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ENTRETIENS 26 avril 2024

Fabio Biondi, propos pas toujours de saisons
© Eric Sebbag

Voici dix ans, le violoniste Fabio Biondi et son ensemble Europa Galante ont complètement "dépoussiéré" les Quatre Saisons de Vivaldi. Alors qu'il s'apprête à les réengistrer, il nous a accordé un entretien.
 

Le 22/03/2001
Propos recueillis par Yutha TEP
 



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  • Commençons tout de suite par le plus excitant : de nouvelles Quatre Saisons. Pourquoi les remettre sur le métier ?

    En réalité, c'est un enregistrement de l'intégralité du recueil de l'Opus 8, Il Cimento dell'Armonia e dell'Invenzione, qui va sortir au mois de juin. Pour nous, c'est un aboutissement presque naturel ; la sortie de la première version a eu lieu, il y a presque dix ans, et on peut maintenant raisonnablement revisiter l'oeuvre. D'ailleurs, les Quatre Saisons ne nous ont jamais quittés, car elles ont toujours fait partie de notre répertoire. Chaque fois que nous les jouons, nous cherchons quelque chose de nouveau à dire, et cela est particulièrement vrai pour moi au violon solo : évoluer, improviser fait partie de la nature même de la musique baroque.

     
    Quelle nouveauté apportera donc ce nouvel enregistrement ?

    Vivaldi a lui-même écrit que les différents concertos du Cimento avaient été composés à des époques différentes. Nous reprenons donc pour chaque concerto de l'Opus 8, le manuscrit originel de Vivaldi ; ce corpus manuscrit est en fait réparti entre les bibliothèques de Manchester, Dresde et Turin. Le résultat est logiquement différent, notamment dans certaines parties de violon solo, et se révèle bien plus beaux que dans l'édition d'Amsterdam utilisée habituellement. Le travail exigé a été très important.

     
    Appréhender l'ensemble du Cimento influe bien sûr sur la vision des Quatre Saisons, n'est-ce pas ?

    Tout à fait. Quand on enregistre un recueil entier, il faut avoir une vision beaucoup plus large que lorsqu'il s'agit d'un concerto isolé. Ici, il y a une suite de douze concertos, que j'ai décidé de jouer uniquement avec un violon solo, même si l'on peut en interpréter au hautbois. Pour donner une unité et une direction à l'enregistrement, il faut résoudre certaines questions au niveau des tempi, pour éviter la monotonie. Les Quatre Saisons viennent s'insérer dans ce processus, et ne peuvent donc être isolées.

     
    À côté de Vivaldi, Bach tient désormais une place très importante dans votre répertoire. Est-ce un Bach italien ?

    Nous avons bien sûr une mission dans le répertoire italien et dans sa redécouverte. Mais nous refusons de nous laisser enfermer dans un " ghetto " italien : il est absurde de dire qu'un musicien ne peut pas bien jouer un répertoire qui ne lui est pas natif. Ce n'est pas parce que les Italiens jouent maintenant Vivaldi qu'il nous faut oublier ce qu'ont fait les ensembles anglais ou allemands auparavant. La musique est universelle, elle tolère des visions multiples.

    Pendant des années, nous avons subi une sorte d'interdit ; il était par exemple impensable que nous, musiciens italiens, touchions à la musique française, ou même à la musique allemande. Je me souviens de mon enregistrement des sonates de Bach, avec Rinaldo Alessandrini. J'en ai retiré un plaisir immense, c'était un peu le rêve de notre vie à tous deux, mais la presse les a un peu relégués au second plan, parce que c'étaient deux Italiens jouant de la musique allemande. Aujourd'hui, cela change un peu, on croit plus à l'universalité de la musique, à ce style mixte dont parlait Quantz. Et Bach est l'exemple même de cette alchimie entre styles français, allemand et italien.

     
    Certains vous reprochent de mettre un peu trop de soleil d'Italie dans Bach


    Je ne suis pas convaincu que nos disques chez Virgin illustrent obligatoirement un Bach à l'italienne. Nous avons une façon de jouer Bach certes plus active, plus virtuose que de coutume, mais nous ne le transformons pas en compositeur italien. Dans notre disque avec Ian Bostridge, nous gardons une gravité qui est un élément important dans la musique de Bach et dans la musique luthérienne en général. À l'heure actuelle, je pense qu'il faut prendre garde à une identification exagérée entre un ensemble et un répertoire : c'est un danger terrible. Imaginez les pauvres Anglais : ils seraient réduits à jouer Blow, Purcell, éventuellement Haendel, qui faisait plutôt de la musique italienne !

     
    Un de vos collègues a même affirmé qu'il fallait être vénitien pour bien jouer Vivaldi


    C'est une chose terrible. On n'a pas besoin d'être vénitien pour jouer Vivaldi ; par contre, il faut bien connaître le style vénitien. Il y a la musique de Rome, de Naples, de Venise etc
    La façon de jouer et de composer, dans chacun de ces états, était différente. Mais les compositeurs eux-mêmes se déplaçaient fréquemment d'une ville à l'autre. Si on pousse trop loin le purisme, il faudrait alors être Vénitien de ce temps, et non Vénitien d'aujourd'hui pour bien jouer Vivaldi
    Je prie les Vénitiens de me pardonner, mais la Venise d'aujourd'hui n'a rien à voir avec la République d'alors, la vie y est probablement bien moins lumineuse : il suffit de compter le nombre de théâtres en activité aujourd'hui.

     
    Musicalement, qu'elle est la distance entre Bach et Vivaldi ?

    Au risque de surprendre, je me sens beaucoup plus libre avec Bach que lorsque je joue de la musique italienne. Bach a un langage qui me semble bien plus naturel, moins affecté, que Vivaldi, pour lequel il faut s'imprégner du "narcissisme musical" des Italiens de cette époque. Bach garde une universalité qui n'a rien à voir avec cela, sa mécanique de composition est presque parfaite, au point qu'il est parfois dangereux d'ajouter quoi que ce soit. Pour moi, Bach est une perpétuelle éducation, une école de réflexion. Cela m'aide un peu comme le ferait une philosophie orientale : regarder les choses à un rythme différent.

     
    Vous avez déjà beaucoup enregistré et joué Bach : on citera vos disques de cantates avec Ian Bostridge, ou les Brandebourgeois avec Jordi Savall et les sonates avec Rinaldo Alessandrini. Qu'aimeriez-vous aborder maintenant ?

    J'ai deux rêves concernant Bach. D'une part, je voudrais continuer à jouer les concerti, particulièrement les concerti pour violon et les transcriptions pour hautbois d'amour, ou encore les concerti pour clavecin. Et bien sûr, je rêve de la Passion selon Saint Matthieu. C'est notre magnifique collaboration avec Ian Bostridge qui m'a donné cette envie. Le disque nous a été proposé par EMI-Virgin ; Ian avait écouté notre Estro Armonico, il voulait absolument faire quelque chose avec Europa Galante. EMI a alors suggéré Bach.

     
    Vous avez déjà beaucoup enregistré et joué Bach : on citera vos disques de cantates avec Ian Bostridge, ou les Brandebourgeois avec Jordi Savall et les sonates avec Rinaldo Alessandrini. Qu'aimeriez-vous aborder maintenant ?

    J'ai deux rêves concernant Bach. D'une part, je voudrais continuer à jouer les concerti, particulièrement les concerti pour violon et les transcriptions pour hautbois d'amour, ou encore les concerti pour clavecin. Et bien sûr, je rêve de la Passion selon Saint Matthieu. C'est notre magnifique collaboration avec Ian Bostridge qui m'a donné cette envie. Le disque nous a été proposé par EMI-Virgin ; Ian avait écouté notre Estro Armonico, il voulait absolument faire quelque chose avec Europa Galante. EMI a alors suggéré Bach.

    L'enthousiasme de Ian m'a beaucoup stimulé dans la perspective d'un grand projet. Mais encore une fois, on se heurte aux problèmes de l'industrie du disque, et l'obligation de faire des produits qui doivent aider le label. Je trouve cela normal. Il est important de travailler en synergie avec un label, et élaborer des programmes qui aident autant le concert que l'enregistrement. D'où la difficulté : qui serait intéressé par une Passion avec un ensemble italien ?

     
    Et en ce qui concerne le répertoire italien, un opéra de Vivaldi ?

    J'ai dirigé Bajazet de Vivaldi à Istanboul, et c'est une oeuvre à laquelle je crois beaucoup, parce qu'elle révèle un Vivaldi homme d'opéra comme on l'imagine assez difficilement, avec ici une maturité d'écriture exceptionnelle. L'opéra italien n'est pas suffisamment joué, il y a tout un répertoire passionnant fin XVIIe-début XVIIIe siècle. Avec Europa Galante, j'ai fait il y a quelques mois une expérience très stimulante à Palerme, durant le Festival Scarlatti : on a joué Massimo Puppieno avec mise en scène. C'est une musique sublime, et surtout la réaction très positive du public nous encourage à persister.

     
    Bach, Vivaldi, Scarlatti
    Un peu de Haendel aussi ?


    Haendel est un compositeur à la sensibilité typiquement italienne. Je suis très fier de notre enregistrement de Poro chez Opus 111, pour lequel nous avons fait un immense travail sur la déclamation, le récitatif. J'aimerais bien faire un opéra de Haendel mis en scène, mais apparemment, Haendel reste la chasse gardée des musiciens nordiques
    Allez savoir pourquoi ! On cherche pourtant des chanteurs italiens pour chanter Haendel, pourquoi pas un orchestre italien ? Avec tout le respect sincère que j'éprouve pour les interprètes actuels de Haendel, j'aimerais mettre l'accent sur le rapport voix-orchestre de cette musique, bien plus important qu'on ne le croit. On relègue trop l'orchestre à un pur rôle d'accompagnement face à des stars lyriques.

     
    Ce qui revient en fait à instituer de nouveau une sorte de règne des divi et dive similaire à ce qui se passait au XVIIIe siècle.

    Tout à fait. L'opéra de l'époque, pardon pour le mot, était une espèce de " bordel ", avec beaucoup d'abus et d'acrobaties. L'opéra du XVIIIe siècle était plein de corruptions de toute sorte. Dans ce cas précis, les pratiques d'époque sont plutôt à oublier

     

    Le 22/03/2001
    Yutha TEP


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