Le dernier concert de Böhm à Salzbourg
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 29 en la majeur KV 201
Concerto pour piano n° 19 en fa majeur KV 459
Maurizio Pollini, piano
Symphonie n° 35 en ré majeur « Haffner » KV 385
Wiener Philharmoniker
direction : Karl Böhm
Enregistrement : Kleines Fetspielhaus, Salzbourg, 30/08/1980
CD Orfeo d’Or C891141B
Kleines Festspielhaus, le 30 août 1980 en matinée. C’est lors d’un concert du Philharmonique de Vienne au programme tenant en tout point de la Mozart-Matinee qui se pratique sur l’autre rive de la Salzach, au Mozarteum de Salzbourg, qu’un Karl Böhm venant de fêter son quatre-vingt-sixième anniversaire donne son ultime concert in loco, quinze jours après un programme Beethoven avec les mêmes Wiener, dans une ville où il aura brillé plus que tout autre chef hormis Karajan pendant une trentaine d’étés de l’après-guerre.
Programme primesautier consacré aux œuvres médianes de l’enfant du pays, à travers la Symphonie n° 29, le Concerto pour piano n° 19 aux côtés de Maurizio Pollini, et la Symphonie Haffner. Soit un répertoire demandant une énergie juvénile, des contours nets et une articulation pleine de vie. Hélas, arrivé au terme d’une carrière exemplaire, le vieux maestro autrichien n’est plus en mesure que de produire un geste sclérosé, particulièrement dans les symphonies, plombées par une incapacité à habiter une lenteur autrefois tenue d’une main de fer.
Pour n’avoir jamais couru le cent mètres dans la Symphonie n° 29, Böhm inflige aux trois premiers mouvements de cette ultime lecture une cure de pesanteur assez indigeste – les transitions du premier mouvement, quasiment à l’arrêt, irrespirables. Du reste, cet ouvrage secret de 1775, à la douce lumière, résistait presque autant à un mozartien pourtant beaucoup plus pré-baroqueux comme Ferenc Fricsay.
Et si Böhm, dans son intégrale des symphonies des années 1960 avec les Berliner, ne paraissait déjà guère en phase avec la Symphonie en la majeur, avant d’y trouver, en live vidéo avec les Wiener la décennie suivante, des couleurs mordorées assez uniques, le point de non retour semble franchi ce samedi matin salzbourgeois.
Le Concerto KV 459, dit « Petit Concerto du Couronnement », grâce à la rigueur rythmique de Pollini, se déroule en revanche dans des conditions nettement plus favorables. Tout au plus regrettera-t-on chez l’Italien un toucher assez monochrome, sans poésie ni souplesse exceptionnelle, mais au moins avec une vraie direction dans les avalanches de doubles croches, face à un Böhm comme revivifié.
Moins paralysée que la précédente, la Symphonie Haffner exclut toute jubilation, toute envie d’en découdre, ne parvenant à aucun moment à exhaler une énergie vitale, un souffle conquérant qui n’avaient jamais fait défaut jusque-là à un chef parmi les plus scrupuleux sur l’exactitude rythmique et les valeurs de notes.
La prise de son, à la réverbération étrange, bien étriquée pour une bande radio de 1980, n’arrange rien à l’affaire, durcissant, crispant les sonorités d’ordinaire claires et veloutées des Wiener. Définitivement, malgré le Concerto en fa, les concerts de novembre 1973 et octobre 1974 au Musikverein captés par Unitel et réédités en DVD chez Deutsche Grammophon demeurent pour les deux symphonies en tous points supérieurs à ces lectures exténuées.
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