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ENTRETIENS 24 avril 2024

Anne-Sofie von Otter, la maîtrise

Peu de chanteuse donnent une telle impression d'aisance et de maîtrise, son récent triomphe dans Alceste sous la férule de Gardiner. Aujourd'hui, elle semble s'orienter vers des rôles plus en plus dramatiques, même Carmen ne l'effraie pas ! Cela dit, Anne-Sofie Von Otter n'en perd pas pour autant sa légendaire sérénité.
 

Le 10/12/1999
Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI
 



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  • L'Ă©cole de chant suĂ©dois a toujours donnĂ© de grands chanteurs. Avez-vous le sentiment d'ĂŞtre reprĂ©sentative de cette Ă©cole ?

    Je ne sais pas très bien ce que je représente et j'ai plutôt l'impression que l'essentiel de ma carrière est atypique. J'ai effectivement commencé le chant dans mon pays natal, d'abord dans des choeurs, car c'est une tradition excellente et très vivante chez nous. J'ai débuté comme soprano, jusqu'au moment où mon professeur s'est heureusement rendu compte que j'étais mezzo. Ce changement radical de répertoire s'est révélé très positif, mais je dois préciser qu'au départ, l'opéra ne me passionnait pas spécialement. Je préférais l'oratorio et le concert. Je prévoyais les dangers des carrières internationales et j'ai d'ailleurs failli m'y laisser prendre. Mon mariage, mes enfants, m'ont fait prendre conscience que le chant n'est pas tout dans la vie. Alors je consacre autant de temps à ma famille qu'à mon métier. Pas plus d'une quarantaine de spectacles par an, aussi groupés que possible et le reste du temps à Stockholm, chez moi. Je ne veux pas non plus chanter n'importe quoi sous prétexte que c'est une invitation flatteuse. Je tiens à rester consciente de mes choix et à ne pas aller au-delà de mes vraies possibilités. Mon comportement n'est donc pas très conforme à celui de la plupart de mes collègues. Pour ma voix, c'est pareil. J'ai des emplois bien précis, hors desquels je ne veux pas m'aventurer. L'école de chant suédoise a très longtemps produit de grandes voix dramatiques. Ce n'est pas mon cas et d'ailleurs, elle n'en produit quasiment plus. La plupart de nos jeunes ont pour cela du mal à s'intégrer dans le monde de l'opéra. J'ai travaillé aussi ailleurs qu'en Suède, car il faut se confronter à différents maîtres. Peut-être puis-je seulement dire que j'appartiens à l'École suédoise par une couleur de timbre et quelques bases techniques qui assurent un certain type de stabilité, de clarté et de musicalité.
    Il fut un temps où les grandes cantatrices apprenaient beaucoup auprès des chefs d'orchestre. On pense à Maria Callas et Tullio Serafin, ou à Léonie Rysanek et Karl Böhm par exemple.

    J'ai débuté comme soprano, jusqu'au moment où mon professeur s'est heureusement rendu compte que j'étais mezzo.

     
    Le rythme de la vie lyrique actuelle permet-il toujours ce genre de travail en profondeur ?

    J'adore travailler avec certains chefs, même si nous ne pouvons pas nous rencontrer assez souvent à notre gré. C'est le cas de John-Eliot Gardiner avec qui je viens de faire Alceste au Châtelet. Nous avons quand même travaillé trois ou quatre semaines ensemble à Paris. C'est une durée suffisante pour qu'il se passe vraiment quelque chose au niveau de l'échange artistique. Maintenant il va se tourner beaucoup vers un autre répertoire comme Verdi, qui n'est pas pour moi. J'ai adoré travailler avec Carlos Kleiber. C'était très enrichissant, mais malheureusement il ne fait presque plus rien. J'ai aussi beaucoup évolué avec quelqu'un comme James Levine. Dans le répertoire baroque, Mark Minkowski est un chef avec qui s'établit aussi une collaboration vraiment profonde et positive. Il exige toujours beaucoup de répétitions musicales où l'on travaille très dur, mais avec beaucoup de plaisir.

     
    Organisez-vous votre calendrier de manière à ménager votre voix, pour ne pas changer brutalement style ou de type de travail ?

    Non. Tout dépend des offres qui me sont faites, mais je ne peux évidemment pas chanter le Chevalier à la rose un soir et Alceste le lendemain. Il faut un minimum de logique dans son investissement artistique. Le plus important reste de ne pas trop chanter.

     
    Vous semblez aujourd'hui vous orienter vers des rôles plus dramatiques, nécessitant un investissement théâtral différent, comme Carmen ou Charlotte dans Werther. Est-ce un tournant dans votre carrière ?

    J'adore ces personnages où je dois investir beaucoup de moi-même, surtout avec un metteur en scène qui peut m'aider. C'est un travail très excitant, un défi. Ce sont les rôles que je préfère maintenant. Il y a des oeuvres que j'ai trop chantées ou que je ne peux plus faire à mon âge. À quarante ans, on n'est plus un Chérubin plausible. En revanche, Alceste ou Carmen, sont des personnages qui conviennent bien à la maturité. C'est exactement ce qu‘il me faut aujourd'hui pour rester intéressée par ma profession. J'ai très longtemps hésité à aborder Carmen, car on a commencé à me le proposer trop tôt et ce genre de rôle me faisait peur. Même le Compositeur, dans Ariane à Naxos, au début, me paraissait trop passionné et extérieur J'adore Carmen, cette musique et ce personnage, sûrement l'un des plus beaux opéras qui soient. Mais ce n'était pas a priori dans mon tempérament ni dans ma voix. Je suis grande et blonde, ce n'est pas l'image habituelle de Carmen. Pourtant, j'ai fini par céder, car ma voix a évolué et je vais me jeter à l'eau au Festival de Glyndebourne dans trois ans. Je l'ai fait en concert au Japon avec Kent Nagano et cela m'a donné confiance pour continuer l'expérience sur scène. Mais je ne serai certainement pas une Carmen conventionnelle !

    J'ai très longtemps hésité à aborder Carmen, car on a commencé à me le proposer trop tôt et ce genre de rôle me faisait peur.

     
    Pensez-vous Ă©voluer vers des rĂ´les encore plus dramatiques, chez Verdi ou Wagner, par exemple ?

    Absolument pas. Je crois avoir atteint le maximum de mes possibilités avec Carmen et Alceste. Le répertoire de Verdi et encore plus de Wagner est beaucoup lourd et dramatique pour moi. Ce serait une erreur totale. Azucena, Eboli ou Waltraute ne correspondent pas du tout à mes moyens ni à ma couleur de voix. C'est plutôt du côté de compositeurs comme Haendel que je trouve de nouveaux rôles à aborder. En fait, il n'y a pas un répertoire tellement étendu pour moi dans l'opéra.

     
    Avez-vous beaucoup de projets discographiques ?

    Un certain nombre. Je dois enregistrer une Ariane à Naxos pour Deutsche Grammophon avec Sinopoli, un disque pop avec Elvis Costello, un disque de mélodies françaises, Hercule de Haendel avec Mark Minkowski.

     
    Comment s'est passé le travail avec Robert Wilson ?

    En ce qui me concerne, très bien. J'ai trouvé cela très intéressant, car très différent du travail avec les autres metteurs en scène. Il exige une concentration énorme, avec un contrôle très précis du corps, mais étayé par une analyse approfondie de la musique. J'ai beaucoup aimé aussi le travail avec son assistant Giuseppe Frigeni. C'est un chorégraphe et il a très bien su me faire travailler, en pensant toujours au texte. J'ai beaucoup aimé le rapport de Bob Wilson avec la lumière, son concept du rôle de l'éclairage dans la mise en scène. Et puis, comme j'ai fait de la danse quand j'étais petite, je n'ai pas été gênée par sa gestuelle ralentie. Au contraire, j'avais l'impression de danser et j'aime çà !

     

    Le 10/12/1999
    Propos recueillis par GĂ©rard MANNONI


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