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ENTRETIENS 23 avril 2024

Martine Dupuy, le bel canto à la française
© Lelli & Masotti, Teatro alla Scala

Dans l'opéra seria de Rossini elle est incomparable. Après une trop longue absence, Martine Dupuy a retrouvé une scène parisienne dans un rôle inhabituel, la Mère dans Louise de Gustave Charpentier au Châtelet.
 

Le 15/07/2000
Propos recueillis par Michel PAROUTY
 



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  • Le personnage de la Mère, dans Louise, est plutĂ´t ingrat ; comment l'avez-vous conçu ?

    J'ai essayé de le rendre moins caricatural, moins acariâtre. La plupart de ses interprètes en faisaient un être négatif ; j'ai voulu l'approfondir vraiment. Il y a une scène très brève mais qui me paraît essentielle : lorsqu'elle accompagne sa fille à l'atelier, le matin, elle est moins véhémente, on sent en elle de la lassitude et en même temps la volonté de faire la paix avec Louise. Elle la quitte en lui disant seulement : " Au revoir ". J'aimerais que dans ces deux mots on sente tout ce que j'ai voulu y mettre.

     
    Le rĂ´le est court, mais son Ă©criture musicale n'est pas Ă©vidente.

    C'est vrai. C'est une écriture tendue, sans le moindre lyrisme, tout en récitatifs, l'orchestration en est très chargée, y compris sur des notes de passage.

     
    Est-ce pour vous une nouvelle orientation vers de rĂ´les de composition ?

    Absolument pas. Ce n'est pas mon répertoire, c'est vrai, mais si je devais prendre une nouvelle orientation ce ne serait pas celle-là. Je me suis arrêtée pendant deux ans à la suite de problèmes personnels mais ma voix n'a pas changé. Cela dit, le théâtre a beau n'être qu'illusion, je me vois mal, maintenant, incarner Angelina dans Cenerentola.

     
    Quel nouveau rĂ´le souhaiteriez-vous aborder ?

    Sans hésitation, Madame de Croissy dans Dialogues des Carmélites de Poulenc. J'ai souvent chanté Mère Marie, je pourrais encore le refaire, mais la Prieure me fascine. Ce n'est pas une vielle femme, elle n'a que cinquante et un ans (ce qui, à l'époque, était beaucoup), mais elle arrive au bout d'un long cheminement. On me l'a déjà proposée mais je n'étais pas encore prête, je sentais, dans mon personnage, quelques trous que j'ai comblés. Le texte de Bernanos est fabuleux ; je l'ai lu pour la première fois j'avais douze ans, et je le relis tous les ans.

     
    Hormis Mère Marie, et Charlotte de Werther, on vous a peu entendue dans le répertoire français, et pas du tout dans des rôles allemands.

    J'ai chanté des petits rôles wagnériens comme Wellgunde, à Marseille, lorsque j'étais encore au Conservatoire, mais c'est vrai que c'est un domaine dans lequel on ne m'a rien offert. Aujourd'hui, j'aimerais tenter le Compositeur dans Ariane à Naxos de Richard Strauss. Cela dit, j'ai été ravie de servir le chant italien pendant près de trente ans.

     
    Avec quelques incursions dans Mozart.

    Mais le Mozart italien, et fort heureusement dans des personnages ambigus, contrastés, Sesto dans La Clémence de Titus, qui reste mon préféré, Idamante dans Idomeneo, Cecilio de Lucio Silla, dans la mise en scène de Patrice Chéreau. J'ai essayé deux fois le Chérubin des Noces de Figaro, mais ça ne m'allait pas.

     
    Tout comme la Rosina du Barbier de SĂ©ville ?

    Dieu sait pourtant si j'adore Rossini, mais ce personnage qui n'Ă©volue pas pendant deux actes, c'est insupportable. Je l'ai vraiment fait avec des pistolets dans le dos.

     
    Comment vous est venue cette passion pour le bel canto ?

    Elle vient, d'abord, d'un amour profond de l'Italie, dont la première conséquence a été l'étude de la langue à la Faculté des Lettres de Marseille. Je me préparais à devenir traductrice. Je prenais aussi des cours de chant au Conservatoire, avec Francis Dresse, qui a été mon seul professeur, qui m'a non seulement permis de trouver ma place vocale dans l'aigu, mais qui, humainement, m'a donné les meilleurs conseils. À cette époque, il y avait à l'Opéra de Marseille, un directeur artistique, Roland Mancini, qui était fou de bel canto. Il m'a entendue, je suis d'ailleurs entrée dans la troupe de l'Opéra dès 1973, et il m'a conseillé de me présenter au concours Lauri Volpi de Peschiera del Garde, que j'ai remporté en 1975.

     
    Avec quel programme ?

    Le Mariage secret de Cimarosa, le Barbier, Adalgisa de Norma et Roméo des Capuleti de Bellini, qui demeure mon rôle-fétiche. C'est d'ailleurs celui dans lequel j'ai débuté aussitôt après, et qui plus est à Vérone ! Ce fit aussi l'occasion d'une rencontre déterminante pour moi, celle de Rodolfo Celletti. En Italie, il est considéré comme un maître. C'est un juriste, un écrivain, un philosophe, un musicologue, c'est une mine de renseignements sur toute l'époque belcantiste. Son oreille est implacable, et je n'ai jamais accepté un rôle sans en parler auparavant avec lui. Je lui dois tout. Ma carrière repose sur le hasard, mais sur un hasard que j'ai analysé, " cuisiné ", si je puis dire.

     
    Vous avez en même temps bénéficié d'une vogue pour le bel canto.

    C'est un répertoire qui semblait délaissé et qui est redevenu à la mode. Callas avait déjà posé quelques jalons qui ont facilité ce retour, mais il ne faut pas croire que l'opéra commence et finit avec elle. Deux chefs d'orchestre, Thomas Schippers et Richard Bonynge, ont eux aussi beaucoup oeuvré en ce sens. Le grand problème, c'est que tous ces ouvrages que l'on rejouait dans le monde entier, et que j'ai interprétés à New York, à Londres, à Caracas, à Venise, à Naples, à Buenos Aires, à Pesaro, on ne les montait pas en France. Heureusement, j'ai pu chanter Neocles du Siège de Corinthe de Rossini et les Capuleti de Bellini à Marseille, Arsace de Semiramide et Malcolm de La Donna del Lago à Nice, et Neocles à Paris. Au Théâtre des Champs-Elysées, lors de la reprise de Semiramide avec Montserrat Caballé, après les représentations du Festival d'Aix, j'avais été engagée comme doublure de Marilyn Horne, qui reste mon idole.

     
    Comment définiriez-vous le bel canto ?

    Pour les Français, c'est un terme qui désigne l'opéra en général, ce qui est complètement faux. C'est une tradition vocale, qui s'arrête vers 1850, qui exige la souplesse, l'homogénéité des registres, l'égalité de la ligne de chant, la maîtrise technique, mais toujours au service d'une expression, car il ne faut pas perdre de vue qu'on est au service du théâtre, donc d'une intrigue, et donc d'un personnage. Ceci est valable pour tous les répertoires, mais, dans le cas du bel canto, la tradition historique se coule dans le cadre de conventions bien établies, celles d'un air en trois parties, un récitatif, un mouvement lent, qu'on appelle en général cavatine, un mouvement rapide, la cabalette, cette dernière comprenant deux strophes dont la seconde est chantée avec des variations, ce qui permet au personnage de s'extérioriser davantage et au chanteur de montrer sa virtuosité . C'est dans ce cadre bien précis qu'il faut s'exprimer ; la virtuosité en elle-même n'a aucun intérêt.

     
    D'oĂą proviennent les variations que vous employez ?

    Le chef d'orchestre Alberto Zedda m'en a écrit quelques-unes, j'en ai imaginé d'autres, pour Semiramide, par exemple, j'en possède deux séries mais il y en a une que je ne fais jamais en public, c'est trop risqué. Ce qui est sûr, c'est qu'il ne s'agit jamais d'improvisations de dernière minute, car dans ce domaine tout est affaire de contrôle.

     
    Outre le Roméo de Bellini, quels sont vos personnages favoris ?

    J'ai aimé Cenerentola, Arsace, Malcolm, mais par-dessus tout Adalgisa. Elle est simple, tendre, affectueuse, et Pollione trouve en elle tout ce que Norma ne lui offrait pas. On se sent meilleure quand on incarne Adalgisa. J'ai eu aussi beaucoup d'affection pour Ottone dans Adelaide di Borgogna, que j'ai chanté avec Mariella Devia, c'était d'ailleurs son premier rôle rossinien. Et il y a eu Falliero dans Bianca e Falliero ; encore un Rossini, et je pense, comme Marilyn Horne, que pour une mezzo aucun rôle n'est plus redoutable.

     
    Vous avez donné très peu de récitals et on vous a rarement entendu en concert. Ce sont des expériences que vous n'aimez pas ?

    Le récital avec orchestre m'intéresse, je serais très tentée par La Mort de Cléopâtre de Berlioz ou Le Poème de l'amour et de la mer de Chausson.

     
    Et Bach ou Mahler ?

    Pourquoi pas ?

     

    Le 15/07/2000
    Michel PAROUTY


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