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ENTRETIENS 26 avril 2024

Nicolas Baldeyrou,
la clarinette enchantée

Clarinette solo à l’Orchestre philharmonique de Radio France, grand chambriste avec l’élite de ses contemporains, soliste à part entière avec les plus grands orchestres, Nicolas Baldeyrou est un trentenaire aussi doué que dynamique, brillant virtuose ouvert à toutes les musiques, et particulièrement au répertoire contemporain.
 

Le 15/03/2013
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Comment la clarinette est-elle entrée dans votre vie ?

    C’est assez mystérieux. Il n’y avait personne de spécialement musicien dans ma famille. Un jour, à six ans et demi, je suis rentré de l’école et j’ai dit à ma mère : « Je veux faire de la clarinette ». Je n’ai même aucun souvenir d’avoir avant entendu de la clarinette à la radio. S’agissait-il d’un caprice ou d’une envie subite causée par une rencontre dont je n’ai plus le souvenir ? Je l’ignore.

    J’ai commencé par un an et demi de solfège, et j’ai abordé la clarinette à huit ans avec un professeur extrêmement passionné et passionnant qui m’a donné l’amour de l‘instrument et ouvert beaucoup d’horizons. Dès dix ou onze ans, j’étais certain de ne rien vouloir faire d’autre. Je n’ai découvert le répertoire qu’après, en achetant des disques et des cassettes, guidé par mes professeurs.

    Entré au conservatoire de Kremlin-Bicêtre chez Pierre Billaud, j’ai ensuite travaillé à Saint-Maur des Fossés avec Véronique Fèvre puis à quatorze ans, au CNSM de Paris avec Michel Arrignon et Jérôme Julien-Laferrière.

     

    Qu’y a-t-il de plus difficile à travailler dans la clarinette ?

    Comme pour tous les instruments à progression rapide, avec lesquels on obtient un son très rapidement, c’est plutôt en fin de parcours que surgissent les grosses difficultés. Les débuts sont beaucoup moins ingrats que pour le violon ou le hautbois. On obtient des satisfactions relativement vite. Après, beaucoup de problèmes surgissent, que ce soit dans les répertoires, dans les modes de jeu. C’est un instrument qui s’adapte à tous les styles, notamment à la musique contemporaine. Il y a donc des techniques à développer. Il se révèle extrêmement difficile sur le tard.

     

    Orchestre, musique de chambre, soliste, vous êtes partout à la fois. Par goût personnel ?

    J’ai toujours voulu toucher à tout. Dès qu’on commence à passer des concours internationaux, on joue avec orchestre, on fait des tournées, c’est très valorisant, mais on prend conscience que ce répertoire n’est pas suffisamment développé pour ne faire que ça. On se sent vite un peu frustré. Reste la musique de chambre où la clarinette est très valorisée, mais ce serait un manque terrible dans ma vie intérieure et musicale de passer à côté du répertoire d’orchestre.

    L’orchestre couvre un champ très large. Je ne me suis jamais senti l’âme d’un soliste à part entière. Je fais toujours une dizaine de concertos par an avec beaucoup de plaisir mais j’essaie de varier au maximum mes activités C’est ce genre d’équilibre qui fait les musiciens heureux ! Je ne me sens pas le besoin de briller seul tout le temps. Se fondre dans un ensemble est aussi très gratifiant. Bref, j’aime jouer dans un orchestre, aussi.

     

    Vous avez toujours aimé multiplier les activités, comme les concours que vous avez passés et remportés en un nombre impressionnant. Par goût ?

    Pas vraiment. Je recherchais d’abord la possibilité d’accéder à un certain répertoire, celui des concertos. Pour cela, il fallait arriver en finale. C’était vraiment la soif de jouer Mozart, dans de grandes salles, de rencontrer les grands de la clarinette qui siégeaient dans les jurys, mais pas le désir forcené de passer devant les autres ni de m’exhiber tout seul.

     

    Quels maîtres vous ont le plus influencé ?

    J’ai eu très peu de maîtres, ayant surtout travaillé au Conservatoire de Paris avec Michel Arrignon qui avait une très vaste expérience et m’a donc énormément appris. Il m’a communique cette curiosité, cette envie d’aller partout où cela était possible. Il avait vraiment expérimenté tous les styles que l’instrument peut aborder. J’ai reçu aussi de lui beaucoup dans le domaine technique, dans l’approche des auteurs et dans le désir de susciter la création. Il a commandé beaucoup d’œuvres aux plus grands créateurs actuels.

     

    Vous travaillez aussi bien avec des ensembles baroques comme les Musiciens du Louvre qu’avec l’Ensemble Intercontemporain tout en étant clarinette solo du Philharmonique de Radio France. Ce pluralisme vous est-il spontané ?

    J’ai toujours été terrifié par la spécialisation. Je trouve très réducteur de ne jouer qu’une seule sorte de clarinette. On a la chance d’en avoir treize différentes, du piccolo à la basse, quel dommage de s’en priver, même si on ne les joue pas toutes aussi bien ! Mais en avoir au moins une certaine connaissance.

    Le fait de travailler les mêmes pièces, Mozart par exemple sur une clarinette moderne puis sur un instrument d’époque, apporte un éclairage complètement nouveau, y compris dans le domaine de la technique, de la souplesse de l’articulation. On ne peut pas jouer ces musiques sans avoir plus ou moins approfondi cette problématique.

    J’ai le temps, les moyens et l’envie de le faire. Pourquoi ne pas y aller avec le plus d’enthousiasme possible ? Des ensembles comme le Concert d’Astrée ou la Chambre Philharmonique font beaucoup de recherche, ont beaucoup de choses à dire et nourrissent forcément ma réflexion et mon jeu, ce qui se répercute jusque sur ce que je fais dans la musique moderne.

     

    Jouer Mozart avec des baroqueux et Berio avec l’Intercontemporain, est-ce la même technique ?

    C’est fondamentalement différent, dans des sphères opposées. L’instrument a beaucoup évolué techniquement depuis ses débuts. Le bec était dans un autre sens. On jouait comme le hautbois, avec les lèvres retroussées à l’intérieur. Maintenant, on utilise les dents sur le bec aussi. La façon de souffler est également très différente puisque les instruments avaient un tube beaucoup plus petit entraînant des contraintes opposées.

    Il y a donc un travail de fond à faire sur le matériel pour essayer de se rapprocher un peu de ce qui se faisait à l’époque, un travail de recherche, de documentation. Les problèmes de doigtés ne sont plus les mêmes non plus. À l’époque de Mozart, ça se rapprochait d’une grosse flûte à bec avec cinq clés. Aujourd’hui, on en a vingt-et-une.

     

    La musique contemporaine est-elle incontournable pour vous ?

    Absolument. Il est impensable de se passer à côté de cette richesse. On est assez malheureux de ne pas pouvoir demander à Bach, Beethoven ou Mozart ce qu’ils voulaient exactement comme interprétation pour bouder notre plaisir maintenant qu’on a les créateurs sous la main. Il faut travailler avec eux, dans une collaboration aussi étroite que possible, pour développer notre répertoire et par intérêt musical en général.

    Cela m’a toujours passionné. Entendre à douze ou treize ans la sonate de Denisov a été une révélation. J’ai toujours eu envie d’aller à la rencontre des compositeurs. À quinze ans, je suis allé voir Donatoni, Denisov et quelques autres et ce furent toujours des rencontres marquantes. J’essaie aussi toujours maintenant de commander des œuvres.

    Je viens de sortir un disque de quatuor de clarinettes, formation peu fréquente, avec très peu de répertoire mais très intéressante, avec quatre pièces commandées à Mantovani, Beffa, Connesson et Escaich. Elles sont très réussies. Pour moi, c’est un travail quotidien.

     

    Vous avez commencé très jeune à jouer sous la baguette de grands chefs. Ces fortes personnalités ont-elles contribué beaucoup à votre formation ?

    J’ai eu la très grande chance de commencer avec certains des plus grands chefs de l’époque, Carlo-Maria Giulini, Bernard Haitink. Après, la chute a été parfois assez rude… Mais un chef peut nous apporter beaucoup, même s’il n’est que de passage pour quelques répétitions et un concert.

    Je viens par exemple de vivre une très belle expérience avec Marek Janowski venu diriger deux concerts Wagner. En quelques jours, j’ai appris énormément sur Wagner, compositeur que j’aime beaucoup, que j’ai beaucoup pratiqué comme mélomane mais quasiment jamais joué. En quelques jours, que ce soit sur le plan du style, de l’histoire, du son, ce fut extrêmement intéressant, un travail très approfondi, très analytique.

    Il y a des chefs dont on a oublié le nom une semaine plus tard et d’autres que l’on n’oublie jamais. On garde souvent davantage le souvenir d’une présence, d’un charisme, d’une autorité, d’une manière de faire sonner l’orchestre que de détails particuliers d’interprétation.

     

    L’enseignement est-il indissociable de votre vie de musicien ?

    J’ai commencé à enseigner très tôt, en y prenant toujours beaucoup de plaisir. J’adore travailler avec les petits, éveiller leur intérêt, leur faire découvrir des musiques qu’ils ne connaissent pas, les faire progresser le plus rapidement possible. Et puis il est indispensable de passer le flambeau.

    J’ai la chance d’avoir un poste au CNDSM de Lyon, où c’est une autre dimension, celle de musiciens déjà quasiment professionnels qui se destinent à entrer dans de grands orchestres. C’est un travail à haute responsabilité extrêmement passionnant, avec des profiles d’élèves très variés.

     

    Vous avez une discographie déjà abondante. Est-ce indispensable aussi dans votre vie de musicien ?

    C’est à la fois l’utile et l’agréable. Pas un passage obligé mais une activité importante. Le plus agréable est de monter des projets intéressants avec des copains, longtemps à l’avance, avec le temps de travailler bien en amont. Une occasion aussi de faire des créations en dehors du grand répertoire, de faire découvrir la musique d’aujourd’hui, même si ces disques se vendent moins.

    On peut faire bénéficier ce répertoire de la notoriété que l’on a ailleurs J’ai enregistré Mozart et Mendelssohn, mais aussi Boulez, Berio, Tanguy, Saariaho, Carter. Je ne peux ni ne veux défendre seulement les valeurs du passé.




    Entendre Nicolas Baldeyrou :
    Dimanche 24 mars au Prieuré de Saint-Côme (musique de chambre)
    Dimanche 31 mars à l’Abbaye de Port-Royal des Champs (musique de chambre)
    Lundi 15 avril au Musée d’Orsay
    Vendredi 3 Mai à Amiens, concerto de Mozart avec l’Orchestre de Picardie
    Samedi 4 mai, même programme à Creil
    Vendredi 10 mai, au Havre, concerto de Mozart avec l’Ensemble Découvertes

     

    Le 15/03/2013
    Gérard MANNONI


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