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ENTRETIENS 26 avril 2024

Ivan Fischer veut séduire Marianne
© Orchestre du Festival de Budapest

Créateur de l'Orchestre du Festival de Budapest, ancien directeur musical du Kent Opera, chef à la carrière très internationale, le Hongrois Ivan Fischer part à la conquête de la France. Désormais directeur musical de l'Opéra de Lyon, il est l'un des chefs vedettes du festival de Montpellier édition 2001.

 

Le 23/11/2000
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Vous avez commencĂ© par Ă©tudier le piano, le violon et le violoncelle Ă  Budapest avant de vous tourner vers la direction d'orchestre. Pourquoi ce changement d'orientation ?

    Je ne sais pas vraiment quand j'ai pris cette décision, mais il faut savoir que je chantais aussi, dans un choeur d'enfants. J'avais douze ans lorsque j'ai eu l'occasion d'interpréter le deuxième petit garçon dans La Flûte enchantée, à l'Opéra d'État Hongrois. Ce fut une expérience fabuleuse. Je n'avais pas répété, car je faisais partie de la seconde distribution. Je me suis lancé et je me rappelle cette impression extraordinaire en entrant en scène. J'étais ébloui par toutes ces lumières. Je n'y voyais plus rien. J'ai baissé les yeux et tout juste aperçu le chef d'orchestre. J'ai chanté, chanté, chanté sans entendre l'orchestre. Et puis je l'ai entendu et je l'ai trouvé trop haut. Je me suis alors dit que c'était sans doute moi qui chantais trop bas ! Une expérience incroyable. J'ai assisté à tous les spectacles et découvert la magie d'un théâtre d'opéra. Je vivais un conte de fée, croisant dans les couloirs Zarastro, la Reine de la nuit, tous ces personnages incroyables. Un vrai rêve éveillé. En fait, je ne m'étais jamais considéré comme instrumentiste car, à la maison, nous pratiquions tout, y compris le chant. Diriger un orchestre m'a donc semblé très naturel. Mon amour de l'opéra a certainement aussi joué.

     
    Pour vous, l'Opéra n'a-t-il rien perdu de cette magie avec le temps ?

    Je reste émerveillé par tous ces personnages que je côtoie, les trois Dames de la nuit qui entrent et sortent toujours ensemble, comme des soeurs, le serpent étendu par terre. Les coulisses d'un opéra sont follement amusantes. Je ne me lasse pas de cette atmosphère. Le Palais Garnier est pour moi comme un temple, mais un temple tellement amusant !

     
    La Hongrie a été longtemps célèbre pour son école de violon. Est-ce toujours le cas ?

    Cette école n'était pas vraiment réputée pour sa technique, mais plutôt pour ses qualités en musique de chambre, surtout en quatuor. Nous avons toujours été très bons dans ce domaine et c'est toujours vrai. Certains pays préparent leurs musiciens à être des solistes ou des musiciens d'orchestre. Chez nous, c'est la musique de chambre que nous préférons.

     
    Vous dirigez dans tous les pays. N'avez-vous pas l'impression que les orchestres tendent aujourd'hui à perdre leur personnalité ?

    L'internationalisation de l'interprétation est incontestable. La facilité des voyages et des échanges en est certainement la cause. Néanmoins, dans chaque pays, demeure un tempérament spécifique. Les Latins, par exemple ont une rapidité d'exécution des accents qui leur est propre. Un sforzando est toujours plus nerveux dans les pays au sang chaud ! Chez les Anglo-Saxons, tout est plus calme, plus mesuré. L'internationalisation est surtout dangeureuse quand on touche à de la musique d'inspiration folklorique. Beethoven a un caractère universel et peut être joué par tout le monde, mais Mozart ou Schubert sont profondément enracinés dans le folklore autrichien. Pour sentir le charme, le rythme spécial, l'esprit d'un Papageno, il vaut mieux avoir l'instinct de ce folklore d'Europe Centrale.

     
    Etre hongrois vous facilite donc l'approche de l'univers mozartien ?

    La Hongrie est un très petit pays composé de plusieurs peuples d'Europe centrale. À l'époque de l'Empire, il y avait de multiples échanges avec l'Autriche. On retrouve cette influence partout, notamment dans le domaine de l'opérette. Haydn aussi a vécu en Hongrie, Schubert a eu beaucoup de contacts avec le pays. Je crois qu'être hongrois m'aide un peu à comprendre La Flûte enchantée. Mais il y a beaucoup d'univers différents dans cet opéra, le monde maçonnique, le monde merveilleux, le monde populaire, et puis des sortes de gags comme de choisir la voix la plus grave pour Zarastro et la plus aiguë pour la Reine de la Nuit. Les opéras de Mozart sont comme les pièces de Shakespeare. On y trouve toutes les dimensions de l'âme humaine. Tous les personnages sont attachants. Même Monostatos. Il est noir et personne ne l'aime. Il est amoureux de Pamina qui le rejette. Les serviteurs ne lui obéissent pas. Il a plein de problèmes qui le rendent presque touchant ou tout au moins très humain.

     
    Comment envisagez-vous votre travail à l'Opéra de Lyon ?

    Comme une chance magnifique, car j'aime beaucoup l'opéra, comme je vous l'ai dit. L'Opéra de Lyon est une maison importante avec une tradition solide et un beau répertoire. Je compte pour ma part y diriger deux nouvelles productions par an mais organiser naturellement l'ensemble des saisons avec Alain Durel. Lyon a déjà vu un bon nombre d'oeuvres un peu marginales et beaucoup de créations. C'était une option courageuse, mais il manque quelques ouvrages fondamentaux Je crois qu'un opéra comme celui-ci doit d'abord s'attacher à représenter le mieux possible les grands ouvrages que son public est en droit de voir au moins une fois en dix ans sans devoir se rendre à Paris ou ailleurs. L'acoustique est très bonne, l'orchestre excellent. Il nous appartient de réaliser les meilleures productions possibles.

     
    Allez-vous poursuivre la très active politique audiovisuelle que l'Opéra de Lyon a menée jusqu'à présent ?

    Nous tâcherons de garder une trace des meilleurs spectacles, mais je suis contre toute politique systématique d'enregistrement sonore ou vidéo. Je n'ai pas l'intention de prévoir une quelconque captation avant de savoir si l'ensemble du spectacle est réussi.

     

    Le 23/11/2000
    GĂ©rard MANNONI


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