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SELECTION CD |
04 mai 2024 |
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Boulez rédige un nouveau traité |
Boulez dirige Stravinsky Igor Stravinsky : Scherzo fantastique op.3, Le Roi des étoiles (Zvezdolikiy), Le Chant du Rossignol, poème symphonique, L'Histoire du Soldat, suite de concert.
Cleveland Chorus
Cleveland Orchestra
Direction : Pierre Boulez
Enregistrements : Masonic Auditorium, Cleveland : 2/1996 et 11/1994 (Scherzo).
1 CD DGG 471 197-2
Ces temps-ci, il est de bon ton de faire la fine bouche devant les dernières parutions discographiques de Boulez chez le label jaune. Le plus illustre musicien français glacerait l'auditeur par excès de cérébralité. Certes, Pierre Boulez s'est assagi, et ses lectures sont bien moins " physiques " que par le passé. Mais c'est pour mieux explorer une nouvelle direction non moins productive : le travail du son, aidé en cela par une oreille toujours infaillible.
Aujourd'hui, qui mieux que Boulez sait régler les problèmes de dynamique, de balance et d'intonation ? Son souci de la justesse et des équilibres règle à lui seul, par un travail technique acharné, bien des problèmes d'interprétation. Avant les grands discours et la philosophie, Boulez n'oublie jamais que le son est la seule la matière première de tout musicien, il s'agit de le maîtriser au mieux. Son dernier disque Stravinsky en est l'illustration parfaite.
Techniquement, on peut difficilement trouver plus affûté que l'Orchestre de Cleveland. Dans le Chant du Rossignol, il restitue sans peine la profusion de couleurs qui caractérise la partition. Les mélanges de piano, percussion, cuivres bouchés et bois staccato sont ici d'un raffinement millimétrique. On remarque des trompettes et des trombones particulièrement aiguisés, précis de rythme comme de timbre.
Cette nouvelle gravure complète idéalement l'enregistrement inoubliable de Dorati chez Mercury.
D'une perfection instrumentale similaire, la suite de l'Histoire du Soldat pourra paraître trop calculée pour qui aime la narration corrosive d'un Markevitch ou du compositeur lui-même. Ici, on est loin de la veine populaire de Ramuz. Au mépris du programme, Boulez a choisi de sublimer le propos pour ne creuser qu'un sillon : le choc du timbre des instruments.
Passés le léger ajustement psychologique nécessaire et un violon qui, même très au point, aurait gagné à être plus mordant, l'histoire se révèle captivante. Les solistes de Cleveland mélangent leurs couleurs comme d'autres mêlent leur sang.
La prise de son phénoménale rend au mieux les transfusions et l'on n'a jamais entendu une contrebasse aussi vraie. La lecture de Boulez traque les moindres anfractuosités de l'orchestration. Ainsi, dans Ragtime (à 5'10), les accents du basson dans l'extrême grave doublés par les pizz de la contrebasse – génial effet – n'ont jamais été rendus avec une telle plénitude sonore.
Dans la très rare cantate pour choeur d'hommes et orchestre Le Roi des Étoiles, à la si périlleuse intonation pour le choeur, Boulez met en avant l'étrangeté d'une oeuvre troublante et mystique, aidé par un choeur irréprochable qui se joue des hardiesses harmoniques avec une facilité déconcertante.
Enfin, à l'image du reste du programme, le Scherzo fantastique est une nouvelle page d'un véritable " Traité des couleurs orchestrales " dont Boulez livre désormais un chapitre à chaque nouvel enregistrement.
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