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ENTRETIENS 19 avril 2024

Deux directeurs Ă  Miami

Ah, la Floride, ses palmiers, ses plages ! On en oublierait le Florida Grand Opera, dirigé par Robert Heuer. Après trois décennies de loyaux services, le temps de la retraite a pourtant sonné pour son directeur général, qui termine son mandat aux côtés du chef Ramon Tebar. L’occasion de découvrir une institution encore méconnue de ce côté-ci de l'Atlantique.
 

Le 02/04/2012
Propos recueillis par Edouard BRANE
 



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  • Depuis votre arrivĂ©e il y a trente-cinq ans au Grand Florida Opera, quels grands changements avez-vous opĂ©rĂ©s ?

    Robert Heuer : C’est un professeur d’origine italienne qui a fondé la première compagnie juste après la Seconde Guerre mondiale. À mon arrivée, Miami était dépourvu de toute structure… sauf d’une salle d’opéra qui ressemblait alors à une salle polyvalente ! Dans les années 1970, il n’y avait qu’une vingtaine de maisons d’opéra à travers les États-Unis. Aujourd’hui, on en compte plus de 130. Je suis parvenu à créer une véritable institution lyrique dotée d’une salle à elle, l’Adrienne Arsht Center for the performing arts inaugurée en 2006.

    © Gaston de Cardenas

     

    Vous allez prendre votre retraite l’année prochaine, après trente ans passés au Florida Grand Opéra.

    R.H. : Place au sang neuf ! Après plus de trente années passées dans une aussi belle maison, il faut savoir prendre du large. La relève est heureusement assurée avec Ramon Tebar, qui est déjà notre directeur musical, et qui sera rejoint après mon départ par un nouveau directeur général. Quant à moi, j’ai une maison dans les Vosges et souhaite pouvoir en profiter. Je vais enfin pouvoir vivre l’opéra en tant que simple spectateur.

     

    Quels seront vos plus beaux souvenirs ?

    R.H. : Je n’en sais rien, mais les répétitions et les générales vont énormément me manquer. J’ai passé beaucoup de temps dans mon bureau pour trouver des mécènes et m’occuper du marketing. La récompense de ce travail se trouvait toujours sur la scène et dans la fosse d’orchestre. Je suis surtout fier d’avoir fondé notre Atelier lyrique et participé à la construction de notre salle. Avec l’augmentation de la communauté hispanique, un nouveau public prend forme que mon successeur aura la chance de côtoyer.

     

    Depuis votre arrivée, le public de l’Opéra de Miami a-t-il singulièrement changé ?

    R.H : Il était alors très âgé. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de jeunes et vous pouvez aussi bien entendre parler espagnol qu’anglais. Il y a trente ans, Mozart n’était même pas programmé. Aujourd’hui, il est devenu indispensable. J’avais même fait le pari de donner Don Giovanni alors si mal considéré ! C’est dire à quel point les mœurs ont changé en trente ans.

     

    Vous être à l’origine du Young Artist Studio, un atelier lyrique destiné aux nouveaux chanteurs.

    Robert Heuer : Nous l’avons fondé en 1984, soit l’année précédant ma nomination en tant que Directeur Général. Nous formons les jeunes chanteurs avant de leur proposer de monter sur scène. Nous avons chaque année plus de 600 candidatures, 120 sont retenues pour des essais et seulement 7 sont sélectionnés.

    Ramon Tebar : Les jeunes chanteurs intègrent le studio juste après leurs études. Le Young Artist Studio est un pont entre le milieu universitaire et professionnel. Nous enseignons aussi auprès de jeunes pianistes et futurs chefs d’orchestre.

     

    © Alissa Dragun

    Comment avez-vous rencontré votre directeur musical Ramon Tebar ?


    R.H. : Depuis quelques années, l’Opéra de Miami n’avait plus de directeur musical rattaché à la maison. Lors de mes recherches, des proches m’ont conseillé de rencontrer un jeune chef particulièrement talentueux. J’ai donc reçu Ramon Tebar sans même l’avoir entendu diriger auparavant.

    R.T. : J’étais alors chef assistant au sein de l’Orchestre symphonique de Palm Beach. Notre première rencontre date de 2009 et l’année suivante, je dirigeais déjà ici Lucia di Lammermoor.

    R.H. : Ce fut un véritable succès. Notre orchestre a tellement apprécié le travail de Ramon que nous l’avons rappelé pour diriger Turandot. Nous avions trouvé notre nouveau directeur musical.

     

    Comment un chef d’orchestre espagnol se retrouve-t-il à diriger aux États-Unis ?

    R.T. : Ce n’est pas comme si j’avais décidé de venir travailler ici. Je suis tout d’abord passé par Paris à l’École normale, puis par Rome à l’Académie Sainte Cécile. Un professeur m’a alors proposé de venir travailler aux États-Unis. Le rapport qu’entretiennent les Américains envers l’opéra et la musique classique m’a toujours fasciné. Quand ils écoutent une œuvre, ils la découvrent et jubilent. En Europe, on critique avant tout.

    R.H. : Nous aimons aussi créer de nouveaux opéras comme ce fut le cas avec Cyrano de David DiChiera. Une fois la crise passée, nous espérons proposer davantage d’opéras et de créations mondiales. Environ 50% de nos revenus sont issus de la billetterie. Le reste provient de fonds privés. Le gouvernement alloue très peu de subventions à l’inverse des pays européens.

     

    La crise économique ne fut pas sans conséquence pour le Florida Grand Opera.

    R.H. : Nous avons dû réduire le nombre de nos productions de six à quatre. Il en sera de même pour la saison 2012-2013 que nous avons dévoilée en début d’année. Malgré la crise, une donation nous a été accordée afin de monter un opéra en plein air dont l’objectif est de toucher un nouveau public.

    R.T. : Nous souhaitons toucher les plus jeunes. Miami est devenu une ville où plusieurs communautés se rencontrent dont la plus grande est hispano-américaine. La zarzuela Luisa Fernanda de Federico Moreno Torroba programmée en début de saison a ainsi permis de voir apparaître un tout nouveau public. Pour revenir sur la crise économique, plusieurs orchestres américains ont en effet été sévèrement touchés. Cela peut être vu comme un avant-goût de ce qui va se passer en Europe…

    R.H. : Il est à ce titre important de créer un pont entre l’Europe et les États-Unis. Ceci permet de ne pas perdre le fil de l’actualité et des changements qui s’opèrent à travers le monde. Le fait que Ramon soit d’origine espagnole vient confirmer ce rapprochement.

     

    Les institutions lyriques américaines sont-elles en concurrence ?

    R.H. : Quelle maison d’opéra n’est pas en concurrence, surtout avec le Metropolitan Opera de New York ? En Floride, il en existe une petite entre Miami et de Palm Beach. Depuis quelques années, nous coproduisons ensemble quelques opéras. Ce système a été initié par Opera America, organisme qui regroupe les plus grandes salles d’opéras aux États-Unis. La coproduction est devenue indispensable, car les coûts ont particulièrement augmenté.

    R.T. : En revanche, il existe peut-être aujourd’hui encore plus de compétition entre chanteurs et chefs d’orchestre !

     

    Quelle vision de l’opéra avez-vous pour l’avenir ?

    R.T. : En tant que chef d’orchestre, je suis partagé sur l’avenir. Il faut regarder vers le passé quand on regarde vers le futur. L’économie n’est pas rassurante. Je pense qu’il y aura moins d’opéras, mais que les talents seront plus concentrés. Heureusement pour nous, l’institution est suffisamment importante pour survivre. La diffusion des opéras dans les salles de cinéma est une bonne chose, mais a aussi ses limites. Il ne faut pas que cela devienne une habitude et empêche le public d’aller dans une salle d’opéra. À mon avis, l’éducation occupera de même un rôle majeur.

    R.H. : Nous voyons aussi apparaître certaines innovations dans la façon de présenter l’art lyrique. J’ai par exemple assisté à Santa Barbara à un opéra qui se déroulait dans une piscine ! Les diffusions du Met fonctionnent bien, mais il faut voir qui sont les spectateurs. Il reste trop peu de jeunes.

     

    Le 02/04/2012
    Edouard BRANE


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