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SELECTION CD 29 avril 2024

Chronique des années de braise



Après La belle époque de la musique française, 1871-1940, François Porcile poursuit son travail de commentateur de la vie musicale de l'Hexagone en poussant jusqu'à la période de tous les conflits musicaux : 1940-1965. Si on en connaît déjà les acteurs, cette chronique guerrière à rebondissements vaut le détour.


Le 18/06/2001
Françoise MALETTRA
 

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     Chronique des années de braise

    Les conflits de la musique française (1940-1965)
    Par François Porcile
    Editions Fayard (410 pages/140 FF)


    Lorsque François Porcile parle d'une " guerre de tranchées et d'un combat sans merci ", il stigmatise exactement le climat musical des vingt-cinq années qui suivirent la Deuxième Guerre mondiale. Et il est bien placé pour le savoir, lui qui avoue " avoir tout voulu connaître, tout entendre de la musique moderne, et y nager jusqu'à saturation dans ses courants contraires. "

    Années d'extrêmes turbulences, années extrêmement fertiles : de tables rases en révolutions de salon, de petites phrases assassines en attaques frontales, tous les coups seront permis. Bataille rangée : dans le camp des modernes, Boulez, Messiaen, Schaeffer, Nono, deviennent des chefs de bataillons d'une avant-garde avançant en ordre dispersé ; dans le camp des anciens : Honegger, Milhaud, Sauguet, Poulenc, Landowski, sont les militants d'une opposition farouche qui a l'avantage de détenir encore (et pour longtemps !) les cordons de la bourse.

    Sommé d'arbitrer, le public ne sait plus à quel saint se vouer, entre un Pierre Boulez qui le met en garde contre " une esthétique de faussaires menaçant de l'asphyxier, et le clabaudage putassier d'horribles dégénérés que leur inconsistance rend innocents vis-à-vis de leurs immondices ! ", et un Jacques Chailley qui se contente d'une réponse hautaine : " On se moque de vous ! ". Cerné de toutes parts, il s'engage dans une résistance durable en attendant les voies de diversion annoncées par les nouvelles technologies en marche : le microsillon, la haute fidélité, l'explosion des médias.

    Arrêt sur image. On est dans une France occupée, qui s'organise sous le contrôle des uniformes vert-de-gris : un Pelléas et Mélisande d'anthologie, en vingt 78 tours, dirigé par Roger Désormière, un Requiem de Berlioz sous haute surveillance à Garnier, Germaine Lubin et Karajan " en visite " à Paris, Radio-Vichy contre Radio-Paris, un antisémitisme qui décime la communauté musicale juive, l'entrée d'Olivier Messiaen au Conservatoire, un René Leibowitz héraut et prosélyte du dodécaphonisme, la Symphonie pour un homme seul de Pierre Schaeffer et Pierre Henry qualifiée de " bricolage d'amateur. "

     



    Les portes claquent. Paris se libère. Messiaen incarne les temps nouveaux (sa Turangalîlâ triomphe malgré les vociférations de la critique), Henri Dutilleux s'impose sans tapage avec sa première sonate pour piano, Boulez occupe le front de la subversion, Varèse offre aux parisiens avec Déserts le dernier grand scandale du siècle.

    Années cinquante : la fièvre chorégraphique s'empare des jeunes compositeurs, les musiques pour le théâtre et le cinéma aident à vivre, ou à survivre, la bande magnétique et la musique concrète font leur révolution. La musique retient son souffle devant Berio, Xenakis et Stockhausen qui entrent en lice, des dames-mécènes de haute volée captent l'air du temps : l'histoire du " Domaine musical " peut commencer.

    Et la lutte, qui n'a jamais cessé, reprend de plus belle : les sériels et les expérimentaux contre les sentinelles de la tonalité. Tout le monde s'en mêle, jusqu'à Pierre Barbaud qui avec son ordinateur fait le pari de " remplacer par une activité lucide, la passivité du compositeur devant sa muse. " On prédit la mort de l'interprète, les musiques extra-européennes remettent en question la notion de temps musical au profit de la spatialisation du son et du hasard élevé au rang de processus compositionnel.

    Éclatement, fracture, crise ou mutation ? Trop tôt pour le dire. Point d'orgue avec l'arrivée de mai 1965 : Messiaen devient musicien officiel avec la création à la Sainte-Chapelle de Et expecto resurrectionem mortuorum, commande d'état. André Malraux qui croit tenir là l'occasion de négocier une paix des braves, charge Pierre Boulez d'un projet de réforme des institutions musicales, et nomme en même temps Marcel Landowsky à une première direction de la musique, dépendant
    du ministre !

    Cette fois, c'est la guerre des nerfs qui s'engage, sans victoire ni défaite, avec beaucoup d'écarts de langage. Mais c'est le début d'une autre aventure. De cette formidable course d'obstacles sur un quart de siècle, François Porcile fait une brillantissime revue de détails,qui devient le chaînon manquant de notre histoire contemporaine. À mettre de toute urgence entre toutes les mains.

     

     

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