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ENTRETIENS 28 mars 2024

Vincent Dumestre, sa vie est un Poème
© Eric Sebbag

Guitariste classique repenti et désormais luthiste-guitariste baroque-théorbiste avisé, Vincent Dumestre a fondé son ensemble le Poème Harmonique autour d'un projet de reviviscence de répertoires ou de styles de jeu oubliés, particulièrement ceux du XVIIe siècle, de préférence français ou méditérannéens. Rencontre en prose.

 

Le 10/11/2000
Propos recueillis par Roger TELLART
 



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  • Vincent Dumestre, le luth ne fut pas, je crois, votre première passion en musique ?

    Effectivement. J'ai d'abord fait mes classes de guitare classique à l'Ecole Normale de Musique de Paris. Puis le coup de coeur pour le luth m'est venu, suite à un stage avec Hopkinson Smith (on peut trouver plus mauvais maître !). En réalité, j'ai toujours eu une relation très forte à la musique ancienne, principalement celle du XVIIe siècle et ma "conversion" au luth était inscrite dans ce rapport.

     
    La création du Poème Harmonique découle sans doute du même intérêt pour le passé...

    Disons que je ne voulais pas me limiter au seul rôle d'instrumentiste et de continuiste, mais donner vie à un projet créatif et collectif proposant une vision nouvelle des choses dans le répertoire qui me passionnait. De cette idée est né le Poème Harmonique : une formation à géométrie variable qui joue le jeu de l'aventure des timbres dans la mise en regard d'un "concer " d'archets (violons et violes) avec un riche continuo de cordes pincées (théorbe, luth, tiorbino, harpe). Au-delà, c'est une interprétation essentiellement expressive que je vise, à la fois lecture mélodique du son et lecture rhétorique des mots. Avec le souci de tirer de l'oubli des compositeurs dont la musique fut novatrice, à travers un travail qui touche bien évidemment au vocal et nous conduit à aborder tant le répertoire du madrigal et du motet en Italie que la chanson et l'air de cour en France, au début du XVIIe siècle.

     
    À cet égard, je sais qu'une autre idée vous tient à coeur dans ce retour aux premiers temps du Baroque : rendre sensible l'interaction qui existait alors entre la musique et les arts plastiques.

    Absolument. Je me bats contre les étiquettes, les clivages, ce fléau de notre époque. Au XVIIe siècle, sauf rares exceptions, tout artiste était à la fois un peu musicien, un peu peintre, un peu poète. Avec, à chaque fois, un regard attentif sur l'environnement esthétique du temps. Le cas de Marc-Antoine Charpentier, parti sans doute à Rome pour étudier la peinture et se retrouvant élève en musique du grand Carissimi, est certainement le plus célèbre. Un comportement qui nous paraît bien singulier aujourd'hui.

     
    En tout cas, la différence que vous introduisez dans les musiques que vous revisitez porte ses fruits apparemment, car vous ne chômez pas, dirons-nous. Avec, entre autres au disque, ce passionnant album consacré à Etienne Moulinié.

    Oui, c'est là une réalisation qui m'est chère. Avant tout, parce qu'elle tire de l'ombre Moulinié, cette grande figure méconnue de la première moitié de notre XVIIe siècle. Ensuite, parce que la musique y est mise en situation avec des textes poétiques (français, italiens, espagnols, occitans) d'une façon stimulante, et j'espère, exemplaire.

     
    Précisément, on sent dans le soin apporté à la prosodie et au mouvement oratoire du chant, la marque d'Eugène Green dont les théories sur la déclamation – avec une prononciation à l'ancienne qui ne prête plus à sourire – ont trouvé un écho enthousiaste dans vos interprétations.

    Justement, ce souci d'une déclamation qui en soi est déjà musique renvoie toujours à l'interaction entre les arts évoquée plus haut. Mais tout en étant à l'écoute du pouvoir du mot et du "dire", je ne cesse de garder le cap sur l'ornementation (vocalises, mélismes, diminutions) d'une ligne de chant où l'improvisation a sa part. Et à ce sujet, un nouveau disque de notre groupe paraît ces jours-ci, qui, autour du Stabat Mater de Pergolèse, fait appel à des chanteurs tout ensemble impliqués dans le concert baroque et dans les répertoires dits traditionnels, tels Patrizia Bovi et Pino de Vittorio.

     
    Qu'attendez-vous de cette confrontation entre le savant et le populaire ?

    Essentiellement un effet tonifiant sur les oeuvres et une nouvelle réflexion pour l'auditeur. De plus, cette pratique est en conformité avec les usages musicaux du Baroque où le signe écrit n'est souvent là qu'à titre de repère ou de schéma pour guider les interprètes. C'est à partir du Romantisme qu'on a sacralisé la fonction de la note écrite.

     
    L'incontournable question obligée, pour conclure. Vincent Dumestre, quels sont vos projets et vos ambitions dans les mois qui viennent ?

    D'abord un travail sur les Airs de cour de Guédron, en collaboration avec le Centre de Musique Baroque de Versailles. Puis un projet sur Francesco Manelli, imprésario ingénieux et musicien valeureux qui introduisit l'opéra à Venise en 1637 (on lui doit aussi le principe des théâtres à entrée payante dans la Sérénissime République). Aussi bien, qu'il s'agisse de la France ou de l'Italie, notre objectif n'est pas de parvenir à une authenticité bien incertaine, sinon impossible à saisir, mais de proposer une piste. Une suite d'images qui donnent à voir et à rêver à partir des notes, reflet séduisant et plausible de ce que la réalité historique et musicale a pu être.

     


    3 disques pour découvrir le travail de Vincent Dumestre avec le Poème Harmonique :
    -MOULINIÉ Estienne "L'Humaine Comédie " ALPHA005
    -BELLI Domenico "Il nuovo stile "avec Guillemette Laurens, ALPHA002
    -VISÉE Robert de " La Conversation " - Textes de Théophile de Viau - Vincent Dumestre, théorbe, Eugène Green, déclamation ALPHA003

    Prochain concert
    -Le 28 Novembre à l'Église St Roch à Paris dans le Stabat Mater de Pergolèse

    À paraître :
    PERGOLESE Giovanni Battista Stabat Mater - Musica napoletana per la festa della Vergine dei Sette dolori - avec Patricia Bovi, Pino De Vittorio et les Pages et Chantres de la Chapelle ALPHA009

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    Le 10/11/2000
    Roger TELLART


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