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ENTRETIENS 29 mars 2024

Gérard Caussé : un contemporain lucide

En une petite dizaine d'années, l'alto a su trouver sa place dans le paysage musical, aussi bien dans l'enseignement que dans la création. Gérard Caussé est de ceux à qui le " vilain petit canard " des cordes doit ses nouvelles lettres de noblesse.
 

Le 14/07/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • Le 10 aoĂ»t prochain, dans le cadre du Festival du PĂ©rigord noir, vous allez crĂ©er In Nomine de Pascal Dusapin, une pièce Ă©crite en hommage Ă  Bach. Quelles sont les grandes caractĂ©ristiques de cette partition ?

    La forme est, pour ainsi dire, traditionnelle ; trois mouvements constituent In Nomine : un mouvement central d'une très grande lenteur entouré d'un premier mouvement caractérisé par le jeu de contrastes et un ultime mouvement rapide qui se distingue par sa grande diversité rythmique. Si, dans l'écriture de cette pièce, l'auditeur trouve de longs passages fugués, hommage à Bach oblige, il observera que la personnalité de Dusapin reste intacte, que cette musique-là conserve la fameuse pulsation rythmique infaillible et irréversible dont il s'est fait le champion.

     
    Vous êtes sans doute l'instrumentiste français le plus authentiquement passionné par la musique d'aujourd'hui, au regard du nombre impressionnant de partitions dont vous avez assuré les créations. D'où vous vient cet intérêt ?

    Aussi loin que je remonte dans le temps, j'ai toujours aimé me poser des questions relatives à ce que sont les volontés profondes et premières des compositeurs. Déjà, tout jeune, altiste du Quatuor Parrenin, les interrogations fusaient : quel sens Schubert a-t-il voulu donner à telle nuance ? Quel poids réel doit-on apporter à telle indication métronomique chez Beethoven ? Le problème est que, quel que soit l'effort musicologique auquel on peut se livrer, jamais la certitude ne pourra exister. La situation est très frustrante pour tout musicien épris de vérité pour les partitions d'autrefois ; c'est en ce sens que la création est une bouffée d'air frais permanent pour des musiciens à l'esprit curieux cherchant à renouer, d'une manière ou d'une autre, avec un processus musical dont l'évolution et l'articulation sont irréfutables. Avec la musique contemporaine, nous sommes servis ! Côtoyer un compositeur, qui voit ainsi naître sa partition sous vos doigts, c'est une chance inestimable : une " courroie de transmission " naturelle et inespérée. C'est vrai, cette association compositeur/interprète, aussi belle soit-elle, a un prix : celui de la sincérité du sentiment, de la pudeur, de la modestie à l'égard du créateur.

     
    Il n'en demeure pas moins que le public reste encore assez réfractaire à la musique contemporaine.

    Difficile de le nier. Quoi qu'il en soit, le public vraiment amoureux des sons, en général attaché aux valeurs baroques, classiques ou romantiques, n'est pas sans montrer de la curiosité à l'égard de la musique d'aujourd'hui, dès lors que les partitions nouvelles sont intégrées dans un programme aux " saveurs connues ". Si l'on veut séduire cette frange du public, il faut savoir concéder du terrain, même si cette solution n'a rien d'idéal, loin s'en faut.

     
    Avec sa rondeur, l'alto n'est-il pas justement l'instrument idoine pour drainer ces mélomanes vers la musique de notre temps ?

    Les choses sont souvent plus simples qu'on l'imagine : ce qui fait fuir les gens, c'est " l'agressivité sonore " permanente. Aux interprètes de savoir doser leur jeu instrumental. En ce sens, la chaleur naturelle du timbre de l'alto est un frein à cette " explosion continue ", même si Berio a poussé l'instrument dans ses derniers retranchements. Et puis, l'alto a été trop longtemps tenu à l'écart de la création pour que l'on ne puise pas en lui tout un pan de nouvelles ressources sonores.

     
    La longue marginalisation de l'alto dans notre pays n'était-elle pas aussi liée à une absence d'ambitions pédagogiques réelles ?

    Vous savez, toute méthode d'enseignement n'est souvent que le reflet d'un paysage social donné. À l'époque de Maurice Vieux et de Léon Pascal, disons jusqu'à la fin des années soixante, l'alto était considéré comme un instrument de seconde zone, un vague instrument de fosse. Dans ces conditions, il était impossible pour des enseignants confinés dans leur strict rôle de pédagogue, sans ouverture vers le monde musical dans sa plus large diversité, de transmettre un savoir empirique. En quelques années, tout a changé : l'alto n'est plus un instrument choisi par défaut, et les élèves savent ce qu'ils veulent. Les complexes de l'altiste n'existent donc plus. C'est vraiment de l'histoire ancienne.

     
    Pour un jeune, vouloir être altiste, n'est-ce pas accepter d'emblée de n'être jamais soliste, compte tenu de la raréfaction du répertoire ?

    Ce n'est pas tant un problème d'étendue du répertoire qu'un manque d'intérêt des organisateurs : pour 10 violonistes invités au cours d'une saison, 2 altistes seulement. Si je propose une romance de Max Bruch, j'ai le sentiment que cela n'intéressera pas beaucoup les patrons de salle. Par contre, une pièce nouvelle, cela éveille presque toujours la curiosité des décideurs. Une réaction inverse de celle de ce public dont nous parlions. En tout cas, voilà encore une nouvelle raison de défendre la musique contemporaine.

     
    Au sein de l'orchestre, la " position sociale " de l'altiste a, elle aussi, évolué.

    Il aura fallu tout de même qu'une génération prenne le temps d'en " bâtir " une autre, soit une bonne dizaine d'années avant le déclic tant attendu (sourires). Mais n'oublions pas un autre paramètre : la " physionomie " de l'orchestre s'est, elle aussi, dans le même temps, modifiée ; ce qui est désormais recherché par la plupart des chefs, ce n'est plus ce que j'appellerais les " crêtes sonores ", cette espèce de brillance permanente, mais bel et bien la rondeur, la cohérence de groupe. Ce n'est donc pas un hasard si des instruments comme le cor anglais, le basson et l'alto, dans son rôle médian du quatuor, apparaissent comme des fédérateurs !

     
    Attirer de nouveaux publics est l'une de vos priorités. Il y a quelques mois, vous me disiez être prêt à ce que l'on " désacralise " le rituel du concert classique. Ne sont-ce pas des concessions à la pure démagogie ?

    Mon avis n'est plus le même, car je me suis aperçu que, quelle que soit la forme, le terme " musique classique " serait toujours bien présent, ce qui risque de faire fuir toujours autant les âmes hésitantes. C'est, en effet, de la démagogie qui n'apporterait pas grand-chose. Ce qui importe vraiment, c'est l'éducation des plus jeunes, l'acquisition de " rituels culturels " conscients ou inconscients.
    D'autre part, je crois beaucoup au mélange des genres musicaux, sans condescendance pour aucun d'entre eux. Les musiciens classiques devraient aller davantage vers les gens de la variété, je le crois sincèrement. Nous ne pouvons pas toujours être des opposants qui se plaignent de leur marginalité. Apprenons donc à fréquenter les courants dominants de la musique : c'est dans ce sens que les choses devraient se passer.

     


    Repères discographiques

    - Berlioz : Harold en Italie - Orchestre du Capitole de Toulouse, Michel Plasson (EMI)
    - Brahms : Quintette à cordes n° 2 - Quatuor Melos (Harmonia Mundi)
    - Pendleton : Concerto pour alto - Ensemble Audoli (Arion)

    Gérard Caussé en concert cet été

    -29 Juillet au Festival de Sceaux
    -2 Août à Pionsat (Puy de Dôme)
    -4 Août à Loire (Rhône-Alpes)
    -10,12,13 Août en Périgord Noir
    -11 Août à St Robert en Limousin
    -26 Août à La Côte St André (Isère)

     

    Le 14/07/2000
    Stéphane HAIK


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