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ENTRETIENS 16 avril 2024

Antonio Florio,
l'exception napolitaine

© Opus 111

Elève du compositeur Nino Rota, Antonio Florio est un acteur majeur du renouveau musical baroque en Italie aux côtés des Biondi, Alessandrini, Gini et autres Antonini. Avec son ensemble Capella della Pietà dei Turchini, il s'ingénie à faire revivre un répertoire aussi merveilleux que presque totalement oublié avant lui.
 

Le 08/09/2000
Propos recueillis par Roger TELLART
 



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  • Antonio Florio, votre amour et votre complicité pour Naples et le Mezzogiorno (1) au temps du Baroque, relèvent-ils d'une sorte d'héritage génétique ?

    Certes, cette histoire a ses racines dans mes origines. En fait, je ne suis pas né à Naples mais dans les Pouilles, pointe orientale de la botte italienne, face aux Balkans, à l'Albanie. Cela dit, la capitale historique, politique, culturelle du sud italien a toujours été Naples, riche de sa spécificité, de sa différence face aux autres métropoles de la péninsule.

     
    En tant que musicien, votre parcours est assez singulier, avec des études musicales menées à Rome, entre autres auprès de Nino Rota, je crois.

    Oui. J'ai d'abord étudié le piano et le violoncelle, puis je me suis tourné vers la composition et c'est dans cette discipline que j'ai eue pour professeur Nino Rota, un nom qui peut surprendre dans ma carrière baroque mais à qui je suis redevable d'un précieux bagage comme musicien et comme interprète. Fort de cette formation, j'ai abordé ensuite l'étude de l'école baroque, avec, condition sine qua non, le retour aux pratiques supposées et aux instruments dits " d'époque ".

     
    C'est dans ces années-là que vous avez fondé la Capella della Pietà dei Turchini ?

    En 1987, très exactement. Face à des formations à l'ancienne qui ne cessaient de se développer en nombre, mais que menaçait aussi, dans le même temps, une certaine standardisation dans le son, le style, l'expression, je voulais faire entendre " l'exception " apportée par Naples. Plus précisément, c'est par le biais d'une interprétation spécifiquement napolitaine (tous mes chanteurs, de Maria Ercolano à Giuseppe Naviglio, sont napolitains ou " pugliesi ") que me semblait devoir passer la réhabilitation pleine et entière d'un patrimoine aussi riche que méconnu, à l'exception de chefs de file comme les deux Scarlatti et Pergolèse.

     
    Cette exception napolitaine, rebelle, dit-on, à toute influence extérieure, n'est-elle pas également faite, en partie, d'emprunts à d'autres nations et cultures ? A commencer par l'espagnole.

    Sans doute. Il ne faut pas oublier qu'il y a plusieurs siècles d'histoire commune entre Naples et l'Espagne. En effet, dès le milieu du XVème siècle, Naples est au pouvoir des rois d'Aragon. Au XVIIIème siècle, cette présence politique continue, sous le règne des Bourbons de Naples, influant sur les comportements et les goûts. De cette influence ibérique - on pourrait parfois parler de " métissage " - l'école napolitaine témoigne, Naples étant alors un foyer et un laboratoire fondamental d'où partent les réputations, les modes (dans le domaine de l'opéra essentiellement). Et le poids démographique de la cité - c'est alors la ville la plus peuplée d'Italie (peut-être 700.000 habitants contre 150.000 à Rome dans le même temps) - compte, bien entendu, pour beaucoup dans la diffusion des nouveaux auteurs et de leurs oeuvres.

     
    A cet égard, on peut écrire que la Capella dei Turchini est un atelier de recherches sur le réveil de cet âge d'or napolitain, recherches que vous menez en collaboration avec le musicologue Dinko Fabris.

    Si vous voulez. Mais attention : musicologique ne signifie pas " muséologique ". Notre travail sur cette époque et cette école n'est pas un travail de musée mais tient compte, au contraire, de ce qui est une composante majeure - surtout dans le répertoire bouffe - de la " singularité " napolitaine. En d'autres termes, la présence et le poids de la rue avec sa truculence, son picaresque, sa différence existentielle et l'inimitable saveur de son dialecte. Autant de traits qui sont aussi importants que les notes écrites sur les manuscrits et partitions et qui m'apparaissent comme le certificat d'origine des musiciens exhumés.

     
    Aussi, c'est bien cette couleur méditerranéenne qui, avec l'élan rythmique, m'a frappé dans votre interprétation des deux intermèdes de Jommelli revisités au Festival de Sablé. Et aussi, et surtout, l'intensité que votre équipe vocale met dans ses rapports au texte.

    C'est que j'estime que le jeu de la théâtralité - une théâtralité chauffée à blanc, que ce soit dans le cadre de la représentation scénique ou d'une simple version de concert - est indispensable à la vie de tout opéra. Quant au rapport au texte, il est bien évidemment inclus dans ce jeu, tant dans la vocalise virtuose que dans l'entendement du mot-clé caractérisant un effet ou éclairant une situation, un personnage. A mon sens, cette relation aux paroles est trop souvent perdue de vue dans la résurrection de l'opéra du XVIIIème siècle - qu'il soit bouffe ou seria - parce que sacrifiée à la seule performance technique du chanteur ou de la cantatrice. Plus simplement, on dira que la mise en garde que le pionnier Cavalieri adressait un siècle et demi plutôt aux fondateurs du drame lyrique y reste tout à fait valable : " quand le sens des paroles se perd, la musique devient ennuyeuse pour l'auditeur. "

     
    Vous êtes loin d'avoir épuisé toutes les richesses de ce répertoire, après Piccinni et Jommelli, quelle sera votre prochaine étape dans ce passionnant inventaire ?

    Un nouvel opéra-bouffe intitulé La Finta Cameriera de Gaetano Latilla que nous allons présenter - prélude à d'autres représentations en France - au festival baroque de Pontoise, le 27 octobre prochain. C'est là une oeuvre qui, assurément, fera parler de son auteur, né dans les Pouilles comme moi. Dans le sillage de l'immortelle Serva Padrona de Pergolèse qui fut l'opéra le plus joué dans l'Europe du XVIIIème siècle, cette Finta Cameriera, créée à Rome en 1738, associe une rare versatilité rythmique dans la conduite des récitatifs à un parfum populaire, une fois de plus monté, répétons-le, de la rue napolitaine. En tout cas, un vrai bonheur d'écoute est promis à ceux et celles qui viendront en découvrir les affinités pré-mozartiennes. Au point d'y goûter, en plus d'un endroit, les grâces de Così fan Tutte dont l'intrigue, est-il besoin de le rappeler, se passe à Naples, bien évidemment !

     


    (1) Par Mezzogiorno (littéralement : midi), il faut entendre la partie méridionale de l'Italie située au sud de Rome.

     


    3 références pour découvrir le travail d'Antonio Florio

    -Cristoforo Caresana (ca. 1640 - 1709)
    Per la Nascita del Verbo - La Vittoria dell'Infante - Orazio Giaccio (sec. XVII) - Pastorale sulla ciaccona
    Bernardo Storace (sec. XVII) - Passagagli con partite pastorali
    OPUS111 OPS 30 - 152

    -Francesco Provenzale (1624 - 1704)
    Vespro all'oratorio dei Girolamini
    OPUS111 PS 30 - 210

    -Niccolò Jommelli (1714 - 1774)
    Veni creator Spiritus
    OPUS111 OPS 30 - 254

    Voir aussi le site de la Capella

     

    Le 08/09/2000
    Roger TELLART


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