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ENTRETIENS 19 avril 2024

Christoph Eschenbach, un chef bardé d'orchestres
© Eric Sebbag

Christoph Eschenbach (© Eric Sebbag)

L'Allemand Christoph Eschenbach est depuis septembre dernier le directeur musical de l'Orchestre de Paris, tout en continuant à présider aux destinées de l'Orchestre symphonique NDR de Hambourg. À compter de 2003, il prendra les rênes de l'Orchestre de Philadelphie. Il est à Paris, les 14, 15, 18, 21 et 22 février.

 

Le 12/02/2001
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 



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  • Début février, le ministère de la Culture annonçait la signature d'un accord entre l'Orchestre de Paris et le Théâtre Mogador. Vous faites-vous à l'idée de quitter Pleyel pour une salle qui n'a pas été conçue pour la musique symphonique ?

    Je suis soulagé, surtout. Avec la fermeture de la salle Pleyel pour travaux en 2002, l'Orchestre de Paris risquait de devenir SDF. La solution choisie par les tutelles n'est que transitoire, fort heureusement : Mogador est un music hall, avant tout. Si des améliorations acoustiques pourront être apportées, l'avenir de l'Orchestre de Paris se situe néanmoins ailleurs

     

    dans cette salle dont vous espérez la construction, afin que l'Orchestre de Paris dispose d'un lieu à la hauteur de ses ambitions.


    À l'exception de la salle Pleyel, déjà démodée, le constat est sans appel : Paris n'a pas de salles de concert digne de ce nom. Une situation d'autant plus cruelle que la plupart des grandes capitales musicales disposent d'infrastructures modernes, c'est-à-dire tournées vers le XXIe siècle : en plus de proposer une acoustique sans faille, elles offrent un équipement de dernier cri, avec d'intéressantes possibilités pour l'enregistrement et le multimédia. Je pourrais également vous citer l'exemple de Philadelphie, où l'on s'apprête à ériger deux auditoriums, une grande salle et une plus petite, en plein coeur du Kimmel Center for the Performing Arts. Tous ces apports technologiques n'ont pas pour seul objectif de satisfaire un public moderne, mais également de constituer des outils pour l'éducation des jeunes générations.

     
    À Paris, il y a tout de même l'idée d'un nouvel auditorium à la Villette, bien que le projet ait été reporté sine die


    Inutile de se leurrer, les écueils contre lesquels bute ce projet n'ont que peu de rapport avec la musique ou l'architecture. Ils sont tout naturellement politiques, et l'incertitude quant au nom du prochain maire de la capitale ne peut qu'ajouter à la confusion. Les choses pourraient s'éclaircir à l'issue des élections, mais quoi qu'il advienne de ce projet, la solution, selon moi, devrait passer par l'adoption d'une salle polyvalente. C'est ainsi que je conçois une salle du nouveau siècle.

     
    Le modèle de financement privé est une autre voie possible. Mais les États-Unis constituent-ils pour autant un modèle absolu, quand on sait que la rénovation du Lincoln Center de New York est planifiée sur une décennie ?

    Pas plus. Je peux désormais le dire : si j'ai refusé le poste de directeur musical de l'Orchestre philharmonique de New York, c'est notamment parce que les plans de rénovation du Lincoln Center étaient à trop long terme. Comment sonnera alors le Avery Fischer Hall (NDRL : le lieu de résidence de l'Orchestre philharmonique de New York) ? C'est une question sans réponse. Une question pourtant essentielle pour le futur d'une formation symphonique.

     
    Vous êtes particulièrement attaché à l'idée de démocratiser la musique par des moyens de communication modernes. Le disque a longtemps tenu cette fonction. Mais le souci de rentabilité à court terme dont font maintenant preuve les "majors" ne sonne-t-il pas le glas du disque classique ?

    C'est un grand danger, de toute évidence. Les règles économiques n'ont que faire de domaines d'activités où les profits sont faibles. Mais si le disque classique est aujourd'hui marginalisé, ce n'est pas parce qu'il s'en vend moins qu'il y a trente ou quarante ans, mais parce le métier d'éditeur a disparu. Autrefois, toutes les "majors" aimaient produire des disques classiques : c'était prestigieux, et les autres répertoires musicaux, plus lucratifs, s'en trouvaient du coup valorisés en terme d'image.

    Aujourd'hui, tous ces principes sont oubliés, et on ne peut être que pessimiste sur l'avenir du disque classique. À cela, il faut ajouter qu'un orchestre coûte cher, trop cher pour une maison de disques : c'est sans doute la raison pour laquelle plusieurs institutions symphoniques en Allemagne et aux États-Unis ont choisi de produire leurs propres disques.

    Mais il existe d'autres moyens encore, plus modernes, plus efficaces, plus proches des mélomanes: il s'agit bien sûr d'Internet. Télécharger de la musique, assister à un concert en direct sur le Web : voilà de belles perspectives à prendre en compte dès que les progrès technologiques accroîtront de manière significative le confort audiovisuel .

    Cela dit, toutes ces évolutions ne serviront à rien si l'on n'accepte pas de décloisonner la musique classique. Le public est sensible aux efforts d'adaptation des musiciens classiques à leur époque. On ne doit pas donner le sentiment aux gens, aux jeunes en particulier, qu'en allant au concert ils entrent dans un musée. Il faut définitivement abandonner les queues de pie, comme les autres signes extérieurs d'un passé révolu : on peut rester élégant sans être en total décalage avec son temps.

     
    Il y a quelques mois, dans les colonnes de la presse britannique, Leonard Slatkin avait, lui, pris des positions inverses aux vôtres


    Une attitude conservatrice, passéiste. En un mot : impardonnable.

     
    Pensez-vous appliquer vos principes aux musiciens de l'Orchestre de Paris ?

    M'avez-vous vu porter la queue de pie ? Je donne l'exemple, en tout cas. Je crois que les membres de l'Orchestre de Paris, eux aussi, ont su prendre de bonnes résolutions.

     
    Dans quelle disposition d'esprit avez-vous trouvé l'Orchestre de Paris à votre arrivée, en septembre dernier ?

    J'ai été impressionné par la mentalité des musiciens. Le rajeunissement qui s'est opéré ces dernières années a été profitable à la cohérence du groupe. Je connais l'Orchestre de Paris depuis plus de deux décennies. Avant de devenir chef, je menais une carrière de pianiste, et je me souviens encore de concerts donnés avec l'Orchestre de Paris, sous la direction de Karajan. Les temps ont beaucoup changé. Tous les défauts dont on affublait les membres de l'orchestre ont été balayés. Je suis désormais face à une phalange intelligente, ouverte, disponible, disciplinée, coopérative.

     
    Le répertoire de l'orchestre doit-il évoluer vers d'autres horizons ?

    Un orchestre se doit d'être le témoin de son époque. Il ne peut avoir les yeux tournés uniquement vers le passé. Comme je l'ai fait à Houston (NDRL : Christoph Eschenbach fut le directeur musical de l'Orchestre symphonique de Houston) et continue à le faire à Hambourg, je vais davantage orienter le répertoire de l'Orchestre de Paris vers la création.

     
    L'Orchestre de Paris possède-t-il un son typiquement français ?

    Un faux débat. J'ai récemment donné avec cet orchestre une symphonie de Brahms qui sonnait plus allemand qu'avec une phalange d'outre-Rhin ! Et l'Orchestre de Paris est aussi capable de mettre du "swing" dans la musique américaine quand cela se justifie ! On ne peut donc plus parler de tradition ou d'école, comme on le faisait il y a quelques décennies. C'est que le monde est en quelque sorte devenu plus petit : les tournées, les échanges, la circulation instantanée d'informations, ont mis fin à ces notions.

     
    Et pourtant l'Orchestre de Philadelphie, dont vous allez être le directeur musical à compter de 2003, possède encore le fameux "Philadelphia Sound"


    Oui, bien sûr, il y a à Philadelphie ce son tout à fait exceptionnel, unique, forgé dans le passé par Stokowski et Ormandy. Wolfgang Sawallisch a sans doute été le premier directeur musical à constater des lacunes dans le répertoire de l'orchestre et de tenter d'y pallier, en consacrant de longs cycles aux Symphonies de Beethoven ou de Haydn, à la grande satisfaction des musiciens. Lorsque j'ai été nommé il y a quelques semaines à la tête de cette phalange, ils sont spontanément venus me voir pour savoir s'il était possible de faire un travail en profondeur sur la musique du XVIIIe siècle, et ce dès la saison 2003-2004 : une chance pour eux et pour moi.

     
    Vous êtes une sorte de " globe-trotter " de la baguette, partagé entre Paris et Hambourg. Dans deux ans, vous serez à Philadelphie. Peut-on sérieusement être le patron de plusieurs orchestres ?

    Non, forcément. Ce ne serait pas sérieux. Je dois prendre le temps de la réflexion. D'ici quelques mois, j'annoncerai mes choix, mes priorités.

     
    Le magazine Forbes a publié la liste des dix chefs les mieux payés aux États-Unis, dont les salaires sont compris entre deux et un million de dollars. Ces rémunérations ne vous semblent-elles pas tout de même disproportionnées ?

    Encore faut-il que ces montants soient justes. Cela me paraît bien improbable. Il y a quelques années, Norman Lebrecht (N.D.L.R. : célèbre chroniqueur britannique au Daily Telegraph) avait livré des chiffres tout aussi hasardeux. Il faut voir tout cela avec la plus grande des circonspections.

     


    Discographie sélective

    Richard Strauss : airs d'opéras, Renée Fleming, Barbara Bonney, Orchestre philharmonique de Vienne – Decca 466314-2

    Richard Strauss : Quatre derniers lieder, Suite du Chevalier à la rose, Renée Fleming, Orchestre symphonique de Houston – RCA 09026 68539-2

    Grands pianistes du XXe siècle : Sonate D.959 de Schubert, Sonates de Haydn et Mozart – Philips 2 CD 456 763-2

     

    Le 12/02/2001
    Stéphane HAIK


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