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ENTRETIENS 29 mars 2024

Guillaume Vincent,
le talent au naturel

© Julien Mignot

Pianiste très précoce, amateur de concours, lancé par un Troisième Prix au Marguerite Long-Jacques Thibaud, Guillaume Vincent s’affirme dans la cohorte de tête de la jeune génération de pianistes français d’envergure internationale avec un naturel désarmant. Tout lui est plaisir dans son travail. Une personnalité rassérénante.
 

Le 20/02/2013
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Vos débuts précoces ont-ils été un élément primordial dans le lancement de votre carrière ?

    On faisait beaucoup de piano dans ma famille. Ma mère l’enseigne toujours. J’ai commencé très jeune et j’ai eu très vite envie de jouer des vrais morceaux, pas ceux qu’il y avait dans le cahiers pour débutants, même si c’était au-dessus de mes moyens, mais ne m’y suis mis sérieusement qu’à sept ans.

    Alors c’est allé très vite puisque cinq ans après, j’étais dans la classe de Jacques Rouvier au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. À dix ans, j’avais déjà joué un concerto de Haydn avec orchestre et c’est à ce moment là que j’ai su que j’en ferais mon métier.

    Dans cette mesure, avoir débuté tôt a certainement joué un rôle important dans la manière dont s’est orientée ma vie. À treize ans, j’ai eu d’autres occasions du même type et cela m’a toujours conforté dans le désir d’être pianiste professionnel.

     

    Quel souvenir gardez-vous d’une telle expérience qui semble toujours assez étonnante ?

    C’est très impressionnant à cet âge de jouer avec un orchestre, mais cela s’est fait très naturellement, sans avoir le sentiment de rien forcer. Je n’ai jamais eu vraiment l’impression de travailler quand je suis au piano. Je n’ai par exemple aucun problème pour apprendre par cœur. Je retiens une partition dès que je l’ai jouée une fois.

    Le travail ne m’a jamais paru fastidieux ni ennuyeux. C‘est plus une satisfaction qu’une obligation. J’ai aussi eu la chance de rencontrer les bons professeurs au bon moment. Ils m’ont bien orienté et fait progresser en tous domaines, notamment ceux de la technique et de la musicalité. François-René Duchâble, originaire d’Annecy comme moi, m’a beaucoup aidé pour la technique. Jacques Rouvier m’a guidé musicalement et pour la gestuelle. Au Conservatoire, j’étais avec des gens qui avaient facilement dix ans de plus que moi, mais on m’a toujours laissé très libre, sans tenir compte de cette différence d’âge.

     

    Qu’avez-vous appris de particulier avec Duchâble ?

    Il me laissait beaucoup de liberté. Nous parlions technique mais notre rapport était très proche, puisqu’il m’a porté dans ses bras quand j’étais bébé ! Il m’a aidé à préparer des concertos, mais en fait, il m’a plus appris à comprendre la carrière que fait travailler. Avant que j’entre au CNSM, il m’a dit que c’était très bien, mais qu’il ne fallait surtout pas, en sortant, perdre ma personnalité. Et puis, il m’a quand même beaucoup apporté dans la compréhension de Liszt en particulier.

     

    Après vos prix au CNSM ; vous travaillez encore avec Jean-François Heisser et Marie-Josèphe Jude et puis vous vous lancez dans les concours où vous avez un brillant palmarès, notamment un Troisième Prix au Concours Long-Thibaud. Les concours sont-ils indispensables ?

    Je ne pense pas que ce soit indispensable à la carrière d’un musicien. Certains grands instrumentistes n’en n’ont quasiment pas passé. En fait, j’en ai passé par ce que je n’ai pas de pression en le faisant, même si ce n’est pas toujours agréable d’être en compétition avec d’autres.

    Et puis, c’est une manière de se faire connaître, de rencontrer des gens, de ne pas rester replié sur soi-même. En outre, il ne faut pas se sentir humilié si ça ne marche pas. Il est utile d’aller discuter avec les membres du jury pour savoir ce qui n’a pas fonctionné, pourquoi ils n’ont pas aimé. Quand on le vit bien, c’est finalement une démarche très positive.

    Je garde un très bon souvenir du Concours Long-Thibaud. Je l’ai passé très concentré sur moi-même, sans écouter les autres candidats. Le Troisième Prix a récompensé mes efforts et mon meilleur souvenir est le concert de gala où j’ai pu jouer le Quatrième Concerto de Rachmaninov. Un très grand plaisir.

     

    Comment un jeune pianiste comme vous réagit-il face à la critique ? Quand elle est mauvaise, est-ce un frein, une remise en cause ?

    Plutôt une frustration. Quand on s’est beaucoup investi dans un projet, concert ou disque, qu’on a beaucoup travaillé, avec passion, parfois une année entière et qu’on est mal jugé, c’est forcément frustrant. Cela dépend aussi de qui ça vient, mais, avec l’habitude, je pense qu’on doit parvenir à rester assez neutre.

    En s’exposant, on s’expose forcément à la critique et le métier doit vous apprendre à le vivre avec une certaine sérénité. Pour l’instant, le plus important pour moi est d’être sincère avec ce que je veux faire, tout en écoutant les conseils de mes anciens professeurs.

     

    Quels compositeurs jouez-vous le plus volontiers ?

    Certains compositeurs me font peur, comme Beethoven ou Schubert. Je les adore mais je préfère attendre avant de me lancer dans leurs œuvres majeures. Néanmoins, je ne veux pas me spécialiser. Je tiens à rester ouvert autant à Bach qu’à la musique d’aujourd’hui.

    Je prends autant de plaisir quel que soit la partition. Cependant, dans la pratique, je baigne plutôt dans l’univers romantique, avec une prédilection pour des compositeurs comme Rachmaninov ou Liszt, même si j’aime faire des incursions chez Mozart.

     

    À ce stade de la carrière, êtes-vous libre de vos choix de programmes pour les concerts, pour les disques ?

    De manière générale, je suis très libre. Pour mon premier disque, chez Naïve, j’ai fait exactement ce que je voulais. C’est un choix absolument personnel. Pour les concerts, il peut arriver que l’on ait une contrainte correspondant à une demande particulière, comme la thématique d’un festival. Cela ne me gêne pas. Je suis très ouvert à tout, y compris à la musique contemporaine.

     

    Que pensez-vous avoir encore à acquérir ?

    Je suis toujours en recherche de quelque chose que je n’ai pas, comme une certaine qualité de son ou de toucher. Et puis, je suis bien loin d’avoir exploré tout le répertoire qui est infini. Mais j’ai surtout à acquérir de l’expérience. Je travaille de façon très cartésienne, mains séparées. Je suis très méthodique, assez lent, mais, quand j’arrive sur scène, je veux rester très spontané, très instinctif. Aller en scène, c’est la récompense de tout le travail qu’on a fait avant.

     

    La carrière de pianiste est une carrière de solitaire. À vingt ans, cela ne vous fait pas peur ?

    Mes journées sont très structurées. Je travaille surtout le matin et en fin d’après-midi, mais jamais le soir. Le soir, j’ai besoin d’être entouré, de sortir. J’aime m’évader vers d’autres musiques comme le jazz. Mais c’est vrai qu’il faut une certaine rigueur et une certaine hygiène de vie, ne pas boire d’alcool avant de jouer, par exemple. Mais ce n’est pas très astreignant !

    Je vis bien la solitude en général, même si j’apprécie que ma fiancée ou mes parents puissent parfois m’accompagner. Je ne suis d’ailleurs pas toujours seul puisque je pratique beaucoup la musique de chambre, avec des partenaires comme Renaud Capuçon, Augustin Dumay, Alexandra Soumm, Adam Laloum ou Jonas Vitaud.

     

    Quel est votre rapport au disque ? Une tentation, un passage obligé, une activité comme une autre ?

    Je veux me mettre aucune pression avec les disques. Je ne considère pas cela comme obligatoire. J’ai composé le programme de mon disque Rachmaninov tout seul car je me penchais depuis longtemps sur ce répertoire. Cela m’a semblé tout naturel de l’enregistrer, mais je ne crois pas pour autant qu’il faille s’y lancer dès qu’on sort du conservatoire. C’est vraiment très subjectif. Les Préludes de Rachmaninov ne sont pas très enregistrés et j’ai pensé qu’il valait mieux proposer au public des pages moins jouées que les concertos par exemple. Cela m’intéressait aussi de faire un grand cycle.

     

    Avez-vous d’autres projets ou d’autres envies ?

    Je songe à faire un disque Liszt-Bartók, mais c’est difficile de trouver un bon programme. Il faut qu’il plaise et aussi qu’il me corresponde.




    À voir :
    Guillaume Vincent, piano
    le 23 février à la Cité Universitaire de Paris
    le 28 février à la salle polyculturelle de Val Thorens
    le 29 février dans la saison musicale de l’Épau au Mans

     

    Le 20/02/2013
    Gérard MANNONI


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