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ENTRETIENS 26 avril 2024

Philip Venables,
baroque d’aujourd’hui

Remarqué à Strasbourg pour son opéra de chambre 4.48 Psychosis, Philip Venables revient cette fois à Montpellier avec son collaborateur Ted Huffman pour Denis & Katya. Encore plus restreint par l’effectif mais toujours aussi moderne par le style, nous avons souhaité en savoir plus sur ce projet en interrogant le compositeur britannique, âgé de 42 ans.
 

Le 25/07/2021
Propos recueillis par Vincent GUILLEMIN
 



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  • Après le succès de 4.48 Psychosis, vous revenez en France avec un nouvel opĂ©ra, Denis & Katya.

    Après 4.48, nous avons cherché avec Ted Huffman [librettiste et metteur en scène, NDLR] une nouvelle idée et nous nous sommes envoyé plusieurs propositions sans véritablement les valider. En novembre 2016, cette information sur la mort de deux adolescents en Russie est apparue dans le fils Facebook de Ted en lien sponsorisé ; nous avons alors commencé une conversation sérieuse sur le sujet, pour savoir si cela pouvait faire un bon sujet d’opéra.

    Les histoires que nous nous échangions tournaient déjà de plus en plus autour d’Internet et des méfaits des réseaux sociaux, mais celle-ci nous a paru particulièrement frappante. Nous l’avons mise en stock parmi les bonnes idées, puis sommes revenus dessus très motivés quelques mois plus tard, lorsque nous étions tous deux à Philadelphie. Nous avons donc proposé là-bas ce projet et avons obtenu un feu vert, puis Valérie Chevalier, la directrice de l’Opéra de Montpellier, est entrée dans le projet juste après.

     

    L’opéra est prévu pour seulement un couple de chanteurs et quatre violoncelles. Pourtant le projet date d’avant le confinement, qui ne peut être la raison d’un effectif si réduit ?

    4.48 Psychosis a été particulièrement bien reçu, mais malgré un effectif contenu, celui-ci était déjà trop large pour pouvoir être rejoué dans de nombreuses compagnies. Évidemment, à Strasbourg ou Dresde, nous aurions pu faire trois fois plus grand, mais le projet initial était d’en faire une pièce jouable presque partout. Nous avons donc intentionnellement décidé de créer un opéra de poche, jouable dans n’importe quel lieu.

    J’ai alors très vite pensé à trois ou quatre chanteurs et à un quatuor à cordes, puis le quatuor classique m’a semblé trop conventionnel, et comme j’adore écrire pour un groupe de mêmes instruments, comme par exemple avec les deux groupes de trois, à l’intérieur de l’ensemble de douze musiciens de 4.48, j’ai finalement maintenu l’effectif du quatuor, mais seulement avec des violoncelles. En définitive, nous aimions avec Ted l’idée d’un opéra très restreint et donc sans chef, avec les musiciens sur scène et un rapport très direct avec le public.

     

    4.48 Psychosis est écrit à l’origine pour une seule femme, mais vous l’avez transcrit pour plus avec Ted Huffmann ; dans Denis & Katya, le sujet fait que vous devriez avoir beaucoup plus d’intervenants, et finalement, vous n’en gardez que deux.

    Dans 4.48, nous aimions l’idée de jouer sur les caractères et les sensations avec les artistes présents en scène, ce qui créait pour nous un format d’opéra un peu en dehors des standards. Nous avons donc utilisé plusieurs chanteurs pour ne finalement tenir qu’un même rôle, celui de la narratrice de la pièce. Dans Denis & Katya nous prenons le contre-pied puisque nous n’utilisons qu’un couple, mais qui joue de multiples rôles sans jamais porter les deux personnages principaux. Il y a donc six personnages autour de l’histoire, et parfois ils sont parlés par la soprano et chanté par le baryton, parfois l’inverse, parfois chantés ensemble, parfois l’un en russe et l’autre dans la langue du pays où est joué l’opéra.

     

    Vous travaillez de manière très proche avec Ted Huffman, que l’on a également vu à Montpellier pour des mises en scène lyriques. Comment collaborez-vous avec lui ?

    Nous sommes en effet très proches et avons des goûts et des idées très similaires sur de nombreux sujets. Nous échangeons quasi quotidiennement, même lorsque nous n’avons pas de projet en cours, ce qui en fait devient rare, car nous travaillons déjà sur notre troisième opéra et sur d’autres partitions. C’est l’artiste que certains grands compositeurs n’ont jamais eu, avec lequel je sais que je vais trouver toutes les solutions que je recherche.

     

    Denis & Katya a été créé en anglais avec deux distributions à Philadelphie ; à Montpellier, c’est une création de la version française, avec une nouvelle distribution. Comment avez-vous travaillé avec les artistes ici ?

    L’idée de cet opéra est de toujours le traduire dans la langue du pays qui l’écoute, afin qu’il soit le plus direct possible pour l’auditeur. À Hanovre, qui a depuis commandé aussi l’ouvrage, nous le jouerons pour la première fois en allemand. Donc en France, nous avons traduit l’opéra grâce à Arthur Lavandier et au chef et pianiste Alphonse Cemin, et nous avions besoin de chanteurs qui connaissent le français. Chloé Briot comme Elliot Madore étaient particulièrement enthousiastes ont été extrêmement impliqués dans le projet. C’est une œuvre difficile à apprendre, notamment parce que les personnages peuvent changer à chaque instant dans leur bouche.

     

    Depuis votre précédent opéra, vous êtes plus visible pour une partie du public comme des professionnels. Vous définissez-vous pour autant comme un compositeur d’opéra à part entière, ou tout simplement comme un compositeur contemporain qui touche aussi à l’opéra ?

    Clairement comme un compositeur d’opéra. J’adore ça, le principe même de l’opéra, la collaboration, avec Ted mais aussi avec toutes les personnes nécessaires pour un tel projet. Même dans les concerts et pour mes prochaines compositions, j’utilise maintenant systématiquement la voix, parlée ou chantée. C’est probablement là que sont mes forces et je dois dire que je serais un peu terrifié si je devais composer demain sans pouvoir utiliser de texte.

    Les concerts-portrait qui vont avoir lieu à Paris dans le cadre du Festival d’Automne et à Strasbourg pour Musica en octobre prochain, avec les cycles Numbers puis Illusions, utilisent et focalisent même sur la voix. Numbers est basé sur des poèmes de Simon Howard sur lesquels j’ai toujours voulu écrire. Ils sont faits pour le collectif lovemusic et seront chanté par la soprano Grace Durham, qui était déjà dans 4.48 à Dresde.

     

    Du coup, aimeriez-vous écrire dans le futur un opéra sans limite d’effectif, à l’instar des ouvrages récents de Reimann, Neuwirth ou Saariaho, et dans quel style musical ?

    Bien sûr ! J’aime beaucoup l’opéra de chambre et ce que cela nécessite de concentration, à écrire comme à écouter, mais je crois qu’il serait maintenant très excitant pour Ted et moi de travailler sur une pièce bien plus grande et de voir où cela nous amène. Justement, nous travaillons sur un nouvel opéra qui prendra le contrepied de nos deux précédents ouvrages qui s’achèvent par des suicides. Ce sera cette fois une pièce beaucoup plus joyeuse, presque en forme de musical baroque.

    J’essaye d’écrire de manière lyrique et d’exprimer le texte aussi clairement qu’il peut l’être pour la ligne vocale. Dans le même temps, j’utilise aussi beaucoup les textes parlés en plus des parties chantées, et tente aussi de rendre cela très théâtral, notamment dans la caractérisation de chacun des personnages, surtout s’ils sont chantés par une même personne ou un même groupe.

    Mes influences et ceux que j’ai découvert très jeune sont Chostakovitch, Stravinsky ou Prokofiev, les Russes les plus effusifs, et je crois qu’ils font partie intégrante de mon esthétique. J’utilise aussi l’électronique, surtout pour amplifier ou pour ajouter des sons contemporains comme ceux que nous avons sur nos smartphones et à l’inverse, je suis aussi beaucoup imprégné par le style baroque dans ma façon de construire les parties et notamment certains moments forts.

     

    Le 25/07/2021
    Vincent GUILLEMIN


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