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ENTRETIENS 25 avril 2024

Hey Jude !

Après une Victoire de la musique-surprise en 1995, la pianiste Marie-Josèphe Jude poursuit une carrière plus discrète mais équilibrée. En marge d'une intégrale Brahms en cours chez Lyrinx, elle vient de graver un disque majeur pour la réhabilitation de l'oeuvre pianistique de Mendelssohn. Rencontre.

 

Le 14/03/2001
Propos recueillis par Pauline GARAUDE
 



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  • D'où vient votre attirance pour le piano ?

    Mes 6 frères et soeurs en jouaient. Etant la plus jeune, je voulais faire comme eux ; un réflexe de petite fille. Je devais avoir 3 ans quand j'ai posé mes mains sur un clavier et faire du piano à cet âge-là ne relève pas d'une décision vraiment personnelle. Mais c'est le côté "jeu" que je préférais. Mes parents, ayant remarqué mes facilités, m'ont amené chez un professeur de quartier et à 4 ans, je suis entrée au conservatoire de Nice. C'est plus tard, lors de mon accès au consdervatoire national de musique de Paris, que s'est précisée l'idée de faire carrière.

     
    Vous y rentrez à 13 ans : comment avez-vous appréhendé ce milieu ?

    La discipline n'a pas été une contrainte car mes parents nous ont tous élevés avec beaucoup de discipline. La différence d'âge avec les autres élèves n'a pas été difficile à vivre non plus car mes frères et soeurs sont tous plus âgés que moi. En revanche, je regrette de ne pas avoir profité pleinement de l'enseignement qui m'était donné. Je n'avais pas conscience de la chance que j'avais, même si j'ai personnellement demandé à travailler avec Aldo Ciccolini qui a toujours été pour moi une référence.

     
    Justement, que retenez-vous de l'enseignement de vos professeurs Aldo Ciccolini et Jean-Claude Pennetier ?

    Ce qu'Aldo pouvait apporter le plus, c'est son expérience de pianiste et de concertiste. Il m'a beaucoup appris à ce niveau-là, me transmettant cette sorte de rituel dans lequel il faut être lorsque l'on joue sur scène. Il apprenait à lire une partition comme personne, mais la pédagogie n'était pas vraiment son point fort. Malgré cela, j'avais à 13 ans une forte capacité de mimétisme alors je regardais attentivement ce qu'il faisait, afin de comprendre comment le faire.

    Quant à Jean-Claude Pennetier, avec lequel j'ai travaillé en cycle de perfectionnement, il était maniaque mais dans le bon sens du terme ! Il m'a inculqué la précision : le détail du texte et l'attaque du doigt. Que ce soit dans le legato, le staccato, le phrasé
    il avait une attaque spécifique pour chaque note d'une partition !

    Mais après avoir fini mes études, j'ai également reçu l'enseignement de Maria Crucio Diamand. C'est grâce à elle que je me suis remise au piano alors qu'après le Conservatoire de Paris, j'étais restée 2 ans sans pratiquement en faire. Il me manquait quelque chose. J'avais l'impression que mon travail n'était jamais abouti. J'ai toujours eu des facilités et je jouais de manière trop instinctive, sans forcément comprendre ni maîtriser ce que je faisais. C'est précisément ce qu'elle m'a appris : analyser et contrôler le geste pour faire consciemment que je voulais réaliser sur le plan sonore et musical.

     
    Comment s'est lancée votre carrière ?

    Suite à une cassette que j'ai envoyée à Alain Duault, il m'a très vite proposé de participer à l'une de ses émissions, puis a parlé de moi plusieurs fois sur RTL. Son soutien a toujours été très fidèle. En 1995, après avoir sorti mon premier disque consacré à Brahms, j'ai remporté les Victoires de la Musique dans la catégorie Nouveaux Talents. Quelques jours, après j'avais un agent, Caroline Martin, ce qui m'a permis de lancer ma carrière scénique.

     
    La vingtaine à peine franchie, vous vous lancez dans l'enregistrement d'une Intégrale Brahms : comment est né ce projet si ambitieux ?

    Là aussi, j'avais envoyé une cassette à la maison de disque Lyrinx avec une sonate de Mozart, du Brahms, la Fantaisie de Schumann et Gaspard de la Nuit de Ravel. Le directeur très séduit par le Brahms me contacte et me propose alors quelques semaines après d'enregistrer un premier disque consacré aux dernières oeuvres de ce compositeur. Puis à Marseille, la Société de Musique de Chambre voulait pour fêter ses 75 ans, un événement sur plusieurs années. On m'a proposé l'intégrale Brahms que j'ai accepté du fait que ce soit dans le cadre d'un concert. Mais Lyrinx, basé sur Marseille, a profité de l'occasion; de là est née l'idée de l'Intégrale.

     
    Que vous évoquent les compositions de Brahms ?

    Un mélange d'introversion et de passion bouillonnante. A la fois ce cadre, cette atmosphère intime, contemplative, ce sentiment débordant, cette exultation qui doit se sentir mais sans être prépondérante. Son écriture est très dense, sa texture est riche et fournie. J'aime les opposées qui se retrouvent. Chez Mendelssohn, c'est un peu ce que j'y retrouve.

     
    Vous venez justement de lui consacrer un disque : pourquoi Mendelssohn ?

    Je voulais tout d'abord sortir un peu de Brahms et j'ai songé à plusieurs compositeurs dont Liszt et Granados. Mais je ne me sentais pas pleinement en symbiose avec eux au moment où devait se faire le disque. Voulant rester dans le répertoire romantique et aimant les compositeurs où les sentiments s'opposent, j'ai choisi Mendelssohn. Il apporte à un pianiste ce que Brahms n'apporte pas : la jouissance instrumentale et tactile d'un écriture plus aérée, plus limpide, admirablement bien écrite.

     
    En studio, êtes-vous spontanée ou perfectionniste ?

    Les deux. Si je recommence beaucoup, c'est pour retrouver une spontanéité ! Je fais des prises entières pour retrouver cet élan que l'on a en concert. Je ne procède jamais par section. Mais au montage, je choisis les meilleurs passages, non pas les plus réussis techniquement mais ceux où l'émotion passe le plus naturellement. Sur un disque, je trouve important qu'il y ait de la vie alors que la perfection digitale et technique peut avoir une couleur aseptisée.

     
    À 16 ans, vous rencontrez le compositeur Maurice Ohana : que vous a-t-il apporté ?

    Notre première rencontre reste un merveilleux souvenir. Je suis arrivée chez lui avec des oeuvres de Beethoven et de Brahms dont il ne voulait pas entendre une seule note. Il m'a posé sa partition du Tombeau de Claude Debussy que j'ai déchiffrée. Il était un peu mon père spirituel, et surtout, il m'a apporté le regard d'un compositeur. Nous, interprètes, nous sommes davantage attentifs aux indications mais rarement nous allons puiser dans l'écriture même le sens musical.

     
    Comment définiriez-vous aujourd'hui votre répertoire ?

    J'ai une tendance, contre laquelle j'essaie d'ailleurs de lutter, qui est de me dire que rien ne peut m'aller ! Il y a beaucoup de choses que je m'interdis et donc, je procède par élimination ! Disons que si je ne sens pas, que j'ai rien de personnel à exprimer et à transmettre sur une oeuvre ou un compositeur, je ne joue pas sa musique. Mais dans l'ensemble, mon répertoire tourne autour des romantiques allemands et de la musique française du XXe siècle.

     
    Existe-t-il des oeuvres que vous préférez entendre plutôt que jouer ?

    Oui, Chopin. Je ne me sens pas suffisamment libre par rapport à sa musique. J'ai l'impression que ma personnalité n'est pas encore en phase et en symbiose avec elle. Il y a 10 ans, j'avais comme un blocage. Maintenant, je commence à aborder les Ballades et les Nocturnes sans appréhension.

     
    Quel répertoire jouez-vous avec Jean-François Heisser et comment le travaillez-vous ?

    Nous avons commencé par le répertoire à deux pianos, qui est plus facile car nous avons chacun notre "territoire" et il y a moins de problème d'homogénéité. Mais le travail qu'implique le répertoire pour 4 mains est beaucoup plus intéressant et se rapproche de la conception du quatuor à cordes. Les mains sont comme les 4 instruments. Elles doivent se fondre. Ce qui est paradoxal, c'est que nous avons souvent la même vision de l'oeuvre mais une façon de la réaliser pianistiquement totalement différente. Nous n'avons pas du tout la même approche du clavier et d'ailleurs nos jeux se complètent.

     
    Quels sont vos projets ?

    Je vais finir dans les deux années qui viennent l'intégrale de Brahms dont il me reste 2 disques à graver avec la 1re Sonate et toutes les variations. Notre premier disque avec Jean-François va sortir en septembre. Il est consacré aux Danses hongroises et aux Valses de Brahms mais n'a rien à voir avec l'intégrale. Côté concerts, tout se passe comme je le souhaitais, car ma carrière est équilibrée entre la musique de chambre, répertoire soliste et formation orchestrale.

     

    Le 14/03/2001
    Pauline GARAUDE


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