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ENTRETIENS 26 avril 2024

David Kadouch, travail et lucidité
© Caroline Doutre

Il jouera le Concerto en sol de Ravel et le Concerto de Connesson au Théâtre des Champs-Élysées avec l’Orchestre Lamoureux le 20 janvier avant de se produire à Nice et à Nantes. David Kadouch, formé au CNSM de Paris puis auprès de Bashkirov et de Barenboïm notamment est un brillant représentant d’une nouvelle génération de musiciens français du plus haut niveau.
 

Le 17/01/2013
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Vous avez commencé le piano très tôt et vite basculé vers un parcours professionnel ?

    J’ai cinq ou six ans quand mes parents me mettent au piano, mais sans arrière-pensées. C’est dans la culture de la famille. Tout le monde en fait. Mes parents, cependant, sont stricts et je travaille sérieusement. Et puis je rencontre à neuf ans au CNR de Nice un professeur extraordinaire, Odile Poisson. Là, il se passe quelque chose, une flamme s’allume.

    Plus de parents derrière, juste moi qui commence à écouter beaucoup de musique, les grands concertos romantiques, Tchaïkovski, Rachmaninov, le soir au casque, dans ma chambre, pendant des heures, Une passion s’éveille. Je me présente à quatorze ans au CNSM de Paris et je rentre dans la classe de Jacques Rouvier. Après mon premier prix commencent d’autres années très importantes, à l’École Reine Sofia de Madrid avec Dmitri Bashkirov.

    Mais j’ai simultanément déjà fait des rencontres magnifiques, une audition à quatorze ans avec Barenboïm qui me choisit pour participer au DVD où figurait aussi Lang Lang et me fait travailler. C’est un grand humaniste qui m’a véritablement inspiré car il a une grande curiosité pour tout ce qui l’entoure. Rencontre aussi avec Itzhak Perlman qui a un rapport au monde peut-être plus simple que celui de Barenboïm, davantage appuyé sur la notion du plaisir, de l’instinct. Il m’a aussi beaucoup inspiré et marqué.

     

    Chez un jeune artiste, comment se fait la synthèse de toutes ces influences ? Est-ce une question d’instinct, de raison ?

    Un tri se fait au fur et à mesure, naturellement. J’étais comme une éponge, prenant tout ce que je pouvais au passage, mais avec un grand respect pour les Maîtres, respect que j’ai toujours. J’essayais d’être ouvert à tout. Tous les conseils que l’on m’a donnés, je les ai dans la tête, mais l’instinct joue aussi son rôle.

    La musique est instinct. Si j’imagine un phrasé, ce n’est pas par déduction ou par raisonnement, mais parce que c’est comme ça dans ma tête. Mon imagination le conçoit de cette manière. Mais l’instinct est aussi formé par des habitudes de travail, d’analyse. Il peut se former. Ces grands maîtres m’ont permis d’y arriver. En fait, tout me paraît vrai dans ce que l’on m‘a dit.

     

    Bashkirov et Barenboïm, est-ce la même famille musicale ?

    Oui, car ce sont de grands musiciens. Ils sont assez cartésiens, pragmatiques. Ils ont très jeunes réfléchi et trouvé la manière la meilleure de produire un son. Barenboïm est chef d’orchestre. Il sait donc expliquer aux musiciens comment faire pour arriver à un but précis. Bashkirov a eu des milliers d’élèves. Lui aussi, quand on lui demande pourquoi, il sait répondre.

    Leur manière de jouer est néanmoins très différente. Bashkirov a un son plus incisif, Barenboïm très doux. Ce sont deux musiciens différents mais ils disent tous deux exactement ce qu’ils veulent. Pour moi, Barenboïm a en outre un superpouvoir qui lui permet de passer directement et sans arrêt dans une même journée du piano à l’enseignement puis à la répétition de Tristan et à une représentation de Parsifal.

     

    Peut-on encore parler à votre génération d’une École française de piano, ou tout est-il devenu plus international ?

    Je ne le pense pas. La plupart des musiciens français avec lesquels j’ai travaillé sont aussi différents entre eux que Bashkirov de Barenboïm. Certains clichés négatifs peuvent perdurer, dans certains conservatoires de région, articulation des doigts loin du piano, son qui ne part pas du dos mais des avant-bras, mais, pouvait-on parler d’une même école déjà pour Marguerite Long et Alfred Cortot ?

    C’est pareil pour l’École Russe. Il est davantage question de grands musiciens ayant eu une influence extrême partout où ils passaient que d’une technique particulière. Mais c’est vrai qu’il y a eu un clash avec Bashkirov quand j’ai commencé avec lui, sans doute à cause de mauvaises habitudes de jeunesse que j’avais prises.

    Mon son était trop dur. Il m’a appris à le faire venir du dos, à imaginer un son dans la tête avant de le produire pour que le réflexe du muscle se déclenche automatiquement. Mais je n’ai jamais eu l’impression de changer d’école. Cependant, j’ai toujours senti un a priori négatif des Russes par rapport aux pianistes français.

     

    Quand vous travaillez une partition avec Bashkirov ou Barenboïm par exemple, que vous apprennent-ils ?

    Avec Bashkirov, c’est assez directif mais positif, commençant en général par un verdict : c’est bien, c’est pas bien… plus souvent pas bien. Après, il guide avec ce qu’il pense de l’œuvre, de façon très personnelle. Et pourtant, je n’ai jamais réussi à comprendre comment, tous ses élèves peuvent jouent de manière très différente alors qu’il impose une vision personnelle.

    En fait, il est avant tout d’une exigence absolue. On avait cinq cours par semaine et un programme entier de récital à monter chaque mois. Il ne laisse rien passer. Chacun trouve sa voie à travers ce cheminement très rigoureux, mais il parvient toujours quand même à nous surprendre.

    Avec Barenboïm, il y a beaucoup plus de dialogue. On cherche ensemble comment faire, dans quelle direction aller. C’est une pédagogie plus douce, plus consensuelle.

     

    Comment cheminez-vous maintenant dans le répertoire ? Êtes-vous influencé par la nécessité d’enregistrer plutôt telle ou telle œuvre ?

    Jusqu’à présent, j’ai eu la chance de n’enregistrer que des œuvres qui étaient pour moi des évidences. Aussi bien les Préludes de Chostakovitch que le Concert sans orchestre de Schumann, je les ais entendus en concert et enregistrés parce que je les aimais, pas en raison de leur rareté.

    Je travaille aussi bien une œuvre de Debussy qu’une œuvre de Chopin, mais, paraît-il, un disque Debussy se vend mal. Il faut le savoir et naviguer entre ce que l’on veut et ce qui va être demandé. C’est très dur car le répertoire de piano est très vaste et qu’à mon âge, on ne peut pas tout connaître.

    On est donc toujours obligé de travailler des œuvres nouvelles. Une sorte de parcours du combattant, tout en tâchant de se donner une certaine identité. Mais c’est finalement le coup de cœur qui prime.

     

    Vers quoi êtes-vous surtout attiré et y a-t-il des compositeurs que vous n’osez pas aborder ?

    Je suis éclectique car je pense que tout se tient. Si je ne travaille pas Schubert, comment aborder ce qui vient après ? Ce n’est pas pour autant que je pense tout bien jouer ni surtout tout pouvoir enregistrer. Je joue souvent les Préludes de Chopin en concert, avec chaque fois l’impression de progresser, mais je ne songe pas encore les enregistrer.

    Ai-je une identité ? Je n’en sais rien. On m’a entendu davantage dans Beethoven car j’avais gagné un concours Beethoven, mais je joue un peu tout. Quand on débute dans la carrière, on n’a pas intérêt à être trop spécialisé, sinon, on joue beaucoup moins.

     

    Vous avez remporté plusieurs grands concours, joué avec de grands orchestres dans maints pays, été désigné Révélation jeune Talent des Victoires de la Musique 2010 et Young Artist of the Year au Classical Music Award 2011. Dans l’avenir immédiat, qu’avez-vous envie de faire de plus ?

    Travailler le plus possible. J’adore travailler. Être plus lucide aussi, mieux contrôler l’énorme pression que l’on a en devant toujours travailler de nouvelles œuvres, préparer de nouveaux concerts, sans décevoir ceux qui attendent beaucoup de vous.




    À voir :
    Théâtre des Champs-Élysées, Paris, avec l’Orchestre Lamoureux le 20 janvier
    Auditorium Joseph Kosma, Nice avec l’Orchestre Philharmonique de Nice les 23 et 26 janvier
    Folle Journée de Nantes les 31 janvier, 1er et 2 février

     

    Le 17/01/2013
    Gérard MANNONI


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