altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 16 avril 2024

Magdalena Kozena, une révélation fulgurante
© Eric Sebbag

© Eric Sebbag

Révélée par le concours Mozart de Salzbourg, cette jeune chanteuse de 28 ans dont l'intelligence dramaturgique le dispute à l'agilité vocale, collabore déjà avec des chefs de l'envergure de Marc Minkowski, Sigiswald Kuijken, Claudio Abbado ou John Eliot Gardiner. Pourtant, sous la baguette de ce dernier, l'Orphée de Magdalena Kozena (prononcez "Kogena") à Paris n'a pas fait l'unanimité. En revanche, ses récentes prestations dans cette même capitale avec Kuijken ou Minkowski ont rasséréné les uns et enthousiasmé les autres. Rencontre
 

Le 03/12/1999
Propos recueillis par Eric SEBBAG
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • JĂ©rĂ´me Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumĂ©

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Votre carrière musicale a semble-t-il dĂ©marrĂ© très tĂ´t, n'est-ce pas ?

    Très tôt, oui. Si j'en crois ma mère, j'ai commencé à chanter avant de parler, dès 1 an ! Aussi loin que je souvienne, j'ai toujours adoré la musique. À trois ans, je suis tombé amoureuse du son du piano de l'école maternelle. J'ai donc appris le piano et le chant dans le choeur des enfants. En tchéquie communiste, j'ai tourné très jeune avec un choeur professionnel. Je chantais la voix la plus grave avec les garçons. Plus tard, au conservatoire, j'ai découvert que ma voix pouvait monter dans les aigus. Mais à l'époque mais ma préférence allait au piano.

     
    Entre le piano et la voix, comment vous êtes vous déterminée ?

    C'était une décision difficile à prendre pour moi à l'âge de 14 ans. Cependant, il y avait déjà tant de bons pianistes. Mais surtout, la musique au piano était une sorte dialogue entre moi et l'instrument. Avec la voix au contraire, j'ai très tôt eu l'impression d'être en prise directe avec le public. Le chant s'est finalement imposé comme une voie plus naturelle. Vers 20 ans, j'ai remporté le concours Mozart de Salzbourg. Après cela, j'ai été engagé à Brno -ma ville natale- pour un opéra de Janacek. Ensuite, j'ai chanté Dorabella et je n'ai plus arrêté. Cependant, le piano reste un fidèle compagnon qui me permet de choisir mon répertoire sans accompagnateur ni écouter de disques.

     
    Comment définiriez-vous répertoire ?

    Je chante beaucoup de musique Baroque parce que j'aime ce répertoire et qu'il convient bien à ma voix. Cela dit, j'aime aussi beaucoup le répertoire de ce début de siècle. Debussy m'attire particulièrement. Un rêve va bientôt s'accomplir car je vais bientôt chanter Mélisande à Leipzig. Je vais aussi chanter dans la quatrième symphonie de Mahler avec Claudio Abbado
    J'ai par contre moins d'inclination pour Verdi ou Puccini et je n'ai pas la voix qui convient. En revanche, les lieder de Schumann ou Schubert m'attirent énormément. À plus long terme , je rêve aussi de l'Octavian du Chevalier à la Rose, de Charlotte dans Werther ou de Carmen. Pour mon premier disque, j‘avais choisi Britten mais ma maison de disque a jugé cela un peu prématuré.

     
    Effectivement, votre premier disque récital est consacré à Bach. Le livret indique d'ailleurs que chanter Bach ne serait pas finalement si difficile. Est-ce réellement votre impression ?

    Je comprends que Bach fasse peur aux chanteurs parce que les lignes mélodiques suivent une logique instrumentale. Il y a très souvent des intervalles bizarres et inattendus. Chez Haendel, quand on commence une phrase, on sait à peu près où elle va mener et comment la finir. Avec Bach, il y a toujours des surprises. Mais pour ma part, j'apprécie cette exigence pour une voix. Les intervalles, il suffit de les travailler, ce n'est pas si difficile. Le mélange de la voix à part égale avec les instruments est propre à Bach et se retrouve très rarement chez les autres compositeurs. C'est une sensation merveilleuse pour un chanteur d'être au "milieu" des instruments.

    Chez Haendel, quand on commence une phrase, on sait à peu près où elle va mener et comment la finir. Avec Bach, il y a toujours des surprises.

     
    Pour votre disque Bach, le choix d'airs épars a été considéré comme une incohérence en regard du projet liturgique associé à ces oeuvres. Quel est votre point de vue ?

    Je comprends que l'absence de continuité liturgique puisse poser problème à certains. Mais le disque n'est pas une messe ! Pour Mozart, on brise également la continuité dramatique en empruntant des airs ça et là dans les opéras et personne ne s'en formalise. Alors pourquoi pas avec Bach, ses airs sont si puissants et si émouvants qu'ils ont une force autonome. Et de toutes manières, il est toujours question de Dieu dans la moindre note de Bach.

     
    Il y a une polémique récurrente entre chefs et musicologues au sujet des effectifs chorals pour la musique vocale de Bach. Joshua Rifkin, le premier, a soutenu que les choeurs étaient assurés avec un seul chanteur par partie. Vous avez récemment chanté sous la direction de Sigiswald Kuijken avec une formation sur ce modèle. Comment percevez-vous ce rôle soliste-choriste après l'avoir assumé en tournée ?

    J'ai beaucoup chanté dans un choeur et j'adore chanter les ensembles dans Bach, pour moi c'est une expérience très satisfaisante. En revanche, je ne m'estime pas qualifiée pour trancher sur le débat musicologique et Sigiswald Kuijken lui-même a changé d'avis récemment sur le sujet. À mon sens, c'est le point de vue du public qui importe le plus. J'aimerai beaucoup savoir s'il juge cette option satisfaisante et si le manque de volume ne le frustre pas.

     
    Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration avec Gardiner pour le cycle Gluck Ă  Paris ?

    J'ai adoré collaborer avec lui. Nous avons eu tous le temps pour travailler la partition et les détails. En revanche, la mise en scène a posé beaucoup de problèmes. D'habitude, il y a six semaines de mise en place pour un opéra. Mais comme le Châtelet produisait Orphée et Alceste en même temps, nous avons dû partager la scène et le temps en deux. De plus, la conception même du spectacle de Bob Wilson laisse peu d'espace aux chanteurs pour s'exprimer. Wilson demande le moins possible d'expression sur les visages et mouvements du corps sont raides et linéaires. Gardiner lui demandait tout le contraire et attendait un maximum d'expression dramatique. Etre entre les deux n'était pas toujours agréable. Il y avait néanmoins beaucoup à apprendre, même en situation conflictuelle.

     
    En tant que chanteuse, qu'attendez-vous d'un metteur en scène ?

    En plus de les chanter, j'adore jouer les rôles. C'est pourquoi j'attends d'un metteur en scène qu'il essaye de tenir compte de la personnalité des interprètes, de l'exploiter au mieux de ses possibilités, et non pas qu'il cherche à tous prix à imposer une idée préexistante et figée. Des metteurs en scène comme Nikolaus Brüger dans La Clémence de Titus à Vienne ou David Mc Vicar pour Idoménée à Anvers m'ont laissé de merveilleux souvenirs en ce sens.

     
    Comment abordez-vous un nouveau rĂ´le ?

    Je fais d'abord une traduction en tchèque parce que la plupart du temps, elle n'existe pas. Je parle certes plusieurs langues : notamment l'allemand car j'ai vécu plus d'un an à Vienne, le Russe car il était obligatoire à l'école, l'anglais bien sûr, le français (NDR : l'interview a été réalisée dans un français très fluide), je lis et comprends l'italien. Mais j'éprouve toujours le besoin de traduire toute l'oeuvre, et pas simplement mon rôle, dans ma langue natale. La traduction prend du temps et permet de s'imprégner plus complètement, de réfléchir à l'oeuvre elle-même.

     
    Écoutez-vous les enregistrements des rôles que vous allez interpréter ? Avez-vous des interprètes de prédilection ?

    Oui, mais seulement après avoir travaillé avec mon piano, et seulement à condition que mon interprétation soit déjà forgée. J'aime écouter des artistes aussi différents que Frederica Von Stade ou Bryn Terfel. Mais d'une manière générale, je préfère les concerts aux enregistrements. Le concert permet d'apprécier la personnalité, le contact avec le public. J'ai eu la chance d'entendre Mirella Freni chantant Mimi, elle était d'une verve et d'une aisance incroyable malgré ses 60 ans. Le concert est plus touchant pour moi. En écoutant un disque, on peut faire le ménage ou la cuisine ! C'est plus difficile quant les artistes sont là !

    En écoutant un disque, on peut faire le ménage ou la cuisine ! C'est plus difficile quant les artistes sont là !

     
    ĂŠtes-vous Ă  votre aise dans un studio d'enregistrement ?

    Heureusement, aujourd'hui, on fait de plus en plus d'enregistrement “live” à partir de deux ou trois concerts dont on rassemble les meilleures prises. Un disque est juste un moment qui est enregistré. Il faut le faire, mais ce n'est qu'un document.

     
    Si vous deviez, à Dieu ne plaise, vous exiler sur la fameuse île déserte dont parlent tous les mélomanes, emporteriez-vous des disques ou vous contenteriez-vous de chanter ?

    (Rires) J'emporterai des disques, mais plutĂ´t du Jazz et du Rock que de la musique classique. Sans doute Sara Vaughn, Ella Fitzgerald, Louis Armstrong mais aussi les groupes Led Zeppelin, Jethro Tull ou Deep Purple !

     

    Le 03/12/1999
    Propos recueillis par Eric SEBBAG


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com