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ENTRETIENS 20 avril 2024

Stéphanie d'Oustrac, une voix qui donne chaud
© Eric Sebbag

Jeune talent révélé par William Christie, Stéphanie d'Oustrac a fait forte impression cet été à Aix et cet automne au Châtelet. Son ambiguïté vocale, entre mezzo et soprano, n'est pas le moindre de ses charmes, tout comme son irréfutable présence scénique. Elle était au Théâtre Grévin le dimanche 19 pour un programme 100% Hændel.

 

Le 18/11/2000
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • StĂ©phanie d'Oustrac, on vous a beaucoup remarquĂ© cet Ă©tĂ© Ă  Aix-en-Provence, dans le Ritorno d'Ulisse dirigĂ© par William Christie, et tout rĂ©cemment, c'est au Châtelet que vous vous ĂŞtes illustrĂ©e. Racontez-nous cette Belle HĂ©lène parisienne.

    Au Châtelet, j'avais le rôle de Leoena, l'une des jeunes filles qui accompagnent Oreste ; on me l'a proposée en fait il y a deux ans, à ma sortie du Conservatoire et surtout après mon Thésée avec William Christie. Je me demande presque si l'on ne m'a pas engagé, moi et Magali Léger, pour notre physique, car nous sommes très "exposées " : nous paraissions en maillot de bain, ce qui demande un certain travail sur soi
    Pour la reprise l'année prochaine, je reprendrai le rôle d'Oreste.

     
    Reconnaissons que vous tirez parfaitement partie de votre physique, car, tout le monde s'en est rendu compte, vous êtes une véritable actrice. Avez-vous suivi des cours d'art dramatique ?

    Oui. J'ai d'abord étudié le théâtre au Conservatoire de Région de Rennes. Le théâtre a été une passion dès le plus jeune âge, mais j'avais aussi découvert le chant à douze ans dans une maîtrise, avec un chef du chant qui m'a donné le virus de la musique : je me suis dit qu'il ne fallait pas faire uniquement du théâtre, et qu'il fallait que j'exploite la voix, qui procure un bonheur presque plus entier. Après le Conservatoire, j'ai donc approfondi le chant au Conservatoire Supérieur de Lyon. L'aspect physique compte beaucoup à l'heure actuelle, surtout avec les nouveaux supports médiatiques ; dans la Belle Hélène, quand on regarde Felicity Lott, on est frappé par un physique, par une beauté scénique qui respire l'intelligence. Cette production était exceptionnelle, car tous collaient littéralement aux personnages.

     
    Sur le plan musical, votre formation se poursuit maintenant encore. Par exemple, à l'écoute de votre voix, on est frappé par la rondeur et la chaleur, proches de celles d'une mezzo. Alors, mezzo ou soprano ?

    On me pose très souvent cette question, à Aix notamment. Au début, à Lyon, j'étais soprano. Pour l'instant, je travaille beaucoup le mezzo. Des rôles comme Chérubin ou Didon me conviennent bien, comme beaucoup d'autres rôles qui demandent des voix ambiguës. Mais je ne suis pas la seule dans ce cas, de nombreuses chanteuses sont dans ma position. En réalité c'est Margreet Honick, mon professeur, qui m'a fait sortie ces graves de mezzo.

     
    Vous évoquez Didon qui est pour vous un événement très attendu puisque vous allez l'aborder avec Les Arts Florissants au Théâtre des Champs-Élysées. Ce rôle est-il pour vous un défi ?

    Je l'ai chanté dans des structures moins importantes, mais je me sens plus mûre, notamment grâce à mes activités scéniques. Ce Didon et Énée fera d'ailleurs l'objet d'une mise en espace, que je ne connais pas encore, et partira en tournée jusqu'aux États-Unis. Ce sera une découverte excitante, dont j'attends énormément ! J'ai bien sûr mon idée du personnage, mais je dois aussi me concerter avec la personne qui créera la mise en espace.

     
    Qu'attendez-vous d'un metteur en scène et comment s'est passée la collaboration avec Laurent Pelly au Châtelet ?

    Du metteur en scène, j'attends qu'il m'aide à franchir mes limites, ce qui fut le cas avec Laurent Pelly. Je ne le connaissais pas, sinon à travers sa mise en scène d'Orphée aux Enfers à Lyon. Il est très courageux , il aime suivre tous les détails, y compris pour les petits rôles. Je lui en sais gré, car c'est un homme très sollicité, et malgré cela, il prend le temps de répondre. Et surtout, Laurent Pelly est extrêmement ouvert à la sensibilité de chacun, il laisse la possibilité de faire des choses non prévues au départ. C'est tout le contraire de Nicolas Rivenq, qui a mis en scène la Trilogie Monteverdi avec Jean-Claude Malgoire. Nicolas Rivenq est une figure très entière, impérieuse. Je vais le retrouver avec plaisir à Paris pour la reprise de la Trilogie, et à Genève, où je chanterai dans Madame de
    C'est en outre lui qui chantera Enée avec moi au Théâtre des Champs-Élysées.

     
    À Aix-en-Provence, c'était Adrian Noble, dont la mise en scène a fait sensation dans Il Ritorno d'Ulisse.

    Lui aussi vient du théâtre, tout comme par exemple, Jean-Marie Villégier, autre personnage important pour mon expérience de la scène. Il part d'abord du texte, sans toutefois rien "plaquer" au départ : il accorde une grande attention aux chanteurs, et à leurs possibilités, à ce qu'ils ont envie de donner. Pendant les séances de travail, il nous demande d'aller très loin dans le rôle, j'ai dû par exemple beaucoup pousser la sensualité du rôle de Melantho. Ensuite, il retranche les éléments qui ne peuvent être conservés, tout en évitant de perdre le personnage.

     
    Comment se passe le travail avec William Christie ?

    C'est d'abord quelqu'un de très exigeant sur scène. C'est lui qui m'a découverte et qui a cru en moi, dès ma sortie de Conservatoire. Il m'a offert le rôle de Médée, dans le Thésée de Lully de l'Académie d'Ambronay : on ne pouvait pas rêver mieux à cet instant d'une carrière. William Christie aime qu'on donne quelque chose, quitte à le déranger. Son grand mot, c'est "Donnez, c'est le plus important". C'est le fondement même de notre métier. Tout ce que nous avons fait ensemble, m'a procuré de grands moments de joie.

     
    On l'a compris, la scène avant tout dans les prochains mois.

    Oui. Il y aura donc Didon en janvier 2001, Oreste dans la reprise de La Belle Hélène au Châtelet, et des petits rôles comme Javotte dans Manon et Mercedes dans Carmen à l'Opéra Bastille. Je chanterai aussi Chérubin à Saint-Étienne. C'est une grande joie, car ce sont les airs que j'ai travaillés, quand j'ai commencé à aborder la musique d'opéra. J'ai aussi chanté, l'année dernière, Zerline à Rennes, puis à Tours dans une autre production. C'est aussi un rôle où la couleur de la voix dépend des choix du metteur en scène. J'ai chanté beaucoup de Mozart, qui est un compositeur très exigeant. J'ai commencé par ses Lieder, et j'avoue que je n'arrive pas encore à donner ce que j'ai envie de donner dans Mozart. Je fais beaucoup de récitals, et j'aimerais vraiment donner plus de temps aux récitals, qui me donne la possibilité de dépeindre plusieurs personnages en une seule soirée.

     
    D'où le risque de se laisser emporter par les personnages, au détriment du chant pur.

    Ce qui est passionnant durant un récital, c'est de voir le public. L'une de mes premières tournées, c'était justement une série de récitals en Alsace. Il y a devant vous un public qui ne vous connaît pas, et qui n'attend qu'à être ravi par la musique que vous allez lui proposer. Petit à petit, on sent croître le degré d'intérêt : il est fascinant de voir dans les yeux du public, qu'il vous accompagne dans les paysages que vous évoquez. C'est ce qui est le plus important pour moi.

     
    En récital, quel est le répertoire qui vous satisfait le plus ?

    Schumann, Brahms. J'ai eu aussi la chance de faire un peu de Strauss à Lyon. J'adore aussi Poulenc. Brahms et Schumann ont beaucoup écrit pour les voix medium, on retire un énorme plaisir en les interprétant car il faut donner toutes ces harmoniques indispensables à leur musique. Ce sont des compositeurs très théâtraux, tout comme Schubert : on doit tout de suite être un personnage, avec dès le départ une histoire entière. En cinq ou six minutes, c'est une vie complète qui doit défiler. Chanter en récital m'a, par exemple, beaucoup aidé pour Monteverdi que j'ai chanté avec Jean-Claude Malgoire, où tout est d'abord texte et où il faut être de bout en bout intelligible. Ottavia est un personnage fascinant, complexe, qu'on a tendance souvent à caricaturer. C'est un personnage qui n'a pas le beau rôle ; à côté de son aspect un peu hystérique, c'est aussi une femme qui aime et qui souffre. Ses ambiguïtés renvoient de toute façon au flou sentimental qui règne en général dans tout le Couronnement de Poppée : on ne sait jamais vraiment qui aime qui.

     
    Votre répertoire semble très vaste. Comment vous préparez-vous pour faire face aux exigences parfois divergentes de ces musiques ?

    Ma voix n'est pas encore tout à fait caractérisée, car je n'ai pas encore touché à des rôles qui obligent à choisir. C'est le cas de Verdi, par exemple. Je ne tire pas sur ma voix. C'est plutôt une question de style. Quand je chanterai Mercedes à Bastille, ce sera déjà un autre objectif.

     
    Au Théâtre Grévin, vous allez chanter Haendel.

    J'ai chanté dans Alcina à Beaune. Et au Conservatoire, j'ai beaucoup travaillé Haendel. C'est un compositeur que j'aimerais davantage aborder, notamment sur scène. Je pense pouvoir offrir les qualités d'une mezzo qui vocalise et qui peut monter dans les aigus. Il y également l'attrait des rôles travestis : Oberto dans Alcina, est un peu le premier Chérubin du répertoire. Haendel permet aussi de déterminer sa voix, car dès qu'il y a vocalises, on ne peut plus tricher, il faut savoir où l'on place sa voix. J'ai en général besoin d'un air à vocalises pour savoir où j'en suis ; c'est un entraînement vocal, mais c'est aussi un vrai plaisir physique. Rossini est aussi important à cet égard. Rossini, c'est le rêve de toute chanteuse. J'ai un peu travaillé Rosina. C'est une musique très subtile, et profondément féminine. On peut énormément s'amuser à chanter Rossini, et j'ai envie de m'amuser en chantant. D'où une certaine "déprime" que j'éprouve en sortant d'un concert : on a tout donné pendant une ou deux heures, et d'un seul coup, plus rien. On n'a qu'une envie, c'est d'y retourner.

     

    Le 18/11/2000
    Yutha TEP


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