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ENTRETIENS 16 avril 2024

Svetlanov, l'hypnotiseur d'orchestres
© Radio-France

Evgueny Svetlanov vient de s'éteindre. Adulé, controversé, Evgueny Svetlanov fut assurément l'un des chefs russes les plus marquants des dernières décennies. Altamusica l'avait rencontré en décembre dernier, toujours plein de projets.
 

Le 05/12/2001
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • Evgueny Svetlanov, vous connaissez bien les orchestres français n'est-ce pas ?

    Oui, cela fait maintenant près de 35 ans que je dirige régulièrement l'Orchestre National. J'ai aussi le plaisir de travailler régulièrement avec l'Orchestre Philharmonique, et il m'est arrivé de diriger l'Orchestre de Paris. J'aime beaucoup le National ; elle a de très grandes qualités sonores, des solistes exceptionnels, et surtout, je me sens toujours en parfaite entente avec elle. Je dirige certes, mais j'ai plus l'impression de jouer de concert avec elle. Par exemple, en mars dernier, nous avons interprété Malher, sans avoir beaucoup de répétitions : l'orchestre m'a alors énormément soutenu, car il est venu très bien préparé, et nous avons exploité au maximum notre temps de travail.

     
    À quand remonte votre passion évidente pour Gustav Malher ?

    J'ai l'impression qu'il m'accompagne depuis toujours. Au Conservatoire, j'avais un groupe d'amis fous de Malher, nous avions toutes les partitions et en parlions toute la journée. Enregistrer Malher pour moi, c'est une sorte de rêve d'enfant. Je me suis lancé dans l'intégrale de la musique symphonique russe, et une fois ce cycle achevé -encore que, vous savez, on n'a jamais fini une intégrale de la musique russe, il y a toujours une partition redécouverte très régulièrement-, je me suis attaché à enregistrer Malher.

     
    Avec une équipe de chanteurs qui n'a pas toujours fait l'unanimité ici, mais avec lesquels vous avez tissé une étroite complicité, n'est-ce pas ?

    On m'a d'innombrables fois demandé pourquoi je ne faisais pas appel à des solistes de renommée internationale. Une étoile tombe des fois du ciel. Moi, je préfère travailler avec des artistes fidèles, avec lesquels je travaille depuis longtemps. D'ailleurs, il ne faut rien exagérer : ces chanteurs sont de très belles voix, et certains font une carrière remarquable.

     
    Musique russe, puis Malher. Le programme de votre concert, ce jeudi 7 décembre, est entièrement constitué de musique française : c'est un peu une surprise, non ?

    C'est aussi un de mes grands désirs. En Russie, je joue très souvent de la musique française : l'un de mes meilleurs souvenirs est d'avoir dirigé la création russe de la Turangalila de Messiaen. A l'étranger, j'ai toujours demandé à inscrire des oeuvres françaises au programme de mes concerts, mais on me répondait que je faisais la musique russe tellement mieux que les autres, que le public voulait m'entendre diriger la musique russe etc
    Ce cloisonnement est en train de disparaître, et j'en suis très heureux, d'autant plus que je fais ici de la musique française avec l'Orchestre National de France. Je reviens en janvier prochain diriger encore de la musique française, toujours avec le National. Le programme aura pour thématique la mer, avec celle de Debussy bien sûr ; mais il y aura aussi Tsar Saltan de Rimsky-Korsakov et la Symphonie n°4 d'Alfven.

     
    Quelle est votre opinion sur la vague russe qui déferle dans le monde, qu'il s'agisse de chefs, de chanteurs ou d'instrumentistes ?

    C'est une très bonne chose. On peut dire sans exagérer qu'il y a eu une prédominance allemande ces dernières décennies, et qu'il y a maintenant une certaine prépondérance russe : J'en suis très heureux bien sûr.

     
    Mais cela n'est-il pas surtout lié aux conditions de travail des artistes en Russie même ? On donne souvent comme exemple, la fermeture du Bolchoï pour travaux.

    Sans aucun doute. La situation matérielle des musiciens russes est vraiment mauvaise, actuellement. Pour reprendre l'exemple du Bolchoï, personne ne sait pas réellement quand le théâtre va pouvoir rouvrir. Il y a bien, juste en face, le théâtre, son petit frère, dans lequel la troupe va s'installer pendant toute la durée des travaux. Mais l'avenir n'est absolument pas clair, il risque même de se dégrader. En général, les grands orchestres ne vont pas bien du tout, et seuls ceux qui parviennent à trouver des sponsors privés, russes ou même étrangers, ont les moyens de travailler.

     
    La situation matérielle explique peut-être le retour d'une intense spiritualité dans la population russe, qui se répercute clairement dans la création musicale en Russie : comment vous situez-vous par rapport au courant assez "mystique" des Pärt ou Gubaidulina, assez en vogue en Occident ?

    Pärt ou Gubaidulina sont connus depuis longtemps chez nous, et j'ai moi-même souvent dirigé leurs oeuvres. Mais la situation actuelle est assez confuse. On parle beaucoup de démocratie chez nous, je ne suis pas sûr que ce soit encore réellement le cas, peut-être à cause de notre histoire millénaire qui n'a jamais intégré cette notion de démocratie. La liberté est une chose toute nouvelle, et chacun écrit maintenant ce qu'il veut. Il faut pourtant constater que la compétence n'accompagne pas toujours cette liberté, en particulier dans le domaine musical. Je pense qu'il y a eu une sorte d'affaissement dans l'histoire musicale de la Russie. Beaucoup de compositeurs sont laissés dans l'ombre, comme par exemple, Nikolai Miaskovski, dont je dirige souvent les oeuvres merveilleuses, et qui à mon sens n'a pas encore toute la place qu'il mérite. Parmi les artistes actuels, j'aimerais citer Karamanov, qui n'est plus un compositeur très jeune, mais dont les partitions sont incroyables.

     
    Et que peut-on attendre du compositeur Svetlanov ?

    J'ai bien sûr deux projets, mais ils sont encore dans ma tête : je préfère ne pas en parler maintenant, le temps qu'ils mûrissent

     
    Une troisième intégrale au disque bientôt ?

    J'aimerais vraiment enregistrer les grandes pages symphoniques de Liszt, qu'on ne donne pas assez. J'adore notamment ses Poèmes Symphoniques, et d'autres pages telles que la Symphonie Dante.

     




    Evgueni Svetlanov dirigera l'Orchestre National de France, le jeudi 7 décembre, au Théâtre des Champs-Élysées.
    Programme :
    Debussy : Nocturnes pour orchestre
    Chausson : Poème pour violon & orchestre
    Honegger : Symphonie n° 3 " Liturgique "

    Trois disques pour découvrir l'interprète :

    - Gustav Mahler, Symphonie n° 5, Russian State Symphony Orchestra (BMG)

    - Peter Illich Tchaïkovski, Symphonies Nos 4, 5 & 6 "Pathétique", USSR Symphony Orchestra, (Melodya-BMG)

    - Sergei Rachmaninov, les Trois Symphonies, USSR State Symphony Orchestra, Bolshoi Theatre Orchestra et USSR Radio/TV Large Symphony Orchestra, (Melodya-BMG)

     

    Le 05/12/2001
    Yutha TEP


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