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ENTRETIENS 25 avril 2024

Stefan Soltesz,
le renouvellement constant

© Jonas Holthaus

Assistant de Karl Böhm, Christoph von Dohnányi et Herbert von Karajan dans sa jeunesse, puis intendant pendant seize années de l’Aalto Muskitheater d’Essen, le chef d’orchestre autrichien d’origine hongroise Stefan Soltesz, qui a fêté ses 70 ans, continue à développer son répertoire, pour diriger cette saison les rares Dalibor, Jeanne d’Arc et Les Huguenots.
 

Le 03/04/2019
Propos recueillis par Vincent GUILLEMIN
 



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  • Vous dirigez pour la première fois Dalibor de Smetana, en allemand, Ă  l’OpĂ©ra de Francfort. Pourquoi cet ouvrage ?

    Lorsqu’on m’a proposé ce projet, j’ai répondu positivement d’abord parce que j’aime particulièrement diriger ici, à Francfort, à cause de l’orchestre autant que de la dynamique du répertoire et de l’intendant. Ensuite, parce que depuis que je suis free lance, je suis très intéressé pour découvrir des ouvrages que je n’ai jamais dirigés, et ainsi agrandir encore mon répertoire. Je cherche maintenant à diriger chaque saison une ou deux œuvres nouvelles, afin de maintenir mon cerveau en éveil.

    Il y a six ans, en préparant mes contrats, je ne m’étais pas rendu compte que pendant plus de six mois, je n’allais diriger que du Richard Strauss ! Je fais maintenant attention à ne plus me retrouver dans cette situation, et diriger une œuvre tchèque comme Dalibor est particulièrement intéressant, car c’est un répertoire que je maîtrise beaucoup moins naturellement que la musique germanique.

    De Dalibor, je n’avais jusqu’à aujourd’hui dirigé qu’une aria, celle de Milada pour accompagner Lucia Popp. Cet opéra m’intéresse d’autant plus qu’il a des liens forts avec le répertoire germanique. Évidemment, l’œuvre est fortement influencée par Fidelio, que je dirige d’ailleurs en ce moment en même temps à Cologne, mais aussi par Wagner.

     

    Pourquoi cette production est-elle en allemand, alors que cet opéra est considéré comme un ouvrage national tchèque ?

    J’étais en effet au début un peu refroidi par le fait que ce soit chanté en allemand, car j’ai déjà dirigé La Fiancée vendue en allemand, et c’était un peu compliqué pour les récitatifs, qui ne fonctionnent pas dans cette langue. En étudiant Dalibor, j’ai découvert d’abord qu’il n’y avait que très peu de récitatifs, puis, et c’est primordial, que durant les premières décennies de sa vie, Smetana ne parlait presque qu’allemand, et qu’originellement, la partition a été composée à partir du texte en allemand. Cela a été ensuite traduit en tchèque, pour être créé dans cette langue.

     

    Vous évoquiez juste avant Richard Strauss et en effet, nous avons l’habitude de vous entendre diriger ce compositeur, quels sont vos liens avec lui ?

    J’aime beaucoup la musique de Ricahrd Strauss, mais finalement j’ai vraiment commencé à le diriger à Essen, alors que j’étais intendant et directeur musical de l’Opéra. J’ai finalement cherché à interpréter les opéras moins joués qu’Elektra et Salomé, pour commencer avec Arabella. Cela a été un grand succès, alors j’ai continué, par exemple avec Daphné, ou encore à Francfort avec Hélène d’Égypte.

    Ce que j’aime particulièrement avec ce compositeur est que si vous le jouez correctement, malgré un orchestre énorme, le rendu n’est pas juste fort. Il y a énormément de couleurs, et vous pouvez vous en servir, même dans un opéra avec de grands fortissimi comme La Femme sans ombre. Plus de la moitié du temps, vous pouvez revenir à la couleur et chercher à diriger ces ouvrages presque comme du Debussy. Les contrastes sont superbes, c’est d’ailleurs pour cela aussi que j’ai pris un vrai plaisir ces dernières années à découvrir Schreker, dont j’ai dirigé Les Stigmatisés à Cologne.

     

    Du côté des raretés, vous allez bientôt diriger Jeanne d’Arc de Braunfels à Cologne et Les Huguenots à Dresde.

    Braunfels est très étrange, car c’est très allemand. Il est beaucoup plus proche de Reger ou de Hindemith que de Zemlinsky. Pour Meyerbeer, j’avais déjà dirigé Les Huguenots à la Deutsche Oper il y a une vingtaine d’années, et je suis heureux de revenir à cet ouvrage, d’autant qu’à Dresde, Konwitschny assure la mise en scène. Mais j’avoue qu’en reprenant la partition, j’en avais oublié une grande partie et j’ai vraiment dû la retravailler.

     

    Quel est votre période favorite finalement ?

    C’est une question compliquée. Lorsque je dirige des concerts, je reviens finalement à Beethoven et Brahms. Bien sûr à Mahler aussi, mais aujourd’hui cela ne sert plus à rien de le mentionner, car tous les chefs du monde en dirigent. J’aime aussi énormément la Seconde École de Vienne, qui est peut-être ma période favorite, sans doute parce que j’ai étudié à Vienne, et que cela me ramène à un monde nostalgique, que je n’ai pourtant pas véritablement connu.

    J’aime aussi beaucoup diriger Debussy ; mon dernier opéra à Essen était Pelléas, et cela avait une tonalité particulière pour moi. L’une de mes premières représentations était aussi Pelléas, à Graz, à Hambourg également, ainsi qu’à Paris. J’aime particulièrement ses pièces symphoniques également, ainsi que celles de Ravel.

     

    On en revient à la couleur…

    Oui mais ce n’est pas la même. Debussy a une gestion des couleurs fascinante, mais il garde toujours une certaine distance. Strauss à une couleur Jugendstil, parfois trop fleurie. Debussy est plus pur, plus clair, et des gens comme Boulez nous ont montré comment cela pouvait sonner, une transparence mais aussi une distance passionnantes. Lorsque j’étais assistant à Vienne, l’un des moments les plus forts de ma vie fut un concert avec Boulez qui dirigeait les Nocturnes de Debussy.

    Je préparais le chœur de femmes et étais fasciné par son interprétation. J’ai également débuté mes études avec des colloques de Friedrich Cerha ; personne n’appréciait, sauf moi. C’était d’autant plus intéressant que ces colloques étaient réservés aux musiciens, donc avec un niveau élevé. De nombreuses pièces m’ont été présentées ici, comme L’Histoire du soldat ou Le Marteau sans maître. Cerha m’appréciait beaucoup et très jeune, il m’a donné la possibilité de diriger des programmes pour la radio. J’ai donc commencé avec la musique contemporaine, et je ne l’ai jamais quittée.

     

    Comment voyez-vous l’opéra ?

    Pour moi c’est un projet global. Quand j’étais étudiant, j’ai commencé à aller à l’Opéra de Vienne avec les places debout, puis j’ai arrêté. Les chanteurs étaient fantastiques évidemment, mais ils étaient souvent perdus sans chef et surtout sans mise en scène. Lorsque j’étais enfant, j’ai chanté dans le chœur de Tosca à Vienne, et lorsque j’y ai dirigé ma première Tosca, alors que j’avais plus de quarante ans, c’était la même production ! Je ne dis pas que l’on doit totalement transformer l’histoire d’un opéra, mais on ne peut rester ancré toujours dans le passé.

    Étudiant, j’ai commencé à aller au Burgtheater et là, les productions n’étaient évidemment pas aussi belles à regarder, mais beaucoup plus intéressantes. Puis lorsque j’ai quitté Vienne pour Hambourg, cela a été une impression très forte, car c’est la première fois que j’ai vu du Regietheater. J’ai vu Katia Kabanova là-bas, et c’est la première fois que j’ai ressenti l’opéra comme un art total, intégré au théâtre et non pas juste fait pour écouter de bons chanteurs. Ensuite, lorsque j’ai été intendant à Essen, j’ai toujours voulu trouver de nouveaux metteurs en scènes. Pas forcément révolutionnaires, mais nouveaux, afin de toujours renouveler le regard sur les œuvres.

    J’ai été l’un des premiers à inviter par exemple Barrie Kosky en Allemagne, pour Tristan. Je ne dis surtout pas que je l’ai découvert, car de toute façon il aurait été invité trois mois plus tard par un autre vu son talent, mais je crois avoir été le premier. Idem pour Stefan Herheim, avec Les Puritains, qui a été un grand succès et a donné de la visibilité à sa carrière. Évidemment, nous avons raté certaines productions, mais il y a eu aussi de très grandes réussites, et lorsque c’était réussi, cela l’était totalement. Il faut donc toujours apporter de la nouveauté, et prendre des risques, au risque de se tromper.

     

    Le 03/04/2019
    Vincent GUILLEMIN


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