L'Art d'Arturo Benedetti Michelangeli
Œuvres de Ludwig van Beethoven, Wolfgang Amadeus Mozart , Frédéric Chopin, Robert Schumann, Johannes Brahms et Claude Debussy.
Orchestre Symphonique de la NDR dirigé par Cord Garben et
Orchestre Symphonique de Vienne dirigé par Carlo Maria Giulini
Coffret de 8 disques Deutsche Grammophon Universal 469 820-2
On a beau médire à force de se perdre dans les perpétuelles réédition-rhabillage de fond de catalogue des Majors, quand Deutsche Grammophon-Universal propose l'intégrale de ses gravures d'Arturo Benedetti Michelangeli pour moins de 70 euros, il est difficile de ne pas s'incliner.
Il faut une sacrée dose de folie pour rejouer plusieurs centaines de fois un même morceau de musique avec la vanité de vouloir le jouer à la perfection. Cette vaine démence habitait pourtant Arturo Benedetti Michelangeli plus qu'aucun autre pianiste.
S'il concédait à la scène comme au disque un répertoire si restreint, c'était d'abord l'effet de cette obsession. On sait par exemple qu'il jouait toutes les sonates de Beethoven, mais il n'en a jamais exécuté en public que deux ou trois.
De plus, parmi les témoignages phonographiques que Michelangeli a laissés, beaucoup sont des semi-pirates bricolées d'après d'improbables prises de son radiophoniques ; ils n'auraient sans aucun doute jamais emporté son assentiment.
Mais ce n'est pas le cas de ses enregistrements pour DG et c'est ce qui fait leur valeur unique. S'ils dérogent tous forcément au Graal qui les a nourris, qui nierait que ses Debussy s'en approchent comme jamais ? Que même avec une prise de son très datée, le vent a rarement soufflé aussi fort que dans ses Schumann ? Que ses Chopin ont le chant du spleen chevillé aux phalanges ?
Et si chaque enregistrement DG de Michelangeli est en soi un traité de la couleur pianistique, il ne faut perdre de l'ouïe la sève lyrique qui irrigue partout le jeu du maître italien.
Le savant décalage des mains qu'il opère constamment n'a qu'un but : rendre la basse plus indépendante pour mieux souligner le chant. Une technique vieille comme le clavecin que les maîtres du XIXe siècle avaient perpétué d'instinct.
Bien sûr, on se serait passé de l'orchestre pâteux que dirige Cord Garben dans les Mozart, mais le piano a une saveur si unique, 100 % sans sucre ni graisse mais en même temps tellement pleine qu'elle est en soi aussi inouïe que les Mozart de Gould, dimension provocatrice mise à part.
Et que dire de l'entente olympienne avec Giulini ? Si ce n'était pas un disque, ce serait un film de Visconti : les décors, les costumes, les personnages, le faste d'une noblesse à jamais révolue dont Beethoven est pour toujours l'empereur sacré.
Bref, s'il y a un testament Michelangeli, il est rédigé pour une large part dans ce coffret de huit disques, et il faudrait être fou pour décliner une succession si fastueusement dotée.
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