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ENTRETIENS |
24 avril 2024 |
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On vous a entendue récemment au Théâtre des Champs-Élysées en Yniold dans Pelléas et Mélisande, mais on se souvient plus encore de votre rappeur Valetto/Amore du Couronnement de Poppée dans la mise en scène de David McVicar dans la même salle. Comment êtes-vous devenue chanteuse ?
Je suis d'Alger. J'ai commencé la musique en jouant du violon. Mon grand-père avait fait de la musique traditionnelle en amateur et jouait du tuba dans une fanfare ! Ensuite, la passion pour la musique a sauté une génération. Mais mes parents – mon père est ingénieur –, ont encouragé leurs quatre enfants dans leur voie. J'ai un frère qui est violoniste à Paris. Le déclic s'est produit alors que je cherchais un moyen d'expression. J'ai vécu des moments difficiles en Algérie. Alors que je commençais à m'épanouir au violon, les coopérants sont à peu près tous partis. Je me suis trouvée en manque de formateurs. Le chant est venu tout à fait par hasard pendant mon cursus universitaire.
Je suivais les cours de licence de musicologie et mon futur professeur de chant m'a entendue crier dans les couloirs ! Il m'a demandé de lui chanter quelque chose. J'ai choisi une mélodie d'une chanteuse libanaise. Il m'a demandé ensuite si je voulais travailler ma voix. J'ai dit que j'aimerais faire du lyrique. À la maison, nous avions une seule cassette : des airs d'opéra chantés par Placidó Domingo. Ce que j'aime dans le lyrique, c'est à la fois le théâtre et cette projection de la voix qui me fascine.
J'ai commencé à travailler dur, puis j'ai obtenu une bourse pour une académie vocale à Nice et là s'est produit un tournant dans ma carrière vocale. J'ai découvert que j'étais soprano et non pas comme je le pensais mezzo. Je n'avais aucune intention de quitter l'Algérie, mais quand la passion professionnelle entre en jeu, il faut lui obéir. Je suis allée suivre des cours à l'École de musique de Montreuil avant d'entrer au CNSM où je suis arrivée avec un petit répertoire. |
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Quel a été votre premier rôle sur scène ?
Pamina, dans la Flûte enchantée, alors que j'étais en deuxième année au Conservatoire, avec le chef Alain Altinoglu et le metteur en scène Lukas Hemleb. Ce dernier est un excellent directeur d'acteurs, mon travail avec lui m'a beaucoup marquée. Hemleb et Altinoglu m'ont d'ailleurs donné ce qui me semble le plus important : la confiance en soi.
Après le Conservatoire, j'ai fait une tournée avec le Jardin des voix de William Christie. Ce qui m'a vraiment lancée, c'est le rôle de Valetto dans le Couronnement de Poppée avec René Jacobs. J'ai joué au jeune rappeur, j'ai trouvé là une certaine aisance corporelle. Je me rends compte de plus en plus à quel point il faut travailler son corps. Si on est à l'aise sur scène avec son corps, si on est en bonne condition physique, le sport étant indispensable, cela aide à chanter. On se sent plus en sécurité. Pour moi, c'est une des clés. |
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Qu'est-ce qui vous a séduite dans Véronique ?
Fanny Ardant était présente aux auditions que j'ai passées. Quelle chance d'avoir un tel metteur en scène ! Elle est capable de nous jouer toutes les situations. Elle est à la fois très claire et très réservée. Elle se sert de son expérience du cinéma pour certaines intentions, notamment les textes parlés. Dans Véronique, il sont nombreux et il n'est pas évident pour les chanteurs de les rendre vivants et compréhensibles.
Pour un chanteur d'opéra, défendre un texte parlé est un gros travail. Fanny Ardant nous explique qu'il ne faut pas « taper » dans les mots, mais élargir les phrases sans les crier, en les mâchant le plus possible face à la salle. La musique des mots déclamés et la musique vocale sont très différentes. Pour le texte parlé, on envisage d'ailleurs un soutien acoustique. |
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Qui est VĂ©ronique ?
Une jeune fille en train de se construire. Insouciante, elle croit à l'amour, à sa pureté. Elle est pleine de surprises. L'homme qu'elle croyait si parfait ne l'est pas. Il est tenté par les femmes légères et elle joue ce rôle pour le ramener à elle. Elle passe de l'état de « petite dinde » comme il l'appelle, ou plutôt de petite fille blessée à celui de femme provocante à l'image de celles qui séduisent ce Florestan. |
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Est-ce un peu plus qu'une opérette ?
C'est très exactement un opéra-comique. Il y a des moments de légèreté, mais aussi des instants plus graves, un peu plus dramatiques. Je pense que cette production ne sombrera pas dans la facilité. Les décors sont beaux et les costumes magnifiques, et je trouve que c'est une chance pour le patrimoine français que l'on retrouve cette oeuvre à l'affiche. La musique de Messager est très jolie de surcroît. |
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Quels sont vos projets immédiats après le Châtelet ?
Trois semaines après la fin des représentations, je fais ma prise de rôle d'Adina dans l'Élixir d'amour en Avignon. Vocalement, il y a une certaine exigence, mais je ne serai pas dépaysée car la mise en scène est également située dans les années 1950, et puis Adina et Véronique ont un point commun : elles sont toutes deux espiègles et c'est aussi un côté de mon caractère. |
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Avez-vous des projets à l'Opéra de Paris ?
Je chanterai dans Mireille, mais auparavant, au Capitole de Toulouse, je serai la saison prochaine Suzanne dans les Noces de Figaro, une femme fraîche, fragile autant que forte, qui lutte pour défendre son bonheur. Dans la vie aussi, je suis une acharnée. Le personnage dont je rêve, c'est dans trois ou quatre ans la Juliette de Gounod. Mais il me faut un peu plus d'expérience sur scène.
Ă€ voir :
Véronique, d'André Messager, Théâtre du Châtelet, du 21 au 31 janvier. |
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