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ENTRETIENS 25 avril 2024

La main verte
de Luca Pianca

© Vico Chanla

Il Giardino Armonico (le Jardin harmonique) est l'une des fomations qui a rénové l'interprétation du répertoire baroque italien. À côté d'une collaboration remarquée avec Cecilia Bartoli, l'ensemble assume parfaitement sa virtuosité débordante. Rencontre avec Luca Pianca, luthiste co-fondateur de l'orchestre.
 

Le 24/10/2000
Propos recueillis par Philippe VENTURINI
 



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  • Votre dernier disque réunit une vingtaine de pièces instrumentales du baroque italien naissant. Il s'intitule simplement " Viaggio Musicale ". Comment l'avez-vous conçu ?

    Après avoir exploré une bonne partie du XVIII° siècle italien (Corelli, Vivaldi, notamment), il nous fallait aller vers le XVII° siècle et, en particulier, vers le répertoire pour cordes. En choisissant des compositeurs contemporains de Monteverdi, nous avons pu présenter un riche éventail de la musique d'alors qui se concentre dans des pièces de courte durée. Nous avons pensé qu'il était plus intéressant de commencer par une anthologie, un " Voyage musical " pour reprendre le titre du disque, que par une intégrale Uccellini. Peut-être plus tard

     
    Votre choix semble guidé par la liberté et la spontanéité de l'écriture, n'est-ce pas ?

    Dans le baroque naissant, la musique épouse des formes encore très souples, voire à peine esquissées. Sa virtuosité facile et saine, son goût de l'expression simple et directe font sa force. C'était une musique à la portée de tous, parfois de tournure populaire. Ainsi "la Bergamasca" est une musique de bistrot dans laquelle le violon doit pouvoir imiter la voix humaine. Corelli a, le premier, commencé à donner des formes fermées à la musique instrumentale, procédé que les compositeurs des "Lumières" ont généralisé. Aussi les musiques réunies sur notre disque n'ont-elles rien de "classique".

     
    Les ensembles baroques nous ont habitués à un diapason bas, pourquoi avoir choisi un diapason au contraire plus élevé que celui des orchestres modernes ?

    À cette époque, le diapason dans le nord de l'Italie était plus haut que les diapasons "baroques" employés aujourd'hui (la = 466 Hz, soit un demi-ton supérieur au diapason classique) comme en témoignent les orgues et les instruments à vent historiques. La musique gagne en tension et, en même temps, en clarté. Les violons équipés de cordes en boyau nu sans la moindre corde filée sonnent avec davantage de netteté. Mais nous recherchions des sonorités douces ce qui a guidé notre choix des instruments pour le continuo et de l'acoustique pour l'enregistrement. Nous avons choisi une petite église qui soutient le son sans le brouiller.

     
    Quelle marge de liberté ces partitions laissent-elles à l'interprète ?

    Sur le papier, ces musiques se montrent très simples. Aussi peuvent-elles vite devenir ennuyeuses. Aux interprètes de savoir les défendre en improvisant, en l'enrichissant selon les techniques de l'époque. C'est pourquoi nous avons travaillé ce programme pendant trois ans en concert avant de l'enregistrer. Par ailleurs, une volonté de contraste et de diversité a présidé à la construction du programme. Ainsi la Sonate X de Castello s'achève dans un désordre sonore qui contraste avec le caractère funèbre de la Sonate à quatre de Riccio qui la suit.

     
    Ne trouvez-vous pas que l'exploit virtuose prend parfois le pas sur l'expression musicale dans certaines "performances" baroques ?

    La virtuosité est un des éléments essentiels de la musique baroque mais son caractère quasi revendicatif s'est un peu estompé avec le classicisme. Elle n'exclut nullement l'expressivité. Les concerts que nous venons de donner avec Cecilia Bartoli le prouvent : le public manifeste autant d'enthousiasme après une pièce dramatique et intense qu'après une pièce purement acrobatique. S'il y a une surenchère actuelle dans la virtuosité au sein des ensembles baroques, la responsabilité en revient à Reinhardt Goebel. C'est lui qui, par son exigence, a rehaussé le niveau technique général. Moi qui ai participé à l'enregistrement de la Passion selon saint Jean sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, je peux vous assurer que les cordes du Concentus Musicus de Vienne sont maintenant bien supérieures à ce qu'elles étaient. L'écoute des disques a certainement eu aussi une influence positive et il est vrai que le niveau international tend à s'uniformiser. L'Akademie für alte Musik de Berlin est ainsi devenue un clone de Musica Antiqua Köln. Pourtant, personne n'a égalé la cohésion de l'orchestre de Trevor Pinnock.

     
    Comment se dessinent vos projets discographiques ?

    Jusqu'à présent, notre discographie a fait la part belle à la musique instrumentale. Nous voudrions maintenant explorer un répertoire vocal italien inédit du début du XVII° siècle tout en "allant" vers Haydn et Mozart. Notre politique d'enregistrement reste très raisonnable, volontairement limitée à un titre par an, choisi en accord avec notre éditeur. Je suis persuadé qu'il reste beaucoup de bonne musique à découvrir dans les bibliothèques italiennes, en particulier à Bologne.

     
    Quelle est la santé financière de votre ensemble ?

    Il Giardino Armonico parvient à couvrir ses frais. Les musiciens peuvent vivre de leur travail. Mais nous ne disposons d'aucune autre recette que nos propres bénéfices, d'aucune subvention. Aussi devons-nous beaucoup voyager ce qui, à la longue, se révèle très fatigant : deux cent cinquante concerts par an ! Mais personne ne se plaint vraiment puisque depuis quinze ans trois musiciens seulement ont quitté l'ensemble.


    4 disques pour découvrir Il Giardino Armonico

    -Viaggio Musicale chez Teldec Das Alte Werk
    -Battalia - The Tempest chez Teldec Das Alte Werk
    -Vivaldi: "Il Proteo" - Concertos avec Christophe Coin chez Teldec Das Alte Werk
    -The Vivaldi Album avec Cecilia Bartoli chez London/Decca

     

    Le 24/10/2000
    Philippe VENTURINI


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