
Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie n° 91 en mib majeur, Hob.I:91
Scena di Berenice, scène dramatique Hob.XXIVa:10
Bernarda Fink, mezzo-soprano
Symphonie n° 92 en sol majeur, Hob.I:92, « Oxford »
Freiburger Barockorchester
direction : René Jacobs
CD Harmonia Mundi HMC 901849
Un petit rappel tout d'abord. Les réussites toutes relatives des Mozart de Jacobs – un Così et des Noces trépidants à l'orchestre mais bien mal chantés – ne pouvaient laisser présager à l'automne dernier le succès de Saisons de Haydn captées sur le vif au festival d'Innsbruck 2003 et venues se placer rien moins qu'au sommet de la discographie.
Cette fois, le travail toujours inventif, vivant et théâtral de Jacobs, sa manière à nulle autre pareille de brosser de véritables peintures sonores, n'étaient pas défigurés par une distribution médiocre. Tant la Hanne au timbre miraculeux de Marlis Petersen que le Lukas rustique et un brin nasal de Werner Güra ou encore le Simon aux couleurs d'arlequin de Dietrich Henschel se fondaient à merveille dans ce qui restera l'un des enregistrements haydniens majeurs de ces vingt dernières années.

Or, voilà que le diabolique chef d'orchestre s'attaque aujourd'hui au répertoire purement instrumental de Haydn, avec les Symphonies n° 91 et 92, les deux dernières qu'il écrivit avant son départ pour Londres. Dès le Largo liminaire de la Symphonie en mib, on est fasciné par la manière d'alterner affirmation sans nuage et interrogation teintée de nostalgie – une flûte admirablement fondue dans les cordes. Et d'emblée opèrent les timbres magiques du Freiburger Barockorchester, éclairant la trame orchestrale d'une lumière inédite et servant toujours le mouvement et l'avancée, le geste presque chorégraphique de Jacobs.
On atteint ensuite les cîmes avec une Symphonie Oxford littéralement inouïe. Dès l'introduction lente du premier mouvement, on a l'impression d'être au théâtre, avant de se laisser emporter par un Allegro spiritoso à la bonne humeur contagieuse. La poésie toute bucolique de l'Adagio, restituée avec un sens des contrastes étonnant – les ponctuations de cuivres et timbales, très nettes – , l'élégance un brin révérencieuse du Menuet sont servis par des cordes félines, des bois à la lumière feutrée.

Mais le clou du spectacle reste bien le Finale. La sonorité de guimbarde, ferraillante, des basses sur les cordes à vide, relayée par le glouglou du basson, puis le fruité des bois et le détonant de timbales survoltées, engendre un véritable foisonnement instrumental. Jacobs semble nager en plein bonheur, et se fait incroyablement facétieux – les petites gammes de flûte dérobées par un pianoforte caméléon.
La réussite de cette relecture tient dans le fait de ne jamais forcer la virtuosité et l'énergie, et dans une lecture parfois impétueuse, de ne jamais altérer le classicisme spirituel et léger de Haydn. Et toute l'adresse de Jacobs est de réussir, malgré une réelle prise de risques, à ne jamais dépasser le point de non retour.
Un festival de saveurs comme on n'en avait pas entendu depuis longtemps, avec en prime la courte Scène de Bérénice subtilement caractérisée par la si émouvante Bernarda Fink.
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