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ENTRETIENS 26 avril 2024

Sylvie Valayre bientôt
prophétesse chez elle ?

© Eric Mahoudeau

Qui se souvient qu'elle créa le rôle de Stilla dans le Château des Carpathes de Philippe Hersant en 1992 à Montpellier ? Aujourd'hui, Sylvie Valayre est la seule soprano lyrique française à se produire sur les grandes scènes internationales, pourtant sa véritable carrière en France débute seulement maintenant avec Tosca.
 

Le 23/10/2000
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



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  • Quand on lit les biographies qui vous sont consacrées, on remarque qu'elles commencent toutes en 1994 avec une Tosca à Toulouse ou en 1996 avec Nabucco à Covent Garden. Qu'avez-vous fait avant ?

    Mon parcours a été très compliqué. J'ai trois passions: le cinéma, le théâtre et la musique. Je voulais donc être tragédienne, mais on m'a vite fait comprendre qu'avec mon mètre soixante-quatre, je ne rentrais pas dans les canons traditionnels de l'emploi. On m'a orientée vers les rôles de soubrettes, ce qui ne me convenait pas du tout. J'ai donc quitté les cours de théâtre. Je suis entrée à l'université pour faire des études d'anglais, d'américain et de sociologie du cinéma, tout en suivant au conservatoire les cours de Christiane Edda- Pierre. Mes essais avec le hautbois et l'alto ayant été désastreux, seul me restait l'opéra qui réunissait théâtre et musique. Malheureusement, sans doute trop jeune, dans le contexte du conservatoire, je n'avais pas assez de temps de travail avec mon professeur. Quelques rencontres avec Régine Crespin m'ont tellement impressionnée que là aussi, je n'ai pas tiré de cet enseignement tout ce que j'aurais dû. Devant elle, et malgré sa gentillesse, j'étais tétanisée par le trac. C'est en débutant en Italie que j'ai rencontré le professeur qui m'a le plus aidée. Nous chantions dans la même production de Traviata. Il a accepté de me faire travailler, tous les jours, pendant les quarante jours de répétitions et de spectacles. Nous avons tout repris à la base, absolument tout, de la diction à la respiration en passant par tous les gestes les plus élémentaires du théâtre.

     
    Et c'est tout cela qui débouche sur Covent Garden en 1996. Depuis, vous êtes la seule française a vous produire dans les premiers rôles de soprano lyrique sur les grandes scènes internationales. Vous considérez-vous comme une exception?

    C'est vrai que sur le circuit international je fais un peu figure d'exception. À la Bastille, ils m'ont dit que je suis atypique. Peut-être parce que je ne fais pas de caprices, que je ne me prends pas du tout pour une diva, et que mon métier m'amuse. Je travaille beaucoup, naturellement, mais je ne vois aucune nécessité de me donner de l'importance même quand j'arrive à l'Opéra de Paris pour chanter Tosca. Avant tout, je chante ces rôles parce que je les aime. Je peux m'y investir aussi bien musicalement que dramatiquement. Jouer les idiotes, les victimes passives, ne m'intéresse pas du tout. Dans un opéra, le jeu m'intéresse presque plus que le chant. Ce ne sont pas les airs qui me passionnent en premier. Ils sont rarement intéressants psychologiquement. Dans Madame Butterfly, par exemple je préfère les moments où elle s'explique avec ses enfants à Un bel di vedremo.

     
    Tosca est-il le rôle que vous chantez le plus?

    Avec ces dix représentations de la Bastille, certainement. Sans cela, jusqu'à présent, c'était plutôt Lady Macbeth. Mais je vais me rattraper avec les Macbeth de la Monnaie. J'aime bien les personnages épouvantables. Ceux qui sont trop sages m'ennuient terriblement. Lady Macbeth, Salomé, voilà des héroïnes intéressantes car elles ne sont pas toutes noires. Abigaïl non plus. On se trompe lorsqu'on en fait un personnage monochrome. Elles ont toutes une dimension humaine importante même en étant très malfaisantes. Elles sont tellement complexes qu'on n'a jamais fini de les travailler. Même Aïda n'est pas si linéaire que çà. Quand elle comprend qu'Amnéris aime aussi Radamès et qu'elle accepte d'aider son père, son jeu est assez trouble. Toutes ces femmes sont le contraire de moi-même qui suis nettement tendre et sentimentale. C'est pour cela que j'aime les jouer. Etre moi-même sur scène ne m'intéresse pas. J'aime beaucoup rire, plaisanter. Avec Jean-Philippe Lafont qui est mon meilleur ami et que je retrouve tout le temps comme partenaire, nous nous amusons beaucoup car nous n'avons pas plus l'un que l'autre une mentalité de vedette.

     
    Comment avez-vous été accueillie à l'Opéra Bastille ?

    Extrêmement bien. C'est un théâtre où l'on travaille dans de magnifiques conditions. J'étais venue en catastrophe l'an dernier sauver un spectacle de Macbeth, mais cette fois j'étais vraiment attendue. Tous se souvenaient de moi, mais au début ils semblaient un peu distant et craintif, comme attendant mes premiers caprices ou mes premières colères puisque cette fois j'étais la prima donna en titre. Comme ce n'est pas du tout mon genre, j'ai mis tout le monde à l'aise, le climat a immédiatement changé et ce fut un réel plaisir. Nous avons travaillé avec un assistant du théâtre, Alejandro, d'après des videos. Nous savions donc le comment, mais pas le pourquoi de ce que devions faire. Alors nous nous sommes inventé nos propres histoires entre nous pour donner du sens à nos actions. Je ne peux rien faire si je ne sais pas pourquoi je le fais. Il faut que je comprenne.

     
    Votre succès public dans Tosca nous vaudra-t-il de vous revoir à l'Opéra Bastille ?

    J'ai un autre projet, mais qui était décidé avant. C'est vrai que je n'étais pas certaine de l'accueil que je recevrais. Je suis la démonstration vivante du fait qu'on ne peut pas chanter en France en étant français, même si Jean-Philippe Lafont est l'exemple contraire qui confirme la règle ! Quand on est venu me chercher pour saluer, j'ai dit au régisseur: "Tiens! On ne siffle pas !". "Et pourquoi voulez-vous qu'on siffle?" Ma réponse est venue toute seule: " Parce que je suis française !". Voici quelques années, j'ai rencontré Madame Crespin à San Francisco où je faisais mes débuts. Elle s'est rappelée m'avoir fait travailler et quand je lui ai dit que je ne faisais rien en France, elle, qui savait de quoi je parlais m'a dit: "Ritorna vincitor !". Je n'ai pas l'impression d'avoir remporté une victoire, mais je suis heureuse que mon retour en France se soit fait par la grande porte, même si je sais que cela ne changera pas grand-chose dans ma carrière. D'ailleurs pour moi, l'essentiel est de chanter ces rôles que j'aime, que ce soit à New York, à Milan, à Londres ou à Paris.

     

    Le 23/10/2000
    Gérard MANNONI


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