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ENTRETIENS 20 avril 2024

Nina Stemme, enfin !
© Tanja Niemann

Timbre magmatique, Nina Stemme darde son inépuisable métal avec la sérénité marmoréenne de la wagnérienne absolue, Kirsten Flagstad. Isolde, Brünnhilde forgées pour la légende, c’est en Elisabeth de Tannhäuser que la soprano suédoise fait enfin ses débuts à l’Opéra de Paris, dans la reprise de la mise en scène de Robert Carsen.
 

Le 05/10/2011
Propos recueillis par Mehdi MAHDAVI
 



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  • Avec cette reprise de Tannhäuser, vous dĂ©butez enfin Ă  l’OpĂ©ra de Paris.

    J’ai eu la joie de chanter sur la scène de l’Opéra Bastille en 1993, pour le concert des lauréats du premier concours Operalia de Plácido Domingo, dont la finale avait eu lieu au Palais Garnier. Revenir ici et chanter Dich, teure Halle revêt donc une signification très particulière pour moi. C’est pourquoi j’ai pu attendre si longtemps. Je suis très impatiente de ces débuts.

     

    À regarder vos futurs engagements, il semble qu’Elisabeth soit votre rôle le plus léger.

    Avec la Maréchale du Chevalier du rose. Même Tosca me paraît presque légère désormais. Ma voix a changé depuis ma première Elisabeth à Anvers en 1997, et je dois atteindre la pureté du personnage par de nouveaux moyens, ce qui n’est pas sans difficulté. Dans ce rôle magnifique, ma préférence va aujourd’hui à une voix plus lyrique.

    L’écueil vient justement de ce qu’il n’est pas si délicat à chanter. Le première air est à la fois une délivrance et une mise à nu. Et la prière, si pleine de désespoir, crée un monde musical à part, avec la clarinette basse. Elle requiert autant de discipline que de pouvoir émotionnel. J’ai essayé de garder Elisabeth à mon répertoire aussi longtemps que possible, mais peut-être est-ce la dernière fois que je l’interprète, du moins à la scène ?

     

    Elisabeth est pure, mais aussi très forte, lorsqu’elle prend seule contre tous la défense de Tannhäuser.

    Le duo avec Tannhäuser, qui est vraiment lyrique, et comme surgi d’un opéra de Meyerbeer ou de Bellini, est complètement différent du reste du rôle. Qu’une personne aussi pure et inexpérimentée puisse défendre ce en quoi elle croit vraiment est très intéressant.

     

    Cela la conduit à se sacrifier pour l’homme qu’elle aime.

    Dans le contexte de cette production, c’est aussi l’amour de son art, de ce que cet homme représente en tant qu’artiste, et qu’elle perçoit avant tout le monde. Robert Carsen n’aime pas montrer la mort sur scène, et il ne s’agit pas tant de se sacrifier que de permettre à Tannhäuser de développer et de dévoiler sa création pour accéder à la célébrité, comme tant d’autres artistes avant lui. Elle et Vénus se révèlent les deux faces d’un même amour : elles sont l’inspiration de l’artiste. Mais il n’en était pas encore conscient.

     

    Parvenez-vous, notamment depuis que vous chantez Brünnhilde, à maintenir un équilibre entre les répertoires allemand et italien ?

    Je suis de plus en plus prudente dans le choix de mes rôles italiens, à quelques exceptions près. Je ne veux garder à mon répertoire que les meilleurs. C’est très sain lorsque je m’intéresse aux productions. Mais les mises en scène d’opéras italiens sont souvent dépassées du point de vue de la direction d’acteurs. Je souhaite travailler plus en profondeur sur la musique et le théâtre. Je vais chanter cette saison ma première Fanciulla del West, et reprendre Tosca après treize ou quatorze ans. Mon expérience du répertoire italien nourrit mes rôles allemands.

     

    Quand avez-vous su que vous étiez prête pour Brünnhilde, que vous chantez à présent partout dans le monde ?

    Ou presque ! Mais c’est le moment de le faire, car un rôle comme celui-ci est si exigeant qu’on ne peut le chanter que durant un temps limité. J’ai toujours voulu aborder Brünnhilde par Siegfried, et lorsque l’opportunité s’est présentée, j’ai réalisé à quel point elle était différente d’Isolde.

    Cette dernière peut se satisfaire d’un soprano lyrico-dramatique, mais dans Siegfried déjà, Brünnhilde requiert autre chose, ce qui a légèrement changé ma voix. J’ai dû lutter un peu pour conquérir la Walkyrie, que j’ai abordée trois ans plus tard. En comparaison, la tessiture de Crépuscule des dieux paraît assez centrale, ce à quoi je ne m’attendais pas au début. En somme, il est impossible de savoir avant d’avoir chanté le rôle.

     

    Que vous apportent les grands chefs avec lesquels vous travaillez ?

    Je n’ai pas l’habitude de l’exprimer par des mots. Ce sont, chez Claudio Abbado, la subtilité et la décontraction. Il n’est jamais ennuyeux de chanter sous la direction de Daniel Barenboïm. Donald Runnicles est parfait pour le répertoire wagnérien. Enregistrer Tristan et Isolde avec Antonio Pappano a été une expérience fantastique. Hormis Tristan à Londres, je n’ai fait que quelques concerts avec lui, et il est merveilleux. Il est toujours intéressant de voir la rapidité avec laquelle ces chefs réagissent.

     

    Comment adaptez-vous votre conception des rôles aux univers de metteurs en scènes tels que Christoph Marthaler ou Christof Loy ?

    Ma façon de jouer est toujours fortement influencée par les décors et les costumes. Avant d’aller à Bayreuth répéter avec Marthaler, j’avais vu deux ou trois spectacles de lui, car je tiens à être préparée au langage scénique utilisé par les metteurs en scène. Il me semblait qu’il n’y avait pas d’autre façon d’interpréter Isolde dans ce contexte. À la première répétition, je me suis retrouvée sur scène, dans le décor définitif du premier acte, et nous avons improvisé. Beaucoup de choses en sont restées. Puis Marthaler a ajouté d’autres éléments, et a créé une atmosphère très intéressante.

    Christof Loy s’est inspiré d’Ingmar Bergman, d’un film comme Persona. Nous sommes entrés dans ces deux mondes qu’il voulait décrire, celui du jour et de la nuit, avec l’orchestre comme protagoniste. Nous l’avons fait sans coupure. Mettre Tristan en scène de cette manière demande beaucoup de courage, et de concentration. Certains spectateurs ont eu du mal à rester avec nous, mais ils sont demeurés à la surface.

    J’ai immensément apprécié ce travail au plus près du texte, dont même les Allemands ne comprennent pas toujours ce qu’il signifie. Je collabore avec Christof Loy depuis 2001, et son langage était alors beaucoup plus chargé. Il est intéressant de suivre ces artistes, leur développement. Et Christof est en perpétuelle évolution.

     

    Longtemps, chanter à Bayreuth a été une consécration. Est-ce toujours le cas ?

    Cela reste une expérience à part. Car du fait de la position de la fosse, le son monte d’abord sur scène, puis se mélange avec les voix. Il faut donc s’adapter à ce que l’on entend, et l’impulsion musicale perd en spontanéité. Ces conditions acoustiques n’en permettent pas moins de chanter pianissimo sans jamais être couvert par l’orchestre. En même temps, Bayreuth est devenu un théâtre comme les autres, car Wagner est bien servi partout.

     

    Comment expliquez-vous que la Suède soit aussi féconde en voix dramatiques ?

    À la génération de Berit Lindholm et Caterina Ligendza ont succédé des voix plus lyriques. Il y a présent un renouveau avec notamment Emma Vetter, Iréne Theorin, Katarina Dalayman, la contralto Anna Larsson et moi-même. Est-ce dû à la psyché nordique ? Car ce répertoire demande une grande stabilité. D’aucuns évoquent la pureté de l’air. Nous avons certainement une relation particulière à la nature : elle est tellement vaste, et nous si peu nombreux.

     

    Isolde, Brünnhilde… et après ?

    Telle est la question. Elektra, dans le futur – c’est la réponse la plus évidente. Mais quoi d’autre ? Turandot ? C’est là le bout du chemin. Il me faudra ensuite choisir une nouvelle direction : chanter des rôles de caractère, arrêter, enseigner, ou encore mettre en scène ?




    À voir :
    Tannhäuser de Wagner, direction : Sir Mark Elder, mise en scène : Robert Carsen, Opéra Bastille, du 6 au 29 octobre.

     

    Le 05/10/2011
    Mehdi MAHDAVI


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