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ENTRETIENS 27 avril 2024

Thomas Hampson en chevalier blessé
© Eric Sebbag

Thomas Hampson, presque méconaissable en Amfortas.

Pour tout grand baryton, le rôle d'Amfortas, le chevalier blessé par la lance qui transperça le flanc du Christ, est de ces très grands rôles qui exigent une maturation plus encore psychologique que vocale. Thomas Hampson l'aborde pour la première fois dans le Parsifal de l'Opéra Bastille. Voici sa conception du rôle.

 

Le 21/02/2001
Propos recueillis par Françoise MALETTRA
 



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  • Qui est Amfortas pour vous ?

    La difficulté avec Amfortas, c'est qu'il semble enfermé dans un réseau de contradictions inconciliables. Il ne faut pas oublier qu'il est porteur d'une longue histoire, et qu'il incarne les dilemmes les plus colossaux de l'humanité. Le grand défi pour chanter Amfortas est d'être totalement libre dans sa tête et dans son âme, afin de traduire la complexité des mouvements intimes du personnage, sans essayer d'agir sur lui avec ses propres intuitions. C'est mon premier Amfortas. Je travaille le rôle depuis longtemps. Je crois bien le posséder, même si le langage musical est très étrange. Mais je sens que cette maturation est aujourd'hui en train de devenir une évidence intérieure.

     
    Pour l'interprète, toute prise de rôle est le début, et seulement le début, d'une histoire. À chaque reprise, le personnage est susceptible d'avoir évolué, de s'être enrichi, approfondi. Où puiserez-vous encore ?

    En mettant mes pas dans les pas de Wagner. Je connais depuis toujours l'histoire de Parsifal. Je parle l'allemand couramment, donc mon accès à la littérature s'est fait en profondeur. Je suis aussi un homme qui a de réelles préoccupations spirituelles, même si j'évite de parler de religion. Mon actuelle confrontation avec Amfortas, en tant que personne, me semble être de rejoindre la perspective que Wagner recherchait dans une littérature très vaste.

    C'est pourquoi je commence toujours par le texte original. Un rôle comme celui-ci se prépare bien avant la lecture du livret. Les mots, les notes viennent après. Ce qui est essentiel chez Wagner, c'est qu'en dépit de toutes les traditions d'interprétation, même les plus célèbres, il reste les indications si précieuses qu'il nous donne sur ses sources littéraires. Je suis par exemple très influencé par la conception qu'a Wieland Wagner de "Parsifal". La métaphore de la croix, qui touche tous les personnages, symbolise la damnation et la rédemption. Elle exprime le spirituel, le temporel, le céleste. Tous ces symboles traversent nos vies.

    Amfortas a failli en cédant aux séductions de Kundry, et il porte sa faute comme une croix, exactement comme chaque être humain est amené à la faire. Je ne suis pas préoccupé par le Christ, mais par l'idée d'un être élu, choisi. Ce n'est pas le Jésus de la chrétienté qui m'intéresse, c'est la figure symbolique. Là, il y a du sens.

     
    Amfortas est celui qui dit sa souffrance, plus haut et fort que les autres personnages. Est-ce que sa grandeur n'est pas lĂ , dans cette acceptation de son humaine faiblesse ?

    Il faut faire attention avec Amfortas. Il n'en appelle pas à la mort comme à l'issue suprême. Aujourd'hui, on considère trop souvent la mort comme une finitude. Développer les notions de vie et de mort en termes de transcendance et de passage, me semble une philosophie beaucoup plus intéressante. Penser qu'Amfortas veuille mourir à cause de sa terrible blessure, serait une erreur. C'est l'idée de la rédemption par la mort qui l'anime. Il dit : "la mort, c'est la fin de la douleur et de la honte". C'est l'idée du pardon, et il sait que le pardon, il ne peut l'obtenir sur terre. Il est donc prisonnier de sa souffrance, et de sa colère.

    Colère contre Titurel, son père, colère contre lui-même. Une haine terrible l'habite. En cela, il est l'emblème de l'humanité abandonnée et il déteste avoir à affronter ça encore et encore. Je suis en pleine réflexion sur Amfortas. Je ne suis pas encore tout à fait certain de qui il est, mais il est important de travailler sur la complexité de ces symboles, de ses métaphores, et surtout sur leur articulation. Car "Parsifal" est le parfait exemple d'une histoire de très ancienne mémoire, dont nous ne donnons à voir sur scène qu'un fragment, et ce fragment doit tout contenir, tout nous faire comprendre et ressentir.

     

    Le 21/02/2001
    Françoise MALETTRA


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