède : si Louise est un pur chef-d'oeuvre, Hamlet ne possède pas une même profondeur, une même densité musicale et dramatique. Et c'est là que l'on s'aperçoit véritablement de l'importance que revêt l'interprète. Avec une Dessay, un Hampson, que de partitions ainsi exhumées, à la grande joie d'un public qui n'aurait sans doute attaché que peu d'intérêt à ces partitions si elles n'étaient servies par de si brillants " passeurs d'émotion " !

     
    A vous entendre, on serait presque tenté de penser que ces " sauvetages patrimoniaux " tiennent sur les seules épaules des interprètes, quelle que soit la valeur intrinsèque des ouvrages


    J'irais même plus loin : les interprètes ont vraiment droit de vie ou de mort sur une oeuvre. Vous savez, lorsque la musique semble ennuyeuse à nos oreilles, ce n'est jamais la faute du compositeur, mais de ceux qui sont chargés d'en propager le message. Et si l'ennui gagne l'auditeur, c'est que les interprètes sont souvent gagnés par la paresse ou la simple démotivation.

     
    Exhumer et défendre la richesse musicale de notre pays, est-ce une vocation musicale personnelle ou un simple acte de citoyen éclairé ?

    Les deux à la fois. J'aime mon pays, que j'ai choisi de ne jamais déserter, pour le meilleur et pour le pire : pour ses trésors artistiques insoupçonnés, et pour m'opposer quotidiennement à cet espèce de " masochisme culturel national " qui pousse souvent nos compatriotes à n'avoir aucune estime, aucune fierté, à l'égard d'un " bien culturel " qui appartient pourtant à chacun d'eux. Et puis, c'est vrai, disons-le, j'ai aussi parfois l'impression que l'on s'oriente vers des voies musicales qui ne sont pas les meilleures.

     
    A quoi songez-vous ?

    A beaucoup de choses Ă  la fois. Il y a de mauvais bergers partout. Je ne peux vous en dire davantage.

     
    Outre la musique française, la grande aventure de votre vie reste l'Orchestre du Capitole de Toulouse que vous avez pour ainsi dire façonné. En quoi cette phalange incarne-t-elle le renouveau de la vie symphonique française?

    Quant vous demandez à un mélomane étranger l'orchestre français qui, selon lui, stigmatise au mieux les valeurs artistiques hexagonales, vous avez 9 chances sur 10 pour qu'il vous réponde l'Orchestre du Capitole de Toulouse. C'est là le résultat d'un patient travail que je mène à Toulouse depuis la fin 1968. A cette époque, l'Orchestre du Capitole ne comportait qu'une soixantaine de musiciens dans ses rangs, et sa seule vocation était d'assurer les services lyriques de la ville rose. La qualité musicale était à ce point moyenne, pour ne pas dire mauvaise, que les responsables locaux avaient souhaité que la fosse du Capitole soit recouverte. Ainsi, selon eux, le public ne serait pas dérangé par le bruit de l'orchestre ! Bien sûr, en trente ans, les choses ont évolué, avec un immense développement quantitatif et qualitatif de la formation. J'en suis fier, même si tout est loin d'être à la hauteur de ma réelle ambition pour Toulouse.

     
    De quels nouveaux moyens votre orchestre devrait-il disposer ?

    Avant tout, il faudrait redéfinir l'aménagement des services lyriques inscrits au cahier des charges, car l'orchestre ne peut assurer tous les services. La solution lyonnaise, où l'Opéra Nouvel, dispose de sa propre formation est bien sûr séduisante, mais irréalisable à Toulouse, hélas, eu égard aux ressources budgétaires dont la ville dispose. Il est important aussi que l'Orchestre du Capitole ait enfin une infrastructure en corrélation avec son rayonnement : en ce sens, l'augmentation du nombre de musiciens s'avère impérative, tout comme l'élargissement de la structure administrative, aujourd'hui trop limitée. Voyez-vous, mon orchestre fait l'objet de nombreuses sollicitations un peu partout dans le monde. Quelle frustration de ne pouvoir satisfaire la plupart des propositions qui nous sont faites ! C'est comme imaginer une bonne équipe de foot française qui ne jouerait qu'à domicile.

     
    Avez-vous mis vos tutelles au pied du mur ?

    Je ne souhaite exercer aucune sorte de chantage, mais j'espère que la conscience de nos élus vaincra des enjeux strictement politiques qui font que la musique en France n'est souvent qu'un argument, qu'un outil de communication comme un autre.

     
    Je crois savoir que vous avez un projet dans le domaine de l'enseignement musical


    En effet, j'envisage sérieusement la création d'une Académie de musique et d'opéra, ouverte aux musiciens du monde entier, qui viendraient y apprendre les " usages et subtilités " de la musique française. J'imagine cette institution à Toulouse bien sûr, avec ce qu'il convient d'appeler mon " instrument ", que je travaille depuis plus de trente ans.

     


    Repères discographiques :

    - Les Symphonies d'Albéric Magnard
    -Padmâvati d'Albert Roussel (Horne/Gedda/Van Dam/Dale)
    - Mors et Vita de Charles Gounod (Hendricks/Denize/Aler)
    Toutes références parues chez EMI avec l'Orchestre du Capitole de Toulouse

     

    Le 04/07/2000
    Propos recueillis par Stéphane HAIK


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