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SELECTION CD |
20 avril 2024 |
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Georges Clouzot filme le Requiem de Verdi par Herbert Von Karajan. Giuseppe Verdi : Requiem
Leontyne Price, soprano
Fiorenza Cossotto, mezzo-soprano
Luciano Pavarotti, ténor
Nicolaï Ghiaurov, basse
Choeurs & Orchestre de la Scala de Milan
Herbert von Karajan direction
(Filmé par Henri-Georges Clouzot en 1967)
1 DVD Deutsche Grammophon
En 1967, la firme Unitel, spécialisée dans le film d'opéra, enregistrait à la Scala de Milan le Requiem de Verdi, avec une distribution de rêve. Le mélomane attendit, lui, plus de vingt ans avant de disposer de cette version, devenue mythique. D'abord éditée sous forme de VHS (1989) sous le label DGG, elle est aujourd'hui disponible en DVD. Cette oeuvre ne compte pas moins d'une cinquantaine ( !) de gravures en studio, auxquelles s'ajoutent de nombreuses captations sur le vif. Dans cette pléthorique discographie, les noms des solistes ici présents se retrouvent à plusieurs reprises, associés à des partenaires pas toujours adéquats. Le miracle est d'avoir réuni ce quatuor homogène – qui plus est au meilleur moment pour chacun. Au contraire de tant d'interprètes (et non des moindres) qui se sont aventurés au coeur de cette partition sans en posséder les moyens, tous quatre savent leur Verdi, en possèdent le style, et – cerise sur le gâteau – l'italianité.
A quarante ans exactement, Leontyne Price est la digne héritière de Teresa Stolz, qui au même âge créa ce Requiem à Milan, après avoir été la première Aïda scaligère, entre autre rôles verdiens. " La " Price, autre immense Aïda, constituait déjà l'un des atouts maîtres de la version Reiner (RCA, 1959). Huit ans plus tard, l'aigu n'a rien perdu de sa splendeur, tandis que le medium plus ample et le grave plus assuré permettent à la cantatrice de dominer totalement sa partie ; et d'offrir un Libera me d'une intensité et d'une profondeur rarement égalées.
Fiorenza Cossotto et Luciano Pavarotti, à l'époque déjà des valeurs sûres mais non encore des " stars ", surprennent. On connaît bien leurs incontestables qualités vocales, mais leurs débordements ultérieurs nous a un peu oublié qu'ils peuvent alors chanter avec retenue et sobriété, comme en témoigne ce DVD. Que l'on écoute, pour s'en convaincre, le timbre fruité de la mezzo dans un Liber scriptus intériorisé (plage 4), et la voix solaire du ténor, bouleversant d'humilité, dans son meilleur Ingemisco (plage 8). Nicolaï Ghiaurov réitère la performance qui fut la sienne avec Giulini (EMI, 1964). La voix est de bronze, elle a l'étendue et le volume requis. L'ombre de ses récents Philippe II (Don Carlos) plane sur son Confutatis autoritaire et désespéré (plage 9).
Herbert von Karajan, de 1949 (EMI) à 1985 (DGG), n'a cessé de remettre son Requiem sur le métier. En cette année 1967, il trouve l'équilibre idéal en spiritualité et théâtralité, et ce sans excès démonstratifs (Dies irae, plage 2). Galvanisant l'orchestre et les choeurs de la Scala, il varie les coloris, multiplie les nuances – et laisse s'épanouir les voix sans les couvrir. La prise de son, très bonne pour son époque, trahit à peine son âge (quelques tutti forte opaques) ; et le DVD restitue la clarté et la dynamique que la VHS lui refusait.
Etait-il nécessaire de convoquer Henri-Georges Clouzot pour cette réalisation ? Le grand cinéaste s'efface devant la musique ; il filme avec efficacité, faisant alterner habilement plans d'ensemble et plans rapprochés. Il capte parfois l'émotion sur un visage en gros plan, tout en laissant entrevoir la salle, vide : le spectateur est, en fait, derrière l'écran. Au sein d'une discographie – où les enregistrements inutiles, voire disqualifiés, sont légion – ce Requiem rejoint le peloton de tête des grands enregistrements de l'oeuvre, tous supports confondus. Autant dire qu'on peut l'écouter les yeux fermés !
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| Christian PETER
Requiem les yeux fermés | |
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