altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 23 avril 2024

Vadim Repin n'a pas l'âge d'être pressé
© Rory Earnshaw

Carrure d'athlète, œil malicieux et visage d'enfant, Vadim Repin n'est pas l'image traditionnelle du grand violoniste international. À vingt-neuf ans, ce Sibérien est pourtant de ceux que les programmateurs de concert se disputent. Si on le compare souvent à Oïstrakh, il incarne surtout une nouvelle génération.
 

Le 04/12/2000
Propos recueillis par Gérard MANNONI
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • Jérôme Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumé

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Quand on commence une carrière aussi jeune- vous jouiez en public avant d'avoir dix ans- quelle est la part de l'instinct et quelle est celle de la science, musicale et technique, pour dominer des oeuvres aussi complexes ?

    La technique est comme un langage. Sans elle, vous ne pouvez rien exprimer, rien communiquer. La connaissance de la musique vous fournit ce que vous avez à exprimer. Il vous faut impérativement les deux, sans quoi vous êtes incomplet. Si un artiste vous dit être passionné par la technique, il ne faut pas croire que c'est une vaine recherche. Plus vous la maîtrisez, plus vous pouvez raconter de choses avec votre instrument et faire parvenir au public les émotions que votre connaissance de la musique vous a inspirées. La technique la plus accomplie est celle que l'on oublie et qui vous laisse libre de ne penser qu'à la musique. Vous pouvez aller droit au but sans perdre de temps. Et c'est là aussi que l'instinct entre en jeu. S'il vous guide, il vous évite aussi bien des détours pour parvenir au but. C'est peut-être lui qui permet d'aller plus vite que d'autres et de commencer très jeune à aborder le grand répertoire.

     
    Dès le départ, étiez-vous plus stimulé par l'interprétation ou par le travail de l'instrument ?

    Par le concert, indubitablement. Jouer en concert m'a toujours excité, depuis mon plus jeune âge. Un jour de concert est un jour de fête. C'est un but qui m'a poussé au travail et a rendu mes efforts naturels car je savais qu'ils allaient me conduire sur scène. Pour un enfant, le travail instrumental peut être très fastidieux s'il ne se sent pas responsabilisé par la perspective de s'assumer en concert. Là, vous devez être prêt à 120 % et vous vous sentez maître de vous -même. C'est un plaisir qui vous donne envie de travailler ensuite encore davantage, et par voie de conséquence, vous avez ensuite encore plus envie d'aller en scène. Vous savez pourquoi vous travaillez. J'ignore le trac et jouer en public n'a jamais été pour moi qu'un grand plaisir. Je suis concentré avant d'entrer en scène parce que je sais que chaque soirée est unique, que l'on n'a pas de droit à l'erreur, que si on fait une faute on ne peut pas recommencer. Quand je joue une oeuvre pour la première fois, je suis un peu plus anxieux, mais je n'ai jamais peur. Je n'ai jamais eu peur, même à cinq ou six ans !

     
    Avez-vous eu assez tôt le choix de votre répertoire ?

    Très jeune, vous jouez naturellement ce que vous dit votre professeur. Sauf si vous exprimez des désirs particuliers. Enfant, j'ai demandé à jouer des oeuvres que j'aimais, comme le concerto de Mendelssohn, la Campanella de Paganini ou le concerto de Tchaïkovski, et j'ai commencé à les travailler. Mais ce n'est que plus tard que j'ai été libre d'imposer vos choix. Maintenant, j'assume naturellement tout moi-même et on ne m'impose rien.

     
    Vous prenez place dans la belle histoire du violon russe. Hormis votre professeur Zakar Bron, quels violonistes vous ont influencé ?

    Quand j'étais encore en Russie- je vis en Europe occidentale depuis 1987- j'écoutais les disques de tous les grands violonistes, Menuhin, Milstein, Oïstrakh, Stern, Heifetz, tous les géants du violon. Ils ont fait partie de mon éducation. Je me rappelle avoir aussi regardé des vidéos avec mon professeur pour en discuter après. Mais quand je suis arrivé en occident, j'ai naturellement pu rencontrer vraiment certaines de ces personnalités. J'ai notamment été très influencé par Menuhin et par Rostropovitch avec qui j'ai même joué. Ils ont aidé à compléter ma formation car ce sont des gens extraordinaires.

     
    Y-a-il toujours une école russe de violon ?

    Je ne parlerais pas vraiment d'une école, car la musique est universelle, mais plutôt d'une tradition. Il y a incontestablement une tradition russe. Mon professeur avait étudié avec Oïstrakh et je suis donc l'héritier de cette tradition que je contribue à maintenir vivante. Voilà peut-être la raison pour laquelle je rappelle un peu Oïstrakh, selon certains, ce qui est très flatteur pour moi. Vous pouvez aujourd'hui rencontrer des musiciens russes partout dans le monde et notre tradition devient forcément plus universelle.

     
    Vivre en Europe a-t-il changé quelque chose en vous ?

    Je ne crois pas que je serais très différent si je vivais à Moscou et que je parcourrais le monde en jouant avec différents orchestres et différents partenaires. Mais j'apprécie beaucoup la facilité de contact que l'on a avec toutes les cultures quand on vit en Europe. En Italie, en France, il suffit de regarder autour de soi pour apprendre l'histoire. Elle est là, vivante. C'est une vie plus variée, passionnante, mais je ne crois pas mon évolution musicale soit différente pour autant. Ma vie personnelle, certainement, mais pas mon rapport à la musique.

     
    Vous semblez vous tenir pour l'instant à l'écart de certaines grandes oeuvres comme les sonates de Bach ou celles de Beethoven. Ne vous croyez-vous pas assez mûr pour les jouer ?

    Je n'ai pas un âge où il faut être pressé, surtout pour enregistrer. Pour faire un disque, il faut se sentir sûr de soi. Aujourd'hui, je me sens plus sûr de moi avec Richard Strauss, Stravinsky ou Bartok, comme sur ce dernier disque, qu'avec Bach ou Beethoven. Cela ne veut pas dire que j'en ai peur, mais il faut du temps pour bien les assimiler. Je n'aime pas enregistrer des oeuvres que je n'ai pas beaucoup jouées en concert. Certaines, comme celles dont vous parlez, demandent encore plus de pratique que les autres. J'adore travailler les sonates de Beethoven, mais pas pour les enregistrer maintenant. Je cherche encore le partenaire adéquat. Préparer un disque est comme préparer un récital. Cela demande de la patience, du temps et de la persévérance. C'est un travail sur le long terme. C'est pourquoi je sépare toujours dans mon calendrier les séries de concertos et les séries de récitals. Jouer un concerto est beaucoup plus facile et ne demande pas le même type de préparation mentale. Je préfère ne pas mélanger. Je peux ainsi mieux peaufiner mon. travail avec mon partenaire de récital. Cette fois, j'ai de la chance, car Boris Berezowki est libre sur les mêmes dates que moi pour tout le début de l'année 2001. Nous sommes très amis depuis longtemps et c'est un vrai plaisir que de faire de grandes tournées avec lui, d'autant que je l'admire beaucoup comme pianiste. C'est pour moi l'un plus grand pianistes vivants.

     



    Trois disques pour découvrir l'interprète :

    -Sergei Prokofiev, Sonates pour violon avec Boris Beresovsky (piano), Erato 0630 10698 2

    -Chostakovich-Prokofiev, Concertos pour violon avec le Hallé Orchestra dirigé par Kent Nagano, Erato 0630 10696 2

    -Tchaikovsky-Sibelius Concertos pour violon avec le London Symphony Orchestra dirigé Emmanuel Krivine, Erato 4509 98537 2

    Lire aussi la critique de son dernier concert parisien

     

    Le 04/12/2000
    Gérard MANNONI


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com