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ENTRETIENS 26 avril 2024

Nadine Denize ou le plaisir de chanter

Le grand mezzo français Nadine Denize, qui vient d’être Madame Larina dans Eugène Onéguine à l’Opéra Bastille, chantera Mahler et une création de Dufourt à l’Auditorium d’Orsay le samedi 27 novembre. Après des années de triomphe de New York à Milan, de Berlin à Vienne et Paris, c’est toujours la même joie de chanter mais aussi d’enseigner.
 

Le 22/11/2010
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • On vous a retrouvĂ©e avec grand plaisir en Madame Larina dans Eugène OnĂ©guine Ă  l’OpĂ©ra de Paris en dĂ©but de saison, mais on ne vous pas entendue souvent en France ces derniers temps.

    J’ai en effet surtout chanté ces trois dernières années en Allemagne, en particulier à Dusseldorf, opéra que dirigeait Tobias Richter qui vient de prendre la tête du Grand Théâtre de Genève. J’y ai notamment interprété Gertrude dans Hamlet d’Ambroise Thomas et la Geneviève du Pelléas et Mélisande de Debussy dans une mise en scène de Christoph Nel qui avait signé un remarquable Belsazar de Haendel au Festival d’Aix-en-Provence en 2008.

    Dans Pelléas, Je l’ai trouvé absolument génial. Il ne parle pas du tout français, mais a eu beaucoup d’idées nouvelles. Geneviève, par exemple, était en scène du début jusqu’à la fin. Pour une fois, le personnage existait réellement sur le plan dramatique. Le père aussi était présent, incarné par un comédien. Nous assistions à toute l’action, en réagissant. C’était en quelque sorte une mise en scène double, à deux niveaux.

    J’ai aussi beaucoup chantĂ© Ă  Genève, oĂą Jean-Marie Blanchard a Ă©tĂ© d’une grande fidĂ©litĂ©. J’y ai fait les Janáček comme Kabanicha dans Kátia Kabanová, Gertrude dans Hamlet, le rĂ´le de la mère dans Hänsel et Gretel de Humperdinck, que j’espĂ©rais un peu reprendre Ă  Paris. Cela dit, j’ai Ă©tĂ© très heureuse qu’on me propose Madame Larina.

    Ce n’est pas un rôle facile car il comporte beaucoup de petites interventions ponctuelles et que l’on n’a pas vraiment le temps de s’insérer dans l’action. Mais quelle belle distribution, avec Guryakova qui est magnifique autant comme chanteuse que comme actrice et Tézier, absolument splendide aussi. Bref, j’ai toujours autant de plaisir à chanter, ma voix est en bon état et je me sens pleine d’énergie !

     

    Pour ce concert parisien à l’Auditorium du musée d’Orsay, vous allez chanter Mahler et une création d’Hugues Dufourt.

    C’est un concert organisé dans le cadre de l’Année Chopin et d’un Colloque sur l’Héritage de Chopin de 1831 à nos jours. Je serai accompagnée par le pianiste Maciej Pikulski. Il y aura les Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler et trois mélodies de Dufourt sur des poèmes de contemporains de Chopin, en français, en allemand et en polonais.

    Le polonais est très difficile à chanter, c’est même sans doute la langue la plus difficile. J’ai chanté en tchèque, en hongrois, en russe, mais c’est vraiment le polonais le plus dur. Dufourt a d’ailleurs eu besoin d’un interprète pour lui indiquer les accents qui sont indispensables à la composition de la mélodie. C’est la première fois qu’il compose pour la voix. Ses œuvres symphoniques sont très belles, écrites sur une base de facture classique. Je me réjouis beaucoup de créer ses premières pages lyriques.

    Je n’ai pas l’appréhension que j’ai eue à Genève pour une œuvre de Jacques Lenot composée à l’ordinateur… J’avais heureusement eu la partition une année à l’avance ! Si j’ai beaucoup chanté les grands rôles de mezzo du répertoire traditionnel, Brangäne, Eboli, Kundry, Carmen, Marguerite de la Damnation de Faust et bien d’autres, je suis très concernée aussi par la création contemporaine.

     

    Donnez-vous beaucoup de récitals ?

    Oui, notamment en Belgique, puisque j’enseigne au Conservatoire de Bruxelles. J’y ai chanté récemment les Sieben frühen Lieder de Berg. Je me suis régalée. J’ai aussi chanté des Mahler, des Berlioz. La Belgique est très accueillante, plus que la France. Chez nous, un chanteur français est toujours un peu suspect.

     

    L’enseignement est-il devenu primordial pour vous ?

    J’y suis venue presque par hasard. Je chantais Ariane et Barbe-Bleue à Turin, avec un collègue belge, Marcel Vanaud qui dirige le département lyrique du Conservatoire de Bruxelles. Il m’a proposé de venir faire une masterclass. Ce que j’ai accepté, pour les élèves de trois classes. Il s’est produit une sorte de coup de foudre avec eux et comme un poste se libérait, ces élèves ont fait une pétition pour exprimer leur volonté que ce soit moi qui prenne ce poste.

    Cela m’a fait un immense plaisir et j’ai été merveilleusement accueillie car ce sont des gens très généreux, très chaleureux. À une heure vingt de Paris, c’est presque la grande banlieue. Il y a beaucoup d’associations très dynamiques. J’ai d’excellents élèves, deux notamment, qui sont déjà entrés dans la vie professionnelle. C’est une relation qui me plait beaucoup.

    Il y a en Belgique plein de possibilités pour les jeunes. Même quand ils sont encore au Conservatoire, ils ont continuellement des spectacles, des concerts où ils testent leurs possibilités musicales et théâtrales. Je donne aussi des masterclasses et des leçons particulières.

    J’ai un jeune ténor italien de vingt-cinq ans qui a une voix superbe et qui est déjà engagé un peu partout dans les grands théâtres européens, en Italie notamment, mais dont personne n’a encore voulu en France… On lui a reproché de chanter avec trop de passion.

    En fait, on manque surtout de grands décideurs qui osent prendre des risques sur les jeunes et qui savent ce que peut devenir l’évolution d’une voix et d’une carrière. Nicolas Joel est l’un des rares à l’avoir fait pendant ses années de direction à Toulouse.

     

    Vous avez chanté le grand répertoire le plus lourd, notamment wagnérien, sur les plus grandes scènes du monde. Comment voyez-vous la situation aujourd’hui en ce domaine ?

    On revient à une situation plus normale. Nous avons vécu une période assez inquiétante où l’on distribuait les rôles lourds, wagnériens notamment, à des voix trop légères, non faites pour s’imposer à ce type d’orchestration. C’est en train de changer. Sans qu’on ait pour autant à nouveau des voix comme celles de l’époque Rysanek par exemple, il y a quelques personnalités de premier plan qui ont émergé en Allemagne, comme Jonas Kaufmann.

    Je regrette néanmoins que la plupart des mezzos aient des timbres très clairs. C’est sans doute chez les Russes que l’on trouve les voix les plus corsées. Sophie Koch a une très belle voix et c’est une belle musicienne. Elle est splendide dans le Compositeur d’Ariane à Naxos, mais c’est un rôle où s’illustrèrent surtout des sopranos, comme jadis Irmgard Seefried.

    Charlotte de Werther est aussi un rôle où triomphèrent Jane Rhodes et Régine Crespin qui étaient sopranos. La plupart des voix actuelles dans ce répertoire dramatique sont belles, bien travaillées, mais manque de poids, de chair.

     

    Quels sont, jusqu’à présent, vos plus beaux souvenirs ?

    Il y en a beaucoup ! Ceux de la Scala, bien sûr, et puis Kundry, que l’on m’a demandée à 11h du matin pour le soir. Je ne l’avais jamais chantée et la connaissais seulement pour l’avoir entendue aux répétitions puisque je chantais une des Filles-fleurs ! Un coup de poker réussi !

    Fricka à Orange, avec Rudolf Kempe, Birgit Nilsson et Theo Adam fut aussi un moment exceptionnel. Et puis forcément Brangäne que j’ai eu la chance de chanter avec certaines des plus grandes Isolde du XXe siècle. Mais je ne suis pas du tout passéiste et prends un plaisir énorme aux rôles que je fais aujourd’hui, comme Clytemnestre dans Elektra ou la Comtesse dans la Dame de Pique, car je peux aussi y exploiter mon expérience théâtrale.



    À voir :
    Concert Mahler Dufourt à l’Auditorium du musée d’Orsay, Paris, le samedi 27 novembre.

     

    Le 22/11/2010
    GĂ©rard MANNONI


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