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ENTRETIENS 20 avril 2024

Guillaume Coppola,
le talent et la raison

© Emilie Mille

Son premier disque voué à Liszt et son tout dernier enregistrement Granados ont enthousiasmé la critique. On pourra l’entendre dans les prochains jours à Grenoble et à la Folle Journée de Nantes. Guillaume Coppola est un talent authentique. Sa finesse et sa sensibilité très romantiques lui font une place à part dans l’élite du jeune piano français et international.
 

Le 23/01/2013
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Vous ĂŞtes un cas un peu particulier, car vous avez fait des Ă©tudes supĂ©rieures en facultĂ© tout en passant par le CNSM de Paris et en entamant une carrière de pianiste. Comment cela est-il possible ?

    Tout s’est passé presque sans que j’en ai conscience. À Besançon, la maison familiale était située entre un atelier musical dans une école et des voisins musiciens amateurs. L’aîné des enfants jouait du piano. Il était un peu plus âgé que moi, ce qui lui donnait de l’importance à mes yeux, et j’avais envie de faire comme lui.

    J’ai donc commencé comme beaucoup de petits garçons, mais avec une vraie envie. Je ne pianotais que sur le piano de nos voisins mais quand mon père m’a acheté un Schimmel droit, je me rappelle l’avoir attendu sur le palier de la maison toute la matinée. C’était une sorte de névrose.

    L’année suivante, mon professeur m’a présenté à son propre professeur au Conservatoire de Besançon. Je suis entré dans ce conservatoire et une fois dans cette filière je me suis retrouvé au CNSM de Paris dans la classe Bruno Rigutto. Une rencontre décisive, tout comme celles que j’avais faites avec France Clidat et avec Marie-Françoise Bucquet.

    Mais comme ma carrière de pianiste relevait pour moi du rêve, j’ai mis du temps à me décider à la choisir. J’a donc, dans l’incertitude, terminé mes études secondaires, et fait un Deug de Musicologie, avant de comprendre quelle était vraiment ma voie.

     

    Quel rôle ont joué Bruno Rigutto, France Clidat et Marie-Françoise Bucquet dans votre formation ?

    France Clidat est intervenue tôt dans ma vie musicale. J’avais quatorze ans et j’étais au Conservatoire de Besançon quand mes parents ont inscrit ma sœur à un stage de violon en Lozère et moi à un stage de piano qui y était lié. J’y ai rencontré France Clidat et le contact a été immédiat. Une étincelle. Je faisais mon petit bonhomme de chemin comme un amateur qui aime le piano et de cette rencontre a découlé un désir très fort d’aller plus loin.

    Je n’osais pas trop envisager tout cela en termes de métier car j’ignorais comment ça se passait. Être pianiste avait pour moi quelque chose de surnaturel. France Clidat a parlé de coup de foudre réciproque. Au premier cours, j’avais apporté le Finale de la Première Sonate de Beethoven que j’avais travaillé tout seul pendant l’été, avec un tempo plus que raisonnable.

    Tout de suite, elle m’a poussé à jouer au tempo avec des contrastes d’intensité, beaucoup de poésie dans le second thème, avec une notion de piano de scène, en exprimant un message. En une heure, ce fut une transformation qui s’est confirmée tout au long du stage. Dès que je me levais le matin, je me précipitais au piano.

    Je n’avais jamais vĂ©cu ça. Je l’ai ensuite revue chaque annĂ©e. Elle se nommait elle-mĂŞme ma « maestra d’étĂ© Â». Elle nous faisait beaucoup jouer en concert, quatre ou cinq fois dans le stage de quinze jours, ce qui Ă©tait très stimulant aussi. Ensuite, elle m’a prĂ©sentĂ© Ă  Bruno Rigutto pour que j’entre au CNSM de Paris.

     

    Rigutto vous a-t-il apporté un enseignement différent ou complémentaire ?

    Je l’ai connu à un moment où j’étais déjà plus formé. Il m’a fait passer à l’étape supérieure en me poussant à donner un sens à chaque note, en allant au-delà du beau piano, du beau son. Pour lui, il fallait avant tout faire parler, chanter le piano, toujours exprimer quelque chose. Je lui dois la recherche quotidienne pour trouver un son personnel et signifiant.

    D’autres rencontres ont été importantes, même si elles furent plus brèves. Des master-classes avec Jean-Claude Pennetier, par exemple. Et puis Marie-Françoise Bucquet, rencontrée au Conservatoire dans le cadre de cours de musique de chambre. Ensuite, elle m’a fait travailler à ma sortie du Conservatoire, pour remettre en place ma technique.

    Je me suis penché avec elle sur des questions que l’on n’a pas forcément le temps de se poser quand on est au Conservatoire où l’on a une boulimie de musique. On y manque un peu de temps pour se poser. Avec elle, j’ai compris beaucoup ce que je faisais parfois depuis longtemps sans savoir pourquoi ni comment.

     

    Le passage du Conservatoire à la vie professionnelle n’est-il pas assez éprouvant ?

    En sortant du Conservatoire, j’ai eu deux ou trois années un peu difficiles. J’étais perdu, livré à moi-même sans que la carrière commence vraiment et avec toujours le même désir de jouer. Petit à petit, tout s’est mis en place. Il faut savoir s’arrêter de prendre conseil et s’assumer. Quand j’ai décidé de faire mon premier disque en élaborant tout moi-même, ce fut un grand pas en avant. Je n’avais plus peur d’être autonome. Il faut prendre le temps d’évoluer.

     

    Les master-classes sont-elles indispensables ? Ne sont-elles pas souvent une ligne flatteuse dans une biographie ou l’exhibition d’un maître en mal de public ?

    J’en ai fait beaucoup car c’est bien d’aller chercher des informations, mais toutes ne comptent pas autant. Certaines master-classes vous marquent à vie, même en une heure de cours. Il y a presque une relation psychanalytique, avec des choses que l’on comprend longtemps après. Et puis, quand on travaille régulièrement avec le même professeur, l’habitude peut vous faire manquer ce qu’une oreille nouvelle va déceler. Mais ça peut être aussi un risque, la mise en valeur d’un maître dont l’élève devient une sorte de cobaye pour le faire valoir.

     

    Contrairement à beaucoup de pianistes de votre génération, vous avez passé peu de concours. Pourquoi ? Les trouviez-vous inutiles ?

    Cela fait partie des aspects un peu douloureux de mon parcours. En sortant du Conservatoire, je croyais que c’était un passage obligé, qu’il fallait passer des concours pour se faire connaître, décrocher des concerts, voire un agent. Les concours pouvaient apporter le Graal.

    Aujourd’hui, je crois qu’à part certains très grands concours qui vous apportent deux ou trois ans de concerts et une notoriété immédiate qu’il faudra d’ailleurs entretenir car le lauréat suivant vous éclipsera, il y en a tellement que ça ne sert plus guère à vous distinguer.

    Quand je suis sorti du Conservatoire, j’avais surtout envie de faire de la musique. Déjà quand j’y étais, j’ai découvert des choses exceptionnelles. Je découvrais aussi Paris et j’allais à tous les concerts possibles. Après, passer encore des concours me semblait un peu antiartistique. Je n’arrivais pas me sentir comme à un concert. Je me demandais ce que je faisais là. Ça ne m’intéressait pas de dépasser les autres.

    Quand j’ai réalisé mon premier disque, j’ai compris que le concours qui m’intéressait était de me dépasser moi-même, de me battre contre mes propres limites.

     

    Vous choisissez votre répertoire subjectivement ou selon les besoins du disque, les demandes des producteurs ?

    Il faut jongler entre ses désirs personnels et ce que l’on vous demande. Ma maison de disques me laisse assez libre. Je combine les projets que j’ai envie de mener à bien et les demandes de programmateurs. C’est parfois compatible. Mener ses projets personnels indépendamment des obligations demande tout une organisation pour préserver ce jardin secret.

    Je préfère laisser respirer les choses, prendre le temps de la réflexion, anticiper mes programmes de concert longtemps à l’avance pour les laisser mûrir, pouvoir les retravailler. Le concert en lui-même est fondamental. Jouer plusieurs fois les mêmes œuvres à des périodes espacées permet de les faire siennes, débarrassées de toutes les contraintes.

     

    Quelle musique vous attire le plus ?

    Globalement, la musique romantique, que ce soit Liszt ou Granados, des œuvres assez fortes. Mais pas seulement. Debussy me fascine. Le sens du drame dans la musique m’attire mais aussi la couleur du son. J’ai choisi le piano parce que son timbre m’a séduit, la frappe, la résonnance.

    Chez Liszt comme chez Debussy, la recherche de la couleur est passionnante, même si elle est différente. Mais je n’ai pas décidé de me spécialiser dans un domaine. J’aime beaucoup certains compositeurs comme Bach, mais je ne sais pas si j’y ai ma place aujourd’hui. J’aime le jouer pour moi mais je ne suis pas sur de pouvoir le faire pour un public.

    Schubert en revanche m’attire beaucoup. Sa dimension mélodique est pour moi une voie d’accès car j’aime beaucoup le chant. Mais je ne suis pas un rapide. Je n’aime pas apprendre à la va-vite une œuvre pour la donner en concert. J’aime mieux jouer moins souvent et présenter des œuvres quand elles sont abouties.




    A voir :
    Le 25 janvier Ă  la Nuit du Piano, Maison de la Culture de Grenoble (Granados)
    Le 29 janvier au Théâtre le Beffroi à Montrouge (Chopin, Debussy, Granados)
    Le 3 février à la Folle journée de Nantes (Granados)
    Lez 7 février à la FNAC des Ternes, Paris, dans un mini-récital-conférence

     

    Le 23/01/2013
    GĂ©rard MANNONI


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