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ENTRETIENS 29 mars 2024

Soïlé Isokoski, un talent naturel

Après Daphné en concert au Châtelet, la jeune cantatrice finlandaise vient aussi de triompher à l'Opéra Bastille en chantant Elvire dans Don Giovanni. Soïle Isokoski apparaît plus que jamais comme le coryphée d'une nouvelle génération de sopranos.
 

Le 10/01/2000
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • Avez-vous eu très jeune le dĂ©sir de faire une carrière de cantatrice ?

    Bien au contraire. Mon père était pasteur et j'ai commencé par faire de la musique d'église. Dans ma famille, il n'était pas question de s'engager dans une autre voie et le seul métier artistique décent envisageable pour moi était celui de musicien d'église. J'ai travaillé ainsi deux ans chez mon père, pratiquant tout, piano, orgue, flûte, et choeurs. Tout le monde me disait que j'avais une voix merveilleuse et à force d'entendre çà je suis allée me présenter au plus important concours de Finlande, directement. Je ne m'étais jamais présentée à aucun concours avant et je suis allée d'emblée au plus grand. Je l'ai remporté. La Télévision finlandaise m'a envoyée au concours de Cardiff où je suis arrivée en finale. J'ai su depuis que je ne l'avais pas remporté car j'étais la seule à présenter des mélodies. Ils ont maintenant créé un prix spécial. Il était normal que je n'ai pas remporté de prix d'opéra car je ne savais pas ce que c'était ! Je ne songeais pas une seconde à devenir chanteuse d'opéra.

    Je ne m'étais jamais présentée à aucun concours avant et je suis allée d'emblée au plus grand. Je l'ai remporté.

     
    Est-ce quand mĂŞme en Finlande que vous avez eu vos premiers professeurs ?

    J'ai commencé avec un professeur d'une petite ville près de Savolina mais j'ai eu très vite un professeur américain. Je ne sais pas s'ils furent de bons professeurs, car je pense qu'il n'y en pas de mauvais. À la limite, vous pouvez apprendre tout seul à chanter avec un livre, en faisant ce qui est écrit. Ce qu'il faut à un professeur, ce sont de bonnes oreilles, la faculté de bien comprendre la personnalité de l'élève et de la développer, mais surtout pas la volonté de faire chanter tout le monde pareil. Je ne crois pas appartenir à une école de chant particulière ni être vouée à un répertoire particulier. On me dit souvent mozartienne. Ce n'est pas faux puisque j'adore Mozart et que je ne suis pas une wagnérienne type ! Mais je ne veux pas être plutôt italienne ou allemande. Mon enthousiasme me porte vers certaines musiques, certains textes. Je n'ai pas de motivations de principe selon des catégories établies.

     
    Vous chantez effectivement beaucoup de Mozart, mais on sent bien que votre voix a aussi des possibilités plus lyriques pour Verdi, Puccini, Strauss et même certains Wagner.

    Je n'ai pas plan de carrière. Dans ce qu'on me propose, je choisis par coups de coeur et je reconnais que je manque d'ordre en ce domaine. Mais j'ai quand même avancé avec prudence sans rien chanter au-dessus de mes moyens naturels.

     
    Avec Daphné de Strauss n'avez-vous pas commencé à aborder des rôles plus lourds ?

    Daphné n'est pas un rôle vraiment lourd. C'est surtout très aigu tout le temps. Il faudrait une voix de colorature. Mais comme il y a aussi beaucoup de graves et qu'elle chante tout le temps, c'est assez difficile. Je comprends maintenant pourquoi peu de chanteuses s'y essayent ! La partie de ténor est aussi très difficile.

     
    Vous avez chanté des rôles très divers, de Pamina à Marguerite de Faust, d'Agathe du Freischütz à Mimi, d'Antonia à la Juive. Préférez-vous ceux qui demandent le plus d'investissement dramatique et scénique ?

    Au début j'aimais mieux les rôles calmes. Mais maintenant, j'aime le changement, entrer sans cesse dans des productions différentes pour connaître mes limites. J'ai beaucoup chanté Elvire dès mes débuts. Aujourd'hui, j'ai plus d'expérience et je peux creuser davantage le personnage, mieux le comprendre, en voir aussi bien la folie que les qualités humaines. Travailler un personnage, l'approfondir aide le travail du chant. Les airs d'Elvire, qui sont difficiles, le deviennent moins quand on est vraiment rentré dans le personnage. De même, au premier acte, il faut trouver le bon équilibre, sans être trop hystérique ni trop calme. Je n'y suis pas encore tout à fait, mais çà approche ! J'essaye d'en faire une femme qui souffre, qui est perturbée, désorientée, comme nous pourrions tous l'être pour toute autre raison qu'une passion malheureuse. Elle n'est pas moins normale que nous tous. De toutes manières la limite entre le normal et l'anormal n'est qu'un trait dessiné sur de l'eau.

    la limite entre le normal et l'anormal n'est qu'un trait dessiné sur de l'eau.

     
    Tout semble facile quand vous chantez mais avez sûrement rencontré des difficultés. Lesquelles ?

    J'ai la chance de ne pas connaître de problèmes avec ma voix qui est assez naturelle et ne me demande pas beaucoup de travail. Je n'ai donc pas à me préoccuper de la technique. Quand je me sens bien, ça sonne bien. En revanche, je dois prendre garde à ne pas me laisser emporter par le tempérament et perdre le contrôle. J'ai parfois tendance à ne plus assez garder assez de distance avec le rôle, à pleurer pour de bon au lieu de jouer les larmes. Il m'est arrivé, après certains spectacles ou certains concerts de ne plus savoir ce que j'avais fait en scène et çà me fait peur. Il faut se croire dans la situation que l'on joue, mais pour être un bon acteur, faire rire ou pleurer le public, vous ne pouvez pas vous-même pleurer en scène. Pas de vraies larmes. Il ne faut jamais perdre le contrôle. C'est à cela que je dois penser, pas à la technique.

    J'ai parfois tendance Ă  ne plus assez garder assez de distance avec le rĂ´le, Ă  pleurer pour de bon au lieu de jouer les larmes.

     
    Quels sont les rôles que vous n'avez pas encore chantés et dont vous rêvez ?

    La Maréchale, du Chevalier à la rose et Desdémone dans Otello, mais je les aborde très prochainement. À mes débuts J'ai déjà chanté le trio du Chevalier et le monologue de la Maréchale, et je trouve cette musique et ce texte absolument somptueux. Quant à Otello, c'est aussi une musique magnifique et une histoire formidable. Finalement, je me rends compte que j'aime de plus en plus les vraies histoires, les vrais drames.

     
    Qu'attendez-vous d'un metteur en scène ?

    J'ai eu la chance de travailler avec des metteurs en scène de théâtre et j'ai beaucoup aimé ces expériences. Pour l'instant, personne n'a jamais cherché à m'imposer des choix qui ne me plaisaient pas. Pour moi, le meilleur metteur en scène est celui qui me donne le choix entre plusieurs possibilités et me laisse trouver celle où je me sens le mieux. S'il me donne des idées, me conseille, et que je peux choisir en fonction de ma personnalité, de mon caractère, c'est ce que je préfère. Je n'aime pas ceux qui ont une vision unique et bloquée du rôle et ne laissent aucune liberté. Ni ceux qui ne vous disent rien et vous laissent improviser tout seul. J'ai besoin de critiques, de limites, mais avec la possibilité de choisir. Le théâtre me passionne, mais j'aime toujours autant les récitals de mélodies car il faut tout y faire soi-même, créer chaque climat, chaque situation. On est tout nu. Et la musique est tellement belle ! C'était ma première vocation et il ne me fut pas facile de me lancer sur scène car je n'ai jamais pris de cours de théâtre. J'ai tout appris sur le tas.

     
    Dans les rares instants libres dont vous disposez, qu'aimez-vous faire ?

    J'aime la nature, m'y promener, la regarder. J'aime être en famille, lire, faire la cuisine, faire du jogging ! Et l'un des rêves que je suis en train de réaliser est de construire une maison en Laponie quelques kilomètres au nord du cercle polaire. Ma mère vient de Laponie. C'est pourquoi je suis petite et brune ! Je rêve de pouvoir aller là-bas, presque seule, juste les loups et ces extraordinaires lumières qui scintillent dans le ciel en hiver, avec des bougies pour tout éclairage et le feu dans la cheminée. C'est un mode de vie tellement chaleureux et poétique !

     

    Le 10/01/2000
    Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI


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